C'est par la presse en ligne du samedi5 janvier, reflétant elle-même des communiqués, que j'ai appris ledécès de Jean Revillard. Le photographe romand disparaît«brusquement» à l'âge de 51 ans. Je me souviens de l'avoir encorevu aux Rencontres photographiques de Bienne. C'était en mai 2017. Ilprésentait sa série, primée, sur les électrosensibles. Des genslourdement handicapés dans le monde actuel. Les ondes les rendantmalades, il leur faut vivre là où il y en a peu. Ou pas. Les bois.La rase campagne. La montagne. Dans une roulotte. Il existe bien sûr,comme pour tout, des degrés dans l’électrosensibilité. Revillardavait choisi de montrer les cas extrêmes. Ceux qui expulsent de cequ'on appelle la société.
Ce choix me semblait typique del'homme, qui se faisait un devoir de montrer les clandestins, lesmigrants, les prostituées à la sauvette ou les réfugiés.«Montrer» restait souvent un grand mot. Il serait plus juste dedire qu'il tentait de les évoquer. De nous les rendre présents.Sarah, l'esclave sexuelle noire échouée en Italie, n'était vuepour sa sécurité que de dos. Les Africains perdus près de Calaisse voyaient symbolisés par leurs cabanes. Dans un autre cas encore,des matelas posés sur le sol d'une forêt signalaient, en creux, laprésence en ces lieux d'êtres humains marginalisés.
Fondation de Rezo en 2001
Il s'agissait là de l’œuvrepersonnel de Jean Revillard, qui a longtemps travaillé pour deuxgrands défunts de la presse suisse. D'abord «Le Nouveau Quotidien».Puis «L'Hebdo», pour lequel il avait surtout exécuté desportraits. L'état financier déjà catastrophique des médias avaitamené la création en 2001 de l'agence Rezo.ch. Mieux vaut seregrouper quand tout va mal. Rezo a ainsi produit d'excellenteschoses, surtout dans le reportage. Le public a pu en juger en 2011,quand les dix ans de cette entité s'étaient vus fêtés au Centrede la photographie de Genève. Rezo, qui existe toujours, a fini paréclater. Question de caractères. Il faut dire que celui deRevillard n'était pas facile. Il passait pour autoritaire etdominateur. Un de ses collègues parlait en souriant de cet hommepetit, râblé et sanguin comme d'un «mâle alpha». D'où unescission ayant amené la naissance de l'agence Lundi13. Ont émigrélà nombre de ses collègues. Une forme de désaveu. Lundi13 aaujourd'hui le vent en poupe.

Jean Revillard (dont beaucoup auront vules images produites autour du projet Solar Impulse de BertrandPiccard et André Borschberg permettant des vues spectaculaires) avait souvent été primé. Swiss Press Photo. Deux fois. World PressPhoto en 2009 (notre photo, copyright Rezo). Il devait cette reconnaissance à l'originalitéde ses enquêtes sur le long terme. En revanche, l'homme éprouvaitbeaucoup de peine à vendre aux amateurs son travail personnel. Qui aenvie d'un matelas de prostituée, tiré en énorme, au-dessus ducanapé de son salon? Il a donc peu exposé dans les galeries, quijugeaient son travail "peu commercial". Il y avait en plus une gêne.Un scrupule. Peut-on ainsi faire de l'argent sur la misère des gensreprésentés? Ne serait-ce pas les utiliser?
Ce qui frappait chez Jean Revillard,c'était finalement l'exigence. Il n'était jamais satisfait de lui.Je me souviens d'avoir posé pour un portrait. Il a sans cesse voulurecommencer. Le temps passait. Jean transpirait de plus en plus. Savoix devenait rauque. La séance a duré plus de deux heures. Etencore! Je ne suis pas sûr que le résultat final lui ait plu. Untel perfectionnisme ne demeure aujourd'hui plus de mise, du moins dans lapresse. Le temps, c'est de l'argent. Il faut faire vite. Alors qu'ilétait en tout début de cinquantaine, Revillard semblait déjà unhomme d'une autre époque. Celle des reporters pur jus. Il me paraît pourtant difficile de le luireprocher. Bien au contraire.
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Fondu au noir. Le photographe suisse Jean Revillard est mort à 51 ans.
C'était l'homme du reportage sur le long terme, avec des sujets de société difficiles. Revillard s'intéressait aux exclus, comme les migrants, les clandestins, les réfugiés ou les électrosensibles.