Des musées veveysans montrent les anciennes Fêtes des Vignerons en photos
Le Musée du Vieux-Vevey offre les reflets de 1865. Le Musée suisse de l'appareil photographique se penche lui sur les images couleurs de 1927 et 1955.

Pour 1865, Francis de Jongh avait conçu des portraits posés en studio.
Crédits: Musée du Vieux-Vevey, 2019.C'est la superproduction suisse de
l'année. Hollywood sur Léman. La Fête des Vignerons, dont la
dernière édition a eu lieu au millénaire dernier (c'était en 1999
et j'y étais) se déroulera à Vevey du 18 juillet au 11 août.
Organisées dans une arène montée pour l'occasion, ses dix-huit
représentations réuniront chacune 20 000 personnes, soit
l'équivalent de la population de la ville. Il y aura 6500 figurants.
Le «casting» des vaches a eu lieu il y a déjà des semaines. Tout cela a bien sûr un
prix. Classée au Patrimoine immatériel de l'UNESCO, la nouba
vaudoise coûtera cette fois 100 millions de francs (1). Ou plutôt
99. Mais ne pas arrondir ici semblerait franchement mesquin.
Tandis que les tubulaires se hissent bruyamment sur la Grande Place, deux exposition célèbrent depuis un bon mois les fastes d'antan. Situé dans l'ancien château, le Musée du Vieux-Vevey propose les reflets de l'édition de 1865. La première à avoir été photographiée. Notez qu'on aurait pu posséder des images de la précédente, organisée en 1851, puisque la photo existait alors déjà. C'eut cependant semblé révolutionnaire, alors que la manifestation s'est toujours voulue passéiste. Pour 1865, il existe en fait deux types de clichés, dont l'institution propose des retirages à partir d'épreuves ou de négatifs pieusement conservé dans les collections depuis 1898. Il y a les vues larges du montage des tréteaux de bois par André Schmid et les portraits individuels réalisés en studio par Francis de Jongh.
Crinolines et maillots chair
Si les premières demeurent d'un
intérêt strictement documentaire, les secondes nous touchent par ce
qu'elles véhiculent comme stéréotypes d'époque. Les dames sont en
crinoline, fussent-elles les déesses Cérès ou Palès. Les
messieurs, au physique très daté, arborent des collants chair,
décence oblige. Ces maillots faisaient peut-être leur effet de
loin. Montrés ici avec une redoutable netteté, ils plissent de
partout. On ne voit qu'eux. Il y a aussi un peu de documentation
autour. Si les actuels spectateurs trouvent les places de 2019
chères, puisque les tarifs montent jusqu'à passé 350 francs,
sachez que les meilleures sièges des trois représentations de 1865
coûtaient 40 francs or. Sans doute davantage que le montant actuel
si l'on opérait le taux de conversion.

Le Musée suisse de l'appareil photographique, qui se retrouve aujourd'hui presque coincé sous les échafaudages de la Grande Place, offre pour sa part les photos en couleurs des éditons de 1927 et de 1955. Signées par Charles Nicollier, les plus anciennes sont par force des autochromes. Je rappelle qu'il s'agit là d'un procédé commercialisé à Lyon par les frères Lumière en 1907. L'utilisateur disposait de plaques recouvertes de féculents de pomme de terre. Après l'obligatoire passage en laboratoire, il recevait en retour celles-ci développées. Une projection était possible sur écran. Mais il n'y avait pas de tirages. L'autochrome restait une pièce unique, par ailleurs coûteuse. Directeur de l'institution depuis un an, Luc Debraine signale à ce propos que Nicollier avait épousé la fille d'un ponte du groupe Nestlé, qui était déjà une énorme entreprise dans ls années 1920. Il opérait du coup en dilettante. Le 8e art constituait l'une de ses passions, avec l'astronomie. Il est ainsi devenu le grand-père de l'astronaute suisse Claude Nicollier.
Le temps du Telcolor
En 1955, l'autochrome avait depuis
longtemps disparu. C'était la guerre des procédé. Agfa. Gevaert.
Kodak... Même la Suisse avait le sien grâce à Telcolor. Il
s'agissait là d'une bonne formule. La preuve! Les Italiens l'utilisaient
sous licence, en le rebaptisant Ferraniacolor. Il devenait du coup
permis pour les professionnels comme pour les amateurs de réaliser
des instantanés. Un certain nombre de ceux-ci se trouvent sur les murs du dernier étage. Sept personnes avaient officiellement été chargées, comme
on dit, de «couvrir» la Fête. Une Fête haute couture,
supposée refléter la prospérité des années 1950. Tout se voulait
de bon goût, loin des excès modernes. La Suisse ne rentrer
véritablement dans l'ère contemporaine qu'avec Expo 64 à Lausanne.
En 64, Telcolor avait cependant vécu. Il s'était fondu dans
l'empire Ciba, qui dominait qualitativement le marché avec
Cibachrome.

Le Musée suisse de l'appareil
photographique propose par ailleurs, toujours sous les toits, une
projection murale sur les préparatifs de la fête de juillet et août prochains. Ceux-ci sont observés avec attention par toute une équipe. Les images de
ce diaporama se voient donc régulièrement renouvelées. Il s'agit
de rester d'actualité. Ces vue prospectives disparaîtront comme de
juste après la première représentation. Il y aura dès lors deux
nouvelles propositions. L'une viendra du laboratoire de l'EPFL.
L'autre de l'Ecole de photographie de Vevey. Il faut bien penser à
l'avenir!
(1) Le double de celle de 1999.
Pratique
«Juillet 1865, La Fête des Vignerons photographiée», Musée historique de Vevey, 2, rue du Château, Vevey, jusqu'au 27 octobre. Tél. 021 925 51 64, site www.museehistoriquevevey.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 17h. «1927 et 1955, Les premières photos en couleurs de la Fête des Vignerons», Musée suisse de l'appareil photographique, 99, Grand Place, Vevey, jusqu'au 1er septembre. Tél. 021 925 34 80, site www.cameramuseum.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 17h30.