Focale montre à Nyon le photographe Guillaume Perret et change de direction
Fondée en 1982, l'association tient le coup avec six expositions par an, une librairie spécialisée et un prix. Elena Sampedro et Patrick Gilliéron Lopreno viennent de reprendre la barre.

L'une des images d'"Amour" de Guillaume Perret.
Crédits: Guillaume PerretPour l'été, c'est Guillaume Perret
qui expose. Cela s'appelle «Amour». Vaste sujet. Un thème presque
trop grand pour le lieu accueillant l'exposition. Nous sommes en
effet à Focale. Deux pièces dans un sous-sol. Cette galerie associative a été fondée à
Nyon en 1982. Reportez-vous à l'époque. Il n'y avait presque rien en
Suisse romande en matière de 8e art, après l'échec de
plusieurs tentatives genevoises. L'Elysée lausannois restait encore
dans les limbes. Charles-Henri Favrod, son charismatique fondateur, a
du reste toujours reconnu l'antériorité de la petite institution
vaudoise, qui s'est dotée d'une librairie en 1989, où j'ai
longtemps vu Claire Annette Mussard, puis d'un prix annuel en 2012.
Guillaume Perret, donc. Avant la «Bulgarie, Pays palimpseste» qui s'annonce pour le 8 septembre. Vous avez sans doute déjà vu des images de ce Neuchâtelois, qui travaille aujourd'hui pour la jeune agence Lundi13. L'homme a connu un parcours plutôt atypique pour une profession que tentent aujourd'hui de formater, et surtout de régenter, les écoles d'art. Il a débuté comme maçon. Puis il est devenu enseignant. Autodidacte, Guillaume travaille depuis 2005 pour la presse suisse, frappée comme les autres par un rabougrissement faisant craindre la fin. Surtout que, dans notre pays, les journaux ne sont pas subventionnés... Le reporter est entré en 2015 à Lundi13, formé par les dissidents de Rézo. L'année dernière, il a obtenu un Swiss Photo Award dans la catégorie «Portrait». C'était celui de Daniela nageant. A 67 ans, la femme subit un traitement contre le cancer. D'où son crâne lisse, qu'elle montre sans complexes. Daniela assume. On la retrouve bien sûr dans «Amour».
Un peu d'histoire
Si je vous parle aujourd'hui de Focale,
c'est aussi parce que la galerie a changé de responsable. Il faut de
temps en temps, comme ça, un passage de témoin. Patrick Gilliéron
Lopreno a repris la barre. Vous le connaissez. Je vous ai à
plusieurs reprises parlé d'un de ses nouveaux livres. En 2014,
c'était «Monastères», paru à Genève aux très protestantes éditions Labor et Fides. Boabooks avait pris en charge «Dérives
urbaines» un an plus tard. En 2016, retour à Labor et Fides pour
«Voyages en Suisse». Il y a quelques mois encore, je vous
entretenais d'«Eloge de l'invisible», sorti cette fois chez Till
Schaap. Au fil du temps, le photographe a passé du noir et blanc à
la couleur pour ce qui forme des projets personnels en marge de
travaux de commande.

C'est l'occasion de faire avec Patrick un peu d'histoire avant d'aborder l'avenir. Des deux fondateurs de 1982, il n'a pas connu Daniel Baudraz, aujourd'hui installé dans la Bourgogne profonde, mais bien Xavier Voirol qui, coïncidence, a aussi travaillé sur les couvents. Xavier est resté à la présidence de Focale, qui n'a jamais changé d'emplacement (il faut dire qu'être vis-à-vis du château peut sembler idéal!), jusqu'à tout récemment. «Un homme discret, mais très actif. Lui a succédé Elena Sampedro, une juriste. En tant uque présidente du Comité, elle s'occupera notamment des côtés administratifs.» Le comité à la tête de l'association, à la fois composée d'artistes photographes et de sympathisants, se compose de cinq membres. Dont bien sûr un trésorier. Il s'agit à chaque exercice de boucler les finances. «Il y a une aide de l'Etat de Vaud, de la Ville de Nyon et de la Région.» Reste ensuite à faire l'appoint, en trouvant des sponsors, le principal mécène actuel étant la Loterie romande. «Le budget global tourne autour de 100 000 francs.»
Toutes générations confondues
Que se fait-il avec? Des expositions,
naturellement. Six par an, en comptant celle du Prix Focale, doté de
5000 francs. «Nous ne produisons pas ces enquêtes de longue
haleine. Nous aidons par la suite leurs auteurs, notamment par le financement des
tirages.» A propos de ceux-ci, depuis l'origine ou presque, les
membres de soutien en reçoivent un (plus petit, évidemment!) chaque
année. «Nous vendons aussi pendant des œuvres les expositions. Les
personnes intéressées passent commande.»
Focale a toujours contribué à réunir des photographes. Il y a les vétérans. Didier Ruef ou Yves Leresche, que j'ai connus à leurs débuts, font aussi figure d'anciens aujourd'hui. Virginie Rebetez et Olivier Lovey représenteraient la génération montante. Ils ont exposé à Focale. «A ce propos, je signale que la règle a changé. Traditionnellement, un photographe ne pouvait être montré qu'une seule et unique fois. Maintenant, il a le droit de revenir au bout de quelques années.» Mais, à ce propos, qui viendra après Guillaume Perret et la Bulgarie? On verra bien. «Il s'agit de défendre une photo d'auteur, sociale, documentaire de qualité.» Sans rien d'agressivement sensationnel. «Ce type d'images tend à disparaître. Il faut la soutenir d'une manière un peu virulente. C'est là une tâche qui intéresse Elena Sampedro.»
Dix métiers à la fois
Comment pour terminer Patrick Gilliéron Lopreno voit-il son nouveau travail? «J'ai maintenant l'impression de faire dix métiers à la fois. Ils vont de la participation à la sélection des travaux aux rapports avec le politique et à la recherche d'argent. Je collabore aussi avec les éditeurs.» Heureusement, il s'agit avec Focale d'une structure où tout demeure collectif. «On discute beaucoup, avant de voter.» Reste à maintenir le dynamisme. Il ne s'agit pas ici de trouver un nouveau souffle, mais de ne pas s'essouffler. Six expositions par an depuis 1982, cela fait beaucoup, surtout si l'on pense à ce que produisent aujourd'hui certains musées. A Lausanne, l'Elysée ne possède plus le même rythme de croisière qu'au temps, déjà lointain, de Charles-Henri Favrod.
Pratique
«Amour, Guillaume Perret», Galerie Focale, 4, place du Château, Nyon, jusqu'au 1er septembre. Tél. 022 361 09 66, site www.focale.ch Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h.