La Biennale, c'est aussi 90 pavillonsenvirons (1). Certains pays possèdent leur propre bâtiment, le plusancien étant celui de la Belgique et le plus beau (Art Nouveau,tendance sécession viennoise) celui de la Hongrie. Quelques nationslogent à l'Arsenale. Les autres louent en ville un espace où ellesle peuvent, se regroupant au besoin. Un étage pour chacune, commepour les «pensione» italiennes bon marché. La chose donne parfoislieu à d'amusants carambolages. Cette année, le Portugal et laBulgarie cohabitent ainsi dans l'immeuble de la Fondazione Ugo e OlgaLevi, qui présente elle-même une (discutable) exposition autour desélèves de Léonard de Vinci!
Que retenir de ce fatras, dont certainséléments sont allés se nicher dans des lieux improbables, voireintrouvables? Quelques éclats, même s'il n'y a pas en 2019 derévélation comme ont pu en offrir par le passé le Japon,l'Autriche, la Grande-Bretagne ou la Catalogne, qui a réussi sasécession au moins sur le plan artistique. La participation la plus remarquéereste celle du Ghana, venu sauf erreur à Venise pour la premièrefois. Ce pays pauvre a mis les petits plats dans les grands pourcélébrer la «Ghana Freedom». Des photos de Felicia Abbamremontant aux années 1960. De grandes toiles figuratives de LynetteYiadom-Boakye, née à Londres de parents immigrés. Lynette est aujourd'hui unevedette dans les pays anglo-saxons. Mais pas au niveau d'El Anatsui,qui a reçu un «Lion d'or» pour l'ensemble de son œuvre en 2015.«L'artiste le plus cher d'Afrique», qui produit d'immenses rideauxfaits de restes de boîtes métalliques colorées et de capsules debouteilles, a conçu pour cet énorme stand trois piècesspectaculaires, dont l'une toute jaune.
Parc à thème
A côté de cette somptuosité, lespavillons font pâle figure à la Corderie de l'Arsenale, En forme delabyrinthe, l'immense espace occupé traditionnellement par l'Italielaisse perplexe avec ses pièces de Chiara Fumai, Liliana Moro ouEnrico David. Le séduisant rideau de papier noir de Madagascar doit avoir unsens qui m'échappe. C'est souvent ainsi ici, où les intentionspriment presque toujours sur la création. Mais il faut aussi direque le lieu, avec ses bassins et ses ex-bâtiments industrielsdemeure si beau qu'il vole bien souvent la vedette à laBiennale. Ce n'est évidemment pas le cas aux Giardini, qui tiennentun peu du parc à thème. Les familles font ici leur promenade,montant sur la sorte d'acropole où se dressent les pavillonsfrançais, anglais et allemand. Puis elles traversent un canal pouraboutir à la seconde partie, qui se termine par une galeries blanched'un goût très mussolinien. Le temps de jeter, parfois, un coupd’œil à droite ou à gauche.

Il faut dire que l'aire s'est biendégagée, depuis les journées de vernissage qui font ressembler ceparc arboré à la gare de Bombay aux heures de pointe. Une envoyéede «Il Giornale dell'arte» raconte dans le numéro de juin qu'illui a fallu attendre quatre heures pour pénétrer dans le pavillonoù sévit Laure Prouvost. La Française donne pourtant des chosesplutôt miquelettes, comme on dirait dans le canton de Vaud.Aujourd'hui, il faut un bateleur (qui était lors de mon passage unebateleuse) pour arriver à faire entrer ici du monde. Un monde quidoit entrer dans l'édifice par la cave arrière. Une idée, medirez-vous. Mais une idée pauvre tout de même. En face, lesAllemands se livrent à leur habituelle prise de tête. LaGrande-Bretagne propose des micro-installations de Cathy Wilkes. Ilfaut à mon avis beaucoup d'imagination pour y voir, à l'instard'une de mes consœurs, «la poésie de la nature et de la lumièrequi existent chez Turner et Constable.»
Mannequins belges
A l'entrée des Giardini se trouve lepavillon suisse, géré par Pro Helvetia, qui a l'habitude des catastrophes. Il abrite cetteannée les vidéastes Pauline Boudry et Renate Lorenz. Elles y fontallusion à la situation politique actuelle, faite de fermeture etd'intolérance. Mais ces artistes, qui ont reçu l'appui de laféministe indigéniste française Françoise Vergès, sont entréesen résistance. Comme si elles risquaient quelque chose! Le simple fait de poser le pied dans l'Italie de Salvini leurdonne sans doute des frissons. Elles sont chez les fascistes. Non loin de là setrouvent l'Espagne et les Pays-Bas. Rien à en dire. La Belgique,située ici entre les deux, a accompli en revanche un notable effort.«Mondo Cane» de Jos de Gruyter et Harald Thys propose des automatesgéants, vêtus à l'ancienne. Ils raconte chacun leur affreuxdestin. Toutes les histoires belges ne sont pas drôles!

Pas grand chose à signaler de l'autrecôté du pont, à part le champ de fleurs mortifères de l'Autriche.L'Egypte bat cependant des records de laideur avec son installationfaite de sphinx en carton pâte doré, avec un écran vidéo à laplace du visage. Difficile de parler de ce qui se passe en ville, vul'abondance. La participation irakienne, particulièrement sinistre avec un général à demi décomposé sur un bateau, frappe cependantdans une sorte de cave. Mais là, il faut dire que certains, dont jesuis, profitent de l'occasion pour guigner à l'intérieur de palaisinaccessibles en temps normal. Le plus beau reste sans doute celuiqui abrite, à côté du Carmine, le Bangladesh et l'Arménie. Ilfaut dire que nous sommes dans l'ancien Collège arménien,aujourd'hui voué à la musique. Les vidéos sur la révolution de2018 dans cet ancien satellite de l'URSS, curieusement vue sousl'angle féministe et «queer» (ce que je n'avais pas remarqué toutseul), m'ont certes laissé de glace. Mais j'ai pu revoir la salle debal de la Ca' Zenobio, peinte à fresque par Luigi Dorigny vers 1720.Un chef-d’œuvre aujourd'hui en péril.
(1) Mon article sur la sélection officielle a paru hier.
P.S. Contrairement aux rumeurs, Le Venezuela a fini par ouvrir les portes de son petit bâtiment des Giardini. Le résultat apparaît du reste très honorable.
Pratique
«May You Live In Interesting Times»,Arsenale, Giardini, partout dans la ville, Venise, jusqu'au 24novembre. Site www.labiennale.org Ouvert tous les jours, sauf lundi, de 10h à 18h.
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Le Ghana triomphe à la Biennale de Venise du côté des nombreux pavillons nationaux
Il y a environ 90 participations étatiques entre l'Arsenale, les Giardini et les lieux loués en ville. Peu de chocs artistiques. La Suisse s'offre deux vidéastes entrées en résistance.