L'Accademia de Venise montre discrètement ses dessins de Leonardo da Vinci
Le musée, à moitié fermé, a tiré 25 feuilles de ses cartons dont le célébrissime "Homme selon Vitruve". Il y a peu de visiteurs pour l'artiste de l'année.

Le dessin à la plume, avec son long texte écrit à l'envers.
Crédits: DREn termes de fréquentation, il y a
paraît-il des noms magiques. Toutankhamon. Le Caravage. Claude
Monet. Picasso jusqu'à ces dernières années. Trop d'expositions
ont en effet commencé à ternir son aura. Léonard de Vinci fait
naturellement partie du lot. Vous allez d'ailleurs boire du Vinci
jusqu'à la lie en 2019. L'Italien est mort le 2 mai 1519 à Amboise.
Cela dit, il n'avait pas atteint l'âge canonique que lui prête
volontiers son imagerie. Le grand homme ne comptait alors que 67 ans.
Michel-Ange deviendra bien plus âgé que lui. Quatre-vingts neuf!
Les expositions Vinci se multiplient donc cette année, en dépit de la modestie quantitative de l’œuvre. Je vous ai raconté la bataille entre la France et l'Italie, le Louvre devant montrer l'artiste cet automne en fanfare. Les prêts de Milan ou de Parme se sont retrouvés un temps compromis. Tout a fini par s'arranger. L'exposition pourra donc ouvrir le 24 octobre pour se terminer le 24 février 2020, la réservation (obligatoire) démarrant le 18 juin sur www.ticketlouvre.fr Il y aura notamment là les 22 dessins du Louvre, plus quatre de ses cinq tableaux, «La Joconde» ne devant pas changer de place. Dès le 1er juin, le Musée Condé de Chantilly présentera, lui, le carton représentant la même dame. Nue cette fois. Une pièce de même taille que le panneau du Louvre, à l'autographie longtemps contestée. Cette rareté ne peut pas sortir du château, de par la volonté testamentaire du duc d'Aumale, fondateur du Musée Condé.
La collection de la reine
Ce n'est évidemment pas tout! Londres
va entrer dans la danse. La chose se passera à la Queen's Gallery,
qui jouxte Buckingham Palace. Un lieu dont je vous parle souvent, vu
la qualité (et parfois l'humour) de ses prestations. La reine
possède 550 dessins de Vinci, ce qui ridiculise la collection du
Louvre. Un vieil héritage. Depuis le début du XVIIe siècle en
Angleterre, l'album qui les contenait figure dans les propriétés de
la Couronne depuis William et Mary, qui régnèrent conjointement (et
conjugalement) sur le pays autour de 1690. Une vaste sélection sera
proposée au public du 24 mai au 13 octobre sur place. Une autre
série (ou la même, le site n'est pas très clair) ira ensuite du 22
novembre au 15 mars 2020 à la Queen's Gallery d'Edimbourg, Elizabeth
II manifestant un grand respect pour l'Ecosse. Vous en saurez
davantage sur www.rct.uk/visit/the-queens-gallery-buckingham-palace

Pour tout cela, il y aura bien sûr un monde fou et, suivant où des files d'attente. Chantilly ne pré-loue apparemment pas. Que faire si vous voulez voir des Vinci dans la solitude? Très simple. Vous allez à l'Accademia de Venise. Toujours sinistré, mais il y a enfin des travaux au premier étage de ce musée d'Etat, le lieu possède en effet 25 dessins du maître depuis 1822. Ils appartenaient à l'origine à Giuseppe Bossi (1777-1815). A sa vente, le lot se vit acquis par Luigi Celotti. Venise le lui a donc racheté sept ans plus tard. Il s'agit là d'un ensemble composite. Il comprend des travaux couvrant toute la carrière de Vinci dans l'ensemble des disciplines l'intéressant. La chose va du croquis qui n'intéresserait personne sans son illustre attribution au pur chef-d’œuvre. L'Accademia détient ainsi plusieurs feuilles teintées en saumon sur lesquelles le maître a tracé de sublimes têtes à la sanguine.
Publicité inexistante
De cet ensemble relevé par quelques
emprunts et complété par des pièces d'autres artistes alors actifs
à Venise (dont Albert Dürer, qui y passa plusieurs années) se
détache bien sûr la célébrissime feuille montrant l'homme idéal
selon l'architecte antique Vitruve. Un motif qui a beaucoup servi,
notamment pour la publicité de la maison de travail temporaire
Manpower. Cette représentation idéalisée de la perfection humaine
(avec le nombril en plein milieu du cercle et du carré) est montrée
à part, dans l'abside de la chapelle abritant l'exposition. Le
public y accède en empruntant une rampe lumineuse enjambant
l'escalier menant au chœur. Un gadget un peu ridicule. Sur les côtés
d'autres feuilles, provenant de Windsor, avec beaucoup de texte écrit
comme il se doit à l'envers, expliquent les processus ayant mené à
cette réalisation fondamentale.
Vous imaginez bien sûr qu'il y a là des foules agglutinées. Eh bien, pas du tout! Le jour de ma visite, en fin d'après-midi, nous étions cinq. Il faut dire que l'institution n'assure aucune publicité à cette manifestation. Il s'agit après tout de présenter son propre fonds. Il y a donc juste un calicot sur la façade. Très discret, surtout à côté des affiches pour le moins bariolées annonçant le Baselitz qui doit se tenir prochainement ici en marge de la Biennale. Et comme le musée est aux trois quarts fermé, mais en vendant ses billets au tarif plein, le public ne se bouscule pas. C'est donc le moment de profiter. L'Homme selon Vitruve sera bien plus entouré au Louvre cet automne. Cela dit, vu sa fragilité, est-il bien raisonnable de le montrer deux fois cette année, même avec d'infinies précautions?
Pratique
«Leonardo da Vinci», Accademia, 1050, Campo della Carità, Venise, jusqu'au 14 juillet. Tél. 0039 041 55 2222 47 Site www.gallerieaccademia.it Ouvert le lundi de 8h15 à 14h, du mardi au dimanche de 8h15 à 19h15.
