Jérôme Ducor a l'heure des discours. Monsieur Asie prend sa retraite du MEG
La Ville lui offrait une réception d'adieu où il y avait aussi bien d'anciens magistrats en charge de la culture que des gens de musée. Un entretien avec Jérôme Ducor suit cet article.

L'exposé de l'ancien conservateur était placé sous le signe de la déesse Kanon, celle de la compassion.
Crédits: MEG, Genève 2019.Ils sont venus. Ils étaient presque
tous là. En bas de l'escalier du Palais Eynard se sont retrouvés
les amis et les collègues (les deux choses ne se révèlent pas fatalement antithétiques!) de Jérôme Ducor. Le conservateur du département
Asie au MEG prenait officiellement sa retraite. Il le faisait dans ce
qu'il me semblerait présomptueux d'appeler "les ors de la République".
Il n'y en avait pas moins trois «ministres» de la culture présents.
C'était l'occasion de refaire mentalement l'histoire de leur petit
monde, toujours plus fonctionnarisé, hiérarchisé et
«administrativisé». D'Alain Vaissade à l'actuel Sami Kanaan en
passant par Patrice Mugny, la culture officielle semble devenue rigide et
surpeuplée. Il m'a semblé avoir entendu de la bouche du magistrat
que ses subordonnés étaient aujourd'hui 1400.
Parmi les autres hôtes, il aurait bien sûr dû y avoir les directeurs, sauf bien sûr Ninian Hubert van Blyenburgh. Louis Necker, qui a maintenant le poil blanc, était là, non loin de Boris Wastiau, l'homme du temps présent. Jacques Hainard est hélas resté pris dans un embouteillage quelque part entre ses montagnes neuchâteloises et Genève. L'aspect spirituel de Jérôme était évoqué par quelques personnes, dont un bonze en robe safran. Les autres musées étaient venus en ambassades, sauf le MAH bien entendu. La honte. Mais il y avait l'Ariana, qui conserve des objets orientaux, et le Baur, voué aux arts de l'Extrême-Orient. Plus des camarades de classe. Plus un «japonologue» comme Philippe Neeser. Plus bien d'autres gens, qui connaissaient par ailleurs Raouf Hadidi, autre jeune retraité du MEG.
Le sujet et non plus l'objet
Le magistrat a rendu son petit hommage.
Il a bien sûr rappelé la réussite, en terme d'image et de chiffres
du MEG, après le faux départ de décembre 2001 (1). Quand il a
assuré que la même chose se produirait avec le Musée d'art et
d'histoire, j'ai éprouvé une petite envie de lui crier casse-cou.
Jérôme a alors pris la parole. Petit discours très simple, placé
sous les auspices de cette Kanon, cette déesse de la compassion qui
a formé naguère le sujet d'une de ses quinze expositions. Il a
rappelé les bons moments passés en vingt-quatre ans dans une maison
ayant beaucoup changé de puis son entrée. Le scientifique a dit qu'il restait un homme de l'objet en un temps où seul comptait
désormais le sujet. Il s'est inquiété de voir disparaître
l'ethnographie des musées qui lui étaient consacrés. Le
«décolonialisme» n'est pas son fort. Il se sent toujours aussi
conservateur, alors qu'il s'agit là d'un métier en voie de
disparition.
Voilà. On s'est ensuite retrouvé
entre nous, dans ce qu'on appelle traditionnellement le verre de
l'amitié. C'est pour cela que je vous propose, une case plus loin
dans le déroulé de cette chronique, l'entretien que j'ai réalisé
avec Jérôme Ducor il y a quelques semaines. Je pensais comme lui
que certaines choses se devaient d'être dites.
(1) Date du refus du projet de la place Sturm par vote populaire.