La Wallace Collection de Londres pourra prêter ses oeuvres pour des expositions
Le testament de la veuve de Sir Richard Wallace semblait formel. Il ne l'est plus. Cette libération, qui en suit bien d'autres, ne va pas sans poser des problèmes de crédibilité.

Fragonard et Manolo Blahnik. Une récente exposition de la Wallace.
Crédits: Wallace Collection, Londres 2019.C'est un événement, mais il faut le savoir. Grâce à un nouvel examen du testament de Lady Wallace (1), morte en 1897, la Wallace Collection de Londres, ouverte au public trois ans plus tard, pourra désormais prêter des œuvres de ses collections. Elle le fera de manière raisonnable, a précisé le directeur Xavier Bray à Didier Rykner qui lui posait la question pour «La Tribune de l'art». Comprenez par là que le musée ne servira pas de garde-manger pour les organisateurs d'exposition. Il faudra un prétexte solide pour obtenir quelque chose.
Ce changement en suit bien d'autres à la Wallace, qui s'est dotée au fil du temps d'un restaurant de luxe dans un jardin d'hiver et de salles en sous-sol pour des manifestations temporaires. Il faut savoir d'adapter. Le seul obstacle restait jusqu'ici les dernières volontés de la veuve de Sir Richard Wallace. Une dame dont les historiens ne disent pas grand bien. Mais il faut dire que tout reste trouble, pour ne pas dire glauque dans la famille. Sir Richard Wallace, officiellement le secrétaire de Lord Hertford, en était sans doute le fils illégitime. Certains pensent qu'il est aussi l'auteur du testament lui laissant les immenses biens de son père et patron en 1870. Soixante millions de francs or... Il a existé là-dessus plusieurs articles, mais ils semblent avoir été purgés récemment d'Internet. La fiche biographique de Wikipedia s'est ainsi vue radicalement adoucie.
Convoitises excitées
Toujours est-il que la Wallace Collection est riche de 5637 œuvres d'art allant des tableaux de maître (Titien, Velázquez, Frans Hals, Fragonard..) aux porcelaines de Sèves en passant par les majoliques italiennes. De quoi exciter les convoitises. Nous vivons dans une époque un peu folle où ils'agit d'organiser toujours davantage de manifestations de prestige avec du rare, du cher et de l'inédit. D'aucuns vont sans doute vouloir que les chefs-d’œuvre de la Wallace prennent autant l'avion que la jet-set. Un tempérament voyageur qui ne leur fera aucun bien. La seule particularité que gardera la Wallace est de ne pas pouvoir accueillir d'objets nouveaux, contrairement par exemple à la Frick Collection de New York.
Cette libération révèle dans l'air du temps. De plus en plus de musées fermés s'ouvrent, parfois pour des motifs financiers. Travaux et autres. La Barnes Collection de Merion, près de Philadelphie, a craqué il y a longtemps à l'occasion de sa réfection. Ses Cézanne et ses Seurat ont notamment été vus au Musée d'Orsay en 1993-1994. La Collection Glenville L. Wintrop ne pouvait théoriquement jamais sortir du Fogg Museum d'Harvard. On l'a admirée en tournée au Musée des beaux-arts de Lyon courant 2003. Et ainsi de suite... En ce moment, le Louvre présente ainsi dans son exposition Léonard de Vinci des dessins que le donateur Léon Bonnat avait interdit de prêt. Cela ne semble déranger personne. Mais peut-être, après tout, que le Louvre dispose d'une sorte de droit de cuissage artistique. Il n'y a plus désormais que le Musée Condé de Chantilly pour tenir bon. Mais là le testament semble en béton et la famille d'Orléans, héritière par défaut, veille au grain...
(1) Dans le genre, la Fondation Baur avait fait très fort pour permettre l'entrée de nouveaux objets dans ses collections. C'est devenu possible grâce à une meilleure lecture du testament par feu Olivier Reverdin. Un homme qui faisait alors la pluie et le beau temps à Genève.