GENÈVE/Gagosian montre les assemblages de John Chamberlain. Allez-y vite!

La première fois que j'ai vu à Genève des œuvres de John Chamberlain, c'était il y a bien longtemps. Pierre Huber avait encore sa galerie au boulevard Helvétique. C'est dire. Vous l'avouerais-je? J'ai alors eu l'impression de me trouver devant des accident de voitures, avec ce que cela suppose de tôles froissées. Avec une différence notable, toutefois. La plupart des pièces du sculpteur américain étaient conçues pour être accrochées au mur, à la manière de bas-reliefs.
Mort en 2011 à 84 ans, ce natif de l'Indiana se retrouve aujourd'hui à la Galerie Gagosian de Longemalle, avec un statut de classique moderne. Après avoir été révélé par Martha Jackson à New York, au début des années 60, puis repris par Leo Castelli et enfin par Pace, l'homme a en effet fini par entrer «in extremis» chez le plus cosmopolite des galeriste à l'été 2011. Un parcours sans faute, ponctué d'expositions là où il fallait être vu. Chamberlain a ainsi figuré dans l'historique Biennale de Venise de 1964 et dans les plus illustres musées, la première grande rétrospective posthume ayant lieu au Guggenheim en 2012. Il fait désormais partie des plus importantes collections, une grande partie de ses «gondolas» figurant déjà dans les institutions publiques.
Dessins au sous-sol
A la galerie genevoise, qui a désormais pignon sur rue avec vitrines, ce qui est rarement les cas pour les succursales Gagosian (il y en a maintenant trois rien qu'à Londres!), il existe une séparation nette entre le rez-de-chaussée et le sous-sol. En haut, trois pièces hyper-spectaculaires, plus une petite. En bas, les dessins, très différents de ce qu'on pourrait attendre de leur auteur. Présentés de manière massive au Kunstmuseum de Winterthour en 2005, ils tiennent de l'aquarelle subtile, dans le goût des années 30 et 40. Notons cependant que Chamberlain les découpait, puis en regroupait des morceaux, comme il le faisait par ailleurs avec des fragments de carcasse de voitures depuis 1957.
Les trois gros assemblages du rez sont voulus spectaculaires. Enormes. Colorés. Mais aussi pensés. Il existe une nette différence entre les compressions du Français César, qui laissait agir le hasard en faisant broyer une automobile par une machine, et ces constructions artisanales. Ces dernières sont exécutées d'après une esquisse préalable, où les rapports entre les couleurs possèdent autant d'importance que la juste répartition entre les pleins et les vides. Ici, rien d'aléatoire. On voit que Chamberlain reste le disciple de David Smith, le premier grand «assembleur» américain, qui a bénéficié il y a quelques années d'une exposition, passée un peu inaperçue, au Centre Pompidou.
On connaît moins les œuvres que Chamberlain a conçues en réutilisant dans les années 1960 des mousses, aujourd'hui menacées de décomposition. Idem pour les pièces en polyester chauffé et fondu. Il n'y en a pas ici. Ce sera peut-être pour une autre fois.
Pratique
«John Chamberlain, Poetic Form», Galerie Gagosian, 19, place de Longemalle, Genève, jusqu'au 3 novembre (cela commence à presser!). Tél. 022 319 36 19, site www.gagosian.com Ouvert de mardi au samedi de 10h à 18h.
Photo (2016 Fairweather & Fairweather LTD/Artists Rights Society, ARS, New York): «Gondola Walt Whitman», 1981-1982.
Texte intercalaire.