
Bis! En mars dernier, Jean René, alias JR, recouvrait le Palazzo Strozzi de Florence avec une de ses compositions. L’artiste en donnait au moins l’illusion en collant de centaines d’imprimantes sur une bâche. Trompe-l’œil total. La chose n’avait bien sûr pas passé inaperçue en Italie. Il y a toujours des gens pour suivre le courant. L’Ambassade de France a donc demandé au photographe de rééditer son coup pour le Palazzo Farnese, en restauration pour quatre ans encore. Il faut dire que le bâtiment du XVIe siècle, où Michel-Ange lui-même aurait participé à la construction, se révèle immense. Rappelons qu’il a été vendu par la famille princière à Paris en 1874. La République trouvait là un lieu somptueux pour abriter ses services diplomatiques dans une Italie réunifiée en 1871 après la disparition des Etats pontificaux. Mais je ne vais pas vous refaire ici l’Histoire….
JR a imaginé un tour de force. Un peu le même qu’à Florence. Il a simulé une brèche venant éventrer l’édifice, dont le public peut du coup découvrir l’intérieur caché. La chose, qui ne couvre pas moins de six cents mètres carrés, a supposé la réalisation de toutes sortes de perspectives complexes. Elles donnent l’impression d’accéder à la «Galerie des Carrache» comme à une cour où se trouverait encore le fameux «Hercule Farnèse», depuis longtemps parti pour Naples. L’ordinateur a sans doute dû beaucoup aider. Comme de coutume, «Punto di fuga» reste en noir et blanc. Plus graphique. Plus lisible. Surtout de loin. Vu de l’entrée sur la place dont il forme le fond, le Palazzo donne réellement l’impression de s’être fait entailler Le spectateur ne sent plus que le décor de JR repose en fait sur un écran de vinyle.
Ouvrir à tous
Sautillant comme un lapin pour des photographes ne demandant que cela, l’artiste a expliqué qu’il entendait par cette œuvre livrer le Farnèse au public. «Ce palais est très célèbre, mais il n’est pas ouvert à tous. Il se trouve à l’intérieur des pièces que l’on ne peut pas voir.» Un doux euphémisme! Il n’a jamais été facile de pénétrer dans l’ambassade. Les visites y sont longtemps restées contingentées. Tout s’est encore gâté après les attentats de 2001. De minuscules groupes, inscrits très à l’avance, y sont juste tolérés pour un petit tour des lieux. Il y a ainsi peu de monde ayant vu de ses yeux la célèbre galerie peinte par Annibale Carracci à l’aurore du XVIIe siècle. On y pénétrait plus facilement du temps des Farnèse...
Sur le plan médiatique, l’opération actuelle constitue une réussite. Elle se situe dans le cadre d’invitations lancées à des jeunes plasticiens pour «donner une touche moderne» au vénérable palais, qui sert de pendant officiel à la très culturelle Villa Médicis. Sur les photos, Monsieur l’Ambassadeur a du reste l’air content de lui en faisant ami-ami avec JR à l’intention des journalistes. Il faut craindre que ce dernier se fasse à nouveau du coup accuser de démagogie. Mais à 38 ans l’homme a passé du stade de créateur marginal à celui d’artiste officiel. Il aura ainsi décoré de manière plus ou moins éphémère aussi bien la Pyramide du Louvre que le Panthéon ou l’Opéra Bastille. Son système de détournement des lieux et des images apparaît désormais bien en point. Le public reconnaît immédiatement sa griffe. L’atelier JR fonctionne à plein régime. Faut-il déjà voir là une nouvelle forme d’académisme?
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JR recouvre à Rome la façade historique du Palazzo Farnese. Un nouvel art officiel?
Le décor éphémère est posé le temps de la restauration de l'édifice. Pour le photographe, c'est une nouvelle étape après le Panthéon, le Louvre ou le Palazzo Strozzi.