Tout ce qui brille n'est pas or. Il y aussi de l'argent dans les vitrines de la Fondation Baur, plus toutes sortes d'alliages, en sus des perles et des pierres précieuses. Quatre ans après avoir présentés les «Bijoux des toits du monde», le musée privé genevois perd de son altitude sans changer pour autant de sujet. «Bijoux d'Orients lointains» (au pluriel) suit en effet les côtes maritimes, des rivages de la Mer Rouge à l'archipel des Philippines. Un long voyage brassant les siècles, les civilisations et les religions. Il fait ainsi passer du monde islamique à l'hindouisme, avec des détour par ces peuples que nous rangeons dans le mot valise d'animistes.
«Les quelque 300 pièces que nous présentons proviennent de deux collections particulières, dans lesquelles il a fallu pratiquer des choix», explique Monique Crick, directrice de l'institution, qui cosigne le catalogue avec Bérénice Geoffroy-Schneiter. Il y a là des objets archéologiques, remontant parfois jusqu'à l'Antiquité. «Je pense notamment aux colliers ou aux ornements d'oreille des Nyu birmans, qui ont dominé le pays entre le Ve siècle avant J.-C. et 1044.» La plupart des pièces proposées se révèlent cependant bien plus récentes. Le XXe siècle, parfois. «En Inde, il est de tradition de fondre les bijoux à chaque génération afin d'en créer de nouveaux, avec le même métal et les mêmes pierres.»
D'Ouest en Est
Le parcours à travers le sous-sol du musée se révèle géographique. Il va d'Ouest en Est. Tout commence donc avec des pays arabisés. «Ici l'argent domine. Il faut dire que l'or n'est pas très bien vu par l'islam, qui le trouve trop ostentatoire.» Du moins l'islam de jadis. Celui d'avant la clientèle du Golfe. Le Yémen, qui fut fort riche, le dore cependant généreusement, quand il ne multiplie pas les grains de corail. «Un corail très rouge, contrairement à celui utilisé en Sicile.» Après avoir longé Oman, le visiteur peut accéder aux «fastes de l'Inde». Un flot de perles, de rubis cabochon ou de spinelles. Le métal précieux, rare ici, doit cependant s'économiser le plus possible.
«Ce que l'exposition illustre», reprend Monique Crick, «ce sont aussi les influences réciproques. Les bijoux voyagent. Les artisans aussi et avec eux, parfois, les idées.» Il se développe ainsi des routes, comme il peut en exister pour la porcelaine et la soie, venues de Chine. «On voit passer d'une région à l'autre des techniques extrêmement sophistiquées, comme celles du filigrane et de la granulation.» Des modes qui ne demeurent du reste pas typiques aux Orients. L'amateur les trouverait déjà dans l'orfèvrerie étrusque, où il fallait aussi donner le maximum d'impact visuel à une petite qualité d'or. «La plupart des créations que nous montrons restent en fait légères. Des feuilles, parfois.» On pense ainsi à la grande couronne, fabriquée à Sumatra. Elle doit vibrer au moindre souffle!
Empires oubliés
Après l'Inde, ce sont cependant d'abord «Les empires oubliés». Il y en a plusieurs, éclipsés par la Chine ou le Cambodge. Citons le Vietnam, la Birmanie ou la Thaïlande, que la plupart des musées consacrés aux arts asiatiques traitent de nos jours encore par dessous la jambe. «Il y a pourtant là des choses magnifiques, que nos collections illustrent bien.» Et Monique Crick de s'attarder sur le collier d'agates rubanées, «plus précieuses que l'or», ou sur des chaînes thaïlandaises du XIXe siècle qui ont dû demander un énorme travail. «Il s'agit bien sûr là de joyaux destinés aux élites, mais il en existait aussi pour les gens modestes.» Il ne faut pas oublier que l'emplacement des bracelets avait une importance presque médicale. «Il fallait les placer aux points énergétiques du corps.»
Mais déjà, après un dernier regard sur le pendentif-amulette khmer faisant l'affiche (qui reste en fait tout petit), c'est l'Indonésie. Une Indonésie plurielle, comme on aime à dire maintenant. Il y a d'un côté les raffinements de Java ou de Bali. De l'autre des pièces plus brutales, venues de Nias, de Sumba ou de Flores. «Il faut dire qu'il s'agit ici de cultures guerrières, basées sur la chasse aux têtes. Décapiter l'ennemi permettait d'accéder aux monde des hommes.» On regarde du coup d'un autre œil le motif doré représentant l'arbre aux têtes ou le collier masculin gainé de disques de noix de coco...
Sculptures et textiles
Quelques objets autres prolongent l'exposition. «Nous avons effectué des emprunts au MEG, qui a beaucoup de choses en réserve, et au Musée Barbier-Mueller.» L'amateur retrouvera ainsi, en vedette, la célèbre statue en bois dur représentant un ancêtre de l'île de Nias appartenant à ce dernier. Assis, l'homme porte une unique boucle lui distendant le lobe de l'oreille gauche. Une œuvre souvent reproduite. Il y a aussi des textiles. «Deux d'entre eux montrent des bateaux stylisés, puisque notre exposition suit en fait des lignes de cabotage.»
Elégamment présenté sur des fonds alternativement vert et rouge, l'ensemble impressionne. Il affole aussi un peu. Trois cents bijoux, c'est beaucoup. Voire trop. Il faut en plus découvrir des civilisations pour le moins diverses. Retenir les explications. L'indigestion menace. La confusion aussi. Mieux vaut sans doute accomplir au musée plusieurs visites. Après tout, l'Orient se décline bien au pluriel sur le titre de l'affiche!
Pratique
«Bijoux d'Orients lointains, Au fil de l'or et au fil de l'eau», Fondation Baur, 8, rue Munier-Romilly, Genève, jusqu'au 26 février 2017. Tél. 022 704 32 82, site www.fondation-baur.ch Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 18h. Catalogue édité par 5 Continents.
Photo (Fondation Baur, Mauro Magliani): Le pendentif khmer faisant l'affiche. ll remonte à la fin du XIe siècle ou aux débuts du XIIe.
Prochaine chronique le vendredi 7 octobre. Première pierre pour le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne.
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GENÈVE/Les "Bijoux d'Orients lointains" se multiplient chez les Baur