La préhistoire japonaise séduit Paris avec les céramiques de l'époque "Jômon"
La Maison de la culture du Japon propose pour la seconde fois en vingt ans un panorama d'une époque ayant duré de - 11 000 à - 400 avant notre ère. La virtuosité des potiers surprend les visiteurs. Ils découvrent un monde dont on ne sait presque rien.

L'affiche de l'exposition avec deux des pièces vedettes.
Crédits: Maison de la culture du Japon, Paris 2018.C'est une magnifique exposition. Il ne
reste hélas plus que deux jours pour la voir. Il n'y a pas un, mais
deux problèmes avec «Japonismes». D'une part cette «France à
l'heure du Japon» souffre de décalage horaire. Il y a des mois de
distance entre la première et la dernière manifestation de son
programme d'expositions (1). De l'autre, les Japonais n'aiment pas
prêter longtemps. Je vous l'ai déjà dit à propos des peintures de
Jakuchû au Petit Palais, confiées quatre semaines seulement par la
famille impériale. Je le répète aujourd'hui à l'occasion de
«Jômon». Un mot signifiant «cordages». On ne peut pas dire que
la céramique, surtout aussi restaurée, soit fragile. Alors pourquoi
la Maison de la Culture du Japon ne laisse-t-elle en place ces pots
et des figurines millénaires que du 17 octobre au 8 décembre?
La période «Jômon» a duré plus de dix mille ans. Elle correspond en gros à notre néolithique. Les spécialistes distinguent du coup une infinité d'époques différentes, avec des styles correspondants. Tout part du «Jômon naissant», qui débute vers 11 000 avant Jésus-Christ, pour se terminer en compagnie du «Jômon final» quatre cent ans (je ne sait jamais s'il faut ici mettre un «s» ou pas à cent) avant notre ère. L'archipel entre alors dans l'époque Yayoi, qui fascine visiblement moins les foules (2). Si c'est la seconde manifestation organisée par la Maison japonaise de Paris en vingt ans sous le titre de «Jômon», je n'ai jamais rien vu de présenté sous la vocable exclusif de Yayoi. Ni du reste sur la période Kofun qui a suivi. Il y a comme cela des oubliés. Question de mode, peut-être. C'est pourtant beau, la céramique kofun!
Idoles féminines aux formes amples
Quelque 20 000 objets de la période
jômon ont été découverts sur une aire assez large. Les visiteurs
en voient une centaine. Il s'agit de leur offrir une typologie,
avec bien sûr quelques chefs-d’œuvre comme il se doit classés
«trésor national» ou «bien culturel important». Les réalisations
les plus spectaculaires, et par ailleurs les plus grandes, remontent
au Jômon moyen, soit entre 3000 et 2000 av. J.-C. Il semble permis
d'y voir la période baroque, voire Art Nouveau d'un style autrement
plutôt sobre. La Maison peut présenter quelques pièces évoquant
les fontes d'Hector Guimard, coulées pour le métro parisien
quelques millénaires plus tard. C'est tout en courbes, avec des
parties ajourées. La qualité de réalisation impressionne. Comme
frappent un peu plus loin d'énormes haches polies dans la pierre.
Surtout quand on sait que ladite pierre a été extraite à des
centaines de kilomètres du lieu où les archéologues modernes ont
trouvé ces objets.
Comme de bien entendu, beaucoup
d'utilisations et de motivations restent purement conjoncturelles.
Nous demeurons dans la préhistoire. Il y a cependant là nombre de
statuettes répondant à l'esthétique des figures aux larges formes
féminines que l'on retrouve alors partout, de la Roumanie à la
Grèce. Je viens de vous parler d'actuelle exposition «Idoles» à
Venise. Ce sont bien là des figures de fécondité. Une incarnation
de la beauté sans doute aussi. Le catalogue parle ici, non sans
audaces géographiques et théologiques, de «Vénus». Il se trouve
aussi dans les vitrines de petits masques, à l'objectif peu clair.
Les disques de terre cuite aux motifs sophistiqués proposés juste à
côté se révèlent en revanche d'un usage évident. Ce sont de
boucles d'oreille, ou plutôt des «plugs» comme on dit dans le
«bodmod». Il faudrait vraiment que je puisse les essayer un jour.
(1) Le programme complet, spectacles et
régions compris, compte 160 pages!
(2) Certaines expositions sur le Japon
font le plein. La plus courue me semble «Meiji» au Musée Guimet.
Ici, les places sont chères.
Pratique
«Jômon, Naissance de l'art dans le
Japon préhistorique», Maison de la culture du Japon, 101bis, quai
Branly, Paris, jusqu'au 8 décembre. Tél. 00331 44 37 95 00, site
www.mcjp.fr Ouvert du mardi au
samedi de 12h à 20h.
P.S. Un certain nombre de lecteurs m'ont demandé comment accéder aux articles anciens de cette chronique, le site n'indiquant de manière claire que les sept dernières contributions avec ma photo. C'est très simple. Il suffit de cliquer sur mon nom en faut de l'article. La liste apparaît alors, en allant du plus récent au plus ancien.