Le Kunsthaus de Zurich propose le "Symbiotic Seeing" d'Olafur Eliasson. Je reste sceptique
Le Dano-Islandais, né en 1967, est très à la mode depuis son triomphe londonien de 2003. Il occupe une aile du musée. C'est assez prétentieux. Tour cela tient du truc.

L'une des pièces montrées à Zurich.
Boum bada boum! Olafur Eliasson a débarqué avec sa joyeuse équipe depuis quelques jours au Kunsthaus de Zurich. Le musée, qui le juge comme «l’un des plus importants artistes de notre époque», lui a réservé toute l’aile Bührle. Normal. Le Dano-Islandais voit en général très grand. Il a donc conçu avec sa troupe berlinoise (le plasticien se déplace en tournée un peu comme le Cirque Knie) différentes ambiances pour «Symbiotic Seeing». Il y est bien entendu question, entre autres, du changement climatique. Oliasson est devenu un spécialiste de la chose. Il sert du reste en la matière d’ambassadeur de l’ONU, comme il est pour elle celui des énergies durables.
Tout cela se révèle très noble, bien sûr. Il faut soutenir. Mais il s’agit aussi d’un solide «business», comme le prouve les liens de l’homme avec de grosses galeries américaines (1). Eliasson ne cesse de créer dans les institutions de vastes installations, tout en concevant pour les riches amateurs des produits dérivés. Il n’y a pas encore sur le marché de T-Shirt, même pas «bio» et dégradables, mais tout de même des œuvres de plus petite taille. Le Kunsthaus en propose d’ailleurs une série scintillante, pendue au plafond. Le visiteur se croirait un peu dans un magasin de lustrerie, mais en plus chic et comme de juste en beaucoup plus cher. De telles pièces s’étaient d’ailleurs vues présentées à Genève en 2018 par la très «arty» galerie Espace Murailles.
Projection dans le noir
L’essentiel à Zurich se situe tout de même ailleurs. Le meilleur en est une projection dans le noir, aux airs de train fantôme dans une fête foraine. Il s’agit de «Symbiotic Seeing», qui donne son nom à l’ensemble. Il y a au sous le toit des lasers et des machines à brouillard. Cachés par un vélum, ils crachent du feu par intermittences, à la manière des dragons, créant sur la toile des nymphéas à la Monet. En futuriste, bien sûr. C’est assez impressionnant. Les visiteurs, qui ont tout de même payé 23 francs pour l’entrée, photographient religieusement cet événement culturel, à moins que celui-ci serve de fond à leurs «selfies». A eux de saisir les arrière-plans climatiques et sociétaux. Puis ces gens passent dans un autre lieu, où se trouve une grande roue avec des demi-boules de verre tournée vers l’intérieur. Une chose tenant selon moi davantage du jeu optique que de la réflexion philosophique…
Le parcours se termine, après la lustrerie, par un immense mur blanc. Il se voit recouvert d’articles écologiques, piqués dans la presse internationale. La presse sérieuse, évidemment. Il s’agit là d’appuyer le discours. Il se montre hélas aussi répétitif que de la musique sérielle. De toute manière, vu l’abondance de textes, le public devra bien opérer des choix. Il n’a plus après qu’à gagner la sortie, à nouveau dans le noir. Noir comme l’avenir, probablement.
Une certaine déception
J’avais beaucoup aimé en 2003 l’immense soleil rouge d’Eliasson, projeté au fond du Turbine Hall de l’alors jeune Tate Modern de Londres. J’attendais avec impatience la suite. Mais plus jamais Eliasson ne m’a plus impressionné, que ce soit dans une Biennale de Venise ou ailleurs. Je finis par me demander si tout cela, en dépit de l’indiscutable honnêteté de départ, ne tient pas du bluff intellectuel. A mon avis, il y a un truc.
(1) Lisez à ce propos la légende de la photographie que je publie!
Pratique
«Olafur Eliasson, Symbiotic Seeing», Kunsthaus, 1, Heimplatz, Zurich, jusqu’au 22 mars. Tél. 044 253 84 84, site www.kunsthaus.ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, le mercredi et le jeudi jusqu’à 20h.