
Ouf! Le pire n’est pas toujours certain. Je croyais pourtant dur comme fer que le Conseil Fédéral allait refermer les musées comme des coffres-forts lors de ses annonces promises pour le «pow-wow» du vendredi 11 décembre. Les «sept sages» avaient en effet menacé mardi d’interdire toutes les «activités culturelles», alors même que champ libre serait donné au ski alpin. La foule sagement masquée dans les salles se révèle sans doute plus menaçante que l’entassement des sportifs dans les télécabines ou dans l’attente des remonte-pente. Comme chacun sait, le danger ne réside jamais où on le croit. D’où l’irrésistible montée des périls.
Le possible bouclage des collections n’a pas ému outre-mesure cette semaine, et la chose peut se comprendre. Si les restaurants, les bars et les cafés du pays risquent aujourd’hui leur peau, si certains magasins jouent en ce moment leur survie, si les arts vivants se retrouvent laminés, les musées helvétiques n’ont dans leur immense majorité rien à perdre. Contrairement à ce qui se passe pour les cinémas ou les galeries, nous sommes avec eux dans le public. La plupart des institutions relèvent du domaine municipal ou cantonal. Quelques-unes même du fédéral. Autant dire que ce monde restera dûment fonctionnarisé en attendant le jour béni de la retraite. Avec tout de même un corollaire. Une obligation. Les directions doivent observer un droit de réserve. Autant dire qu’il leur reste interdit de gueuler, ce qui me semble du reste peu dans le genre de la maison. Donc pas de «lobby». Seules les fondations privées ont en ce moment de discrètes sueurs froides. Toutes ne possèdent pas une assise financière solide. On ne peut pas dire en plus que la billetterie aura bien fonctionné en 2020 avec un ou deux confinements suivant les cantons…
Jamais le dimanche
Finalement, les musées demeureront donc accessibles. Du moins provisoirement, puisque nous restons en libération conditionnelle. Mais attention! Jamais le dimanche, comme dans le vieux film avec Mélina Mercouri. Et pas au-delà de 19 heures. Une précision qui distille en moi de nouveaux doutes sur les intérêts intellectuels du Conseil Fédéral. Nous ne sommes pas avec ces gens, élus selon une pondération complexe de représentations linguistique, politique, religieuse et maintenant sexuelle, avec des hommes et des femmes de culture même si tous savent lire et écrire (pour ce qui est de compter, c’est moins sûr!). A part éventuellement une «nocturne» par semaine et une «nuit» par an, aucun musée suisse n’ouvre en effet après 18 heures.
Et puis pour tout dire, ces nobles lieux restent en général plutôt vides hors des soirs de vernissage. Le Louvre (qui va très mal en ce moment) a fait croire aux politiques de tous bords à l’existence de foules gigantesques n’existant en fait guère ailleurs que chez lui. J’ai du coup été saisi, depuis le premier déconfinement de mai, de voir à quelle point les jauges accordées aux musées restaient irréalistes. Il n’y a jamais 300 personnes en même temps au Mamco genevois! Je n’ai aucun souvenir d’avoir vu 900 personnes à la fois au Kunstmuseum de Bâle! Sur un plan plus modeste, de petites quantités peuvent elles-même se révéler hors de propos. Je sors de l’ETH zurichois, qui possède l’un des plus riches cabinets graphiques de Suisse. On lui interdit d’accueillir plus de quinze visiteurs simultanément. Eh bien, sans surprise, je suis resté la seule personne présente (avec une vague gardienne) durant une heure! Alors où est le risque? Et cela même le dimanche, où les musées fermeront comme dans l’Angleterre victorienne mais pour d’autre raisons. Le méchant virus a remplacé le respect du Seigneur...
Des "places sûres"
En fait, cette année où les gens ont de la peine à reprendre le chemin des musées (un important lieu genevois, dont je tairai le nom, n’a accueilli un de ces derniers jours que cinq clients), il faudrait plutôt considérer ceux-ci comme des places «sûres». Un seul l’a fait jusqu’ici. Bouclé jusqu’au 19 décembre, comme ses congénères neuchâtelois pourtant peu surpeuplés, le Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds y a logé des artistes. Une idée du directeur David Lemaire. Ces créateurs ont été en résidence bien tranquilles dans un bâtiment proposant en principe une rétrospective Camille Graeser, dont il me reste à vous parler. Pourquoi pas d’initiatives équivalentes ailleurs?
Voilà pour aujourd’hui. J’arrête. Je remets à d’autres jours la question, bien plus douloureuse, des musées américains, au statut privé à de très rares exceptions. Là, la pandémie a vraiment fait des dégâts. Quelques ventes d’œuvres parfois importantes, ce qui semble normal outre-Atlantique. Des licenciements de personnels en pagaille. Et des fermetures craintes. Définitives. Dès le mois de mars, on parlait dans le milieu d’un tiers d’institutions en danger de mort. Difficile d’affirmer que les choses se sont arrangées depuis. Il y a là, de manière générale, péril en la demeure même s’il s’agit paradoxalement d’une bonne année boursière. Le mécénat culturel est en train de changer outre Atlantique. Je vous parlerai une autre fois.
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