Le Japon est à Paris. Je vous l'aidéjà dit à propos de «Jômon». L'Empire du Soleil-Levant attireun public souvent spécialisé. On ne rencontre pas aux expositions nipponesles mêmes gens que pour la Chine, la France n'offrant pas (contrairement au Royaume-Uni) de réservoir humain intéressé parl'Inde. Il existe cependant des exceptions. A Beaubourg, larétrospective Tadao Ando en fait partie. L'architecte intéresse lesamis du contemporain comme les tenants d'un certain zen oriental.L'homme n'est-il pas en train de transformer, à quelques mètres duCentre Pompidou, l'ancienne Halle aux grains du XVIIIe, reconstruiteau XIXe siècle sous forme de Bourse de Commerce? Un chantierpharaonique, lancé par Pinault Ier pour montrer sa collection? Cinqcents mille heures de travail nécessitant jusqu'à 400 ouvriers,«dont trente jeunes défavorisés en formation».
Ando n'est pas un architecte comme lesautres. D'abord, il s'agit d'un autodidacte. Né en 1941 à Osaka, enpleine guerre, il a été élevé par une grand-mère trop occupéepar son petit commerce pour pouvoir réellement s'en occuper. Ellen'avait du reste pris qu'un seul enfant, le séparant de son jumeau.L'adolescent a donc découvert le monde seul, entamant à 17 ans unecarrière de boxeur. Mais il avait aussi vu des livres parlant duCorbusier. Un choc, même si son œuvre actuel se situe aux antipodesde celui du Jurassien. A 24 ans, Ando peut mettre ses gants auvestiaire. Il part pour l'Europe. Il pense à juste titre qu'observerconstitue une forme d'études comme les autres. Il a ainsi lapossibilité d'ouvrir un petit bureau en 1969. Toujours à Osaka.
Un bureau modeste
Les débuts demeurent modestes, maisAndo n'apprécie pas les agences gigantesques comme Jean Nouvel ouDavid Chipperfield. Il y a quelques années, il employait 25personnes, alors que ces collègues (finalement pas plus prestigieuxque lui) en faisaient travailler entre 150 et 200. Il faut direqu'Ando aime choisir les clients avec lesquels il va vivre durant desannées. Il n'a pas envie de faire de concessions. Le Japonais avouevolontiers avoir perdu nombre de concours. Normal. Concourir, c'estse couler dans le moule. Le candidat va au-devant des attentes dufutur commanditaire. Le client idéal de Tadao semble aujourd'hui lemilliardaire français François Pinault. La Bourse vient en effetpour lui après la rénovation soft du Palazzo Grassi à Venise (déjàtransformé par Gae Aulenti) ou celle, un peu plus audacieuse, de laPunta della Dogana dans le même ville. Mais attention! Les monumentshistoriques veillaient, tout comme les amis du patrimoine! Ando a dûbaster pour les modifications visibles depuis le Grand Canal.
Auréolé d'un Pritzker obtenu en 1995(le Nobel des architectes), le Japonais n'en a pas moins beaucoupconstruit ou aménagé. Beaubourg peut présenter cinquante projetset réalisations, accompagnés de carnets de voyage ou des photosprises en noir et blanc par Ando. Un panorama à la fois public etintime, par conséquent. Le visiteur peut découvrir l’œuvrede l'intérieur et de l'extérieur. Il est aidé par la cohérenced'Ando, qui ne donne pas dans tous les genres comme les Herzog &DeMeuron. Ces derniers admettent d'ailleurs ne pas avoir de style bien défini. Une chose qui n'est pas le cas ici. Le public se promènesans heurts ni ruptures des première maisons particulières édifiées dansl'archipel aux nombreux musées conçus par le maître (dont ceux surl'île de Naoshima). Il y a aussi une église, près d'Osakatoujours, ou «La Colline de Bouddha» à Sapporo. Mais rien auxEtats-Unis ou en Chine...
Non au geste architectural
Situées sur la mezzanine de Beaubourg,les expositions d'architectures me semblent d'un intérêt trèsinégal. Renzo Piano et Frank Gehry avaient brillamment réussi laleur. Je n'avais à peu près rien compris à celle de BernardTschumi. La prestation autour de Tadao Ando, organisée par lecommissaire Frédéric Migayrou, apparaît claire même si aucuncheminement ne se voit prévu. Les photos de l'artiste (un architecteest aussi un artiste) ajoutent un supplément d'âme. Les maquettes possèdent la bonne taille. Ni trop petites, ni énormes. Il faut bien sûraimer le travail d'Ando, que je trouve un peu froid avec ses bétonslisses laissés bruts. Ando aspire pourtant à produire des chosescapables d'émouvoir notre âme. Bref, l'exposition possèdel'immense mérite de souligner la cohérence d'un homme ne donnantpas dans le geste architectural. Ando n'est pas du genretape-à-l’œil. Il ne joue pas les mégalomanes. Il ne dépense pasle plus d'argent possible. Ce créateur se contente de faire bien,utile et sans doute durable. Des qualités qui tendent aujourd'hui àse perdre...
Pratique
«Tadao Ando, Le défi», CentrePompidou, mezzanine, 1, place Georges-Pompidou, Paris, jusqu'au 31décembre. Tél. 00331 44 78 12 33, site www.centrepompidou.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 11h à 21h.
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Le Centre Pompidou présente l'architecture épurée du Japonais Tadao Ando
Il y a à Paris des maquettes, des dessin et des photos. Le parcours de cet ancien boxeur, né en 1941, apparaît ainsi lumineux et cohérent. L'homme travaille en ce moment juste à côté, dans l'ex-Bourse de Commerce.