Des cathédrales anglaises se muent en parcs d'attraction pour l'été. Un scandale?
Mini-golf dans la nef à Rochester, toboggan à Norwich, Lego à Chester... Ces attractions divisent les Britanniques. Mais elles font parler des lieux et attirent beaucoup de monde.

Mini-golf sous les voûtes gothiques de Rochester.
Crédits: Ben Standall, AFPTout le monde recherche un nouveau
public. Les goûts supposés des «millénials», pour autant qu'ils en aient de bien précis, se voient ainsi
passés au crible. Que voudront-ils voir, lire ou écouter à
l'avenir? Si l'on n'en tient pas compte, il faudra un jour fermer
boutique.
On sait que l'Eglise anglicane souffre de gros problèmes de fréquentation. La religion fondée sous Henry VIII au milieu du XVIe siècle a du plomb dans l'aile, voire même dans les deux. Les lieux de culte se vident. Or il faut bien les maintenir en vie et trouver l'argent pour les entretenir. Une cathédrale coûte la peau des fesses en frais divers chaque année. Notez au moins qu'outre Manche des efforts considérables se voient effectués. Ce n'est pas la grande misère des églises de France, le clergé doutant en plus chez nos voisins d'outre Jura de l'opportunité de dépenser de l'argent pour autre chose que du social. C'est la tendance abbé Pierre.
Yoga créatif et surface de la Lune
Cet été, plusieurs cathédrales
britanniques se sont en revanche lancées dans le ludique, appuyées
par leur hiérarchie. Il y a du yoga créatif dans celle de
Peterborough. Celle de Chester expose sa propre réplique, faite de
300 000 pièces de Lego. Lichtfield montre sur son sol la surface de
la Lune. Rochester a fait plus fort. Ses chanoines, menés par
Matthew Ruston, ont transformé pour le mois d'août sa nef en
minigolf avec un sol d'un beau vert émeraude. Neuf trous seulement.
Une initiative couronnée de succès jusqu'à présent. Ce haut-lieu
de l'art gothique a reçu 80 pour-cent de visiteurs supplémentaires
dès les premiers jours. Et l'on en parle en plus dans toute la
presse européenne, ce qui n'est pas rien en termes de retombées
économiques.

La chose appelait une surenchère. C'est la somptueuse cathédrale de Norwich, vaisseau romano-gothique de 141 mètres de long, qui propose aujourd'hui son attraction. Une curiosité peu durable puisque la chose se verra démontée dès le 18 août. Il s'agit d'un «helter skelter» de seize mètres septante de haut, placé en pleine nef. Pour deux livres, les gens grimpent admirer de plus près les sculptures et les fresques de la voûte, difficilement visibles depuis le pavement. Puis ils redescendent sur un toboggan. Certains membres du clergé de Norwich ont donné l'exemple sous l'oeil des photographes. Il faut dire que l'idée est de leur chanoine Andy Bryant.
A relativiser
Est-ce bon? Est-ce indécent? Pour la
frange traditionnelle de l'Eglise anglicane, le toboggan peut se lire comme une métaphore. Ce serait une véritable descente aux
enfers. Nous sommes dans un lieu de culte et de prière. Restons-y.
Des fidèles lettrés, eux, se montrent plus calmes. Selon ces
relativistes ce serait un retour aux farces du Moyen Age, aux
carnavals et aux fêtes des fous. Et puis il y a le plafond! Il a
l'air magnifique. J'avoue avoir pris grand plaisir, il y a quelques
années, à voir celui de la Steccata de Parme, où le public pouvait
monter sur les échafaudages dressés à l'intention des
restaurateurs de peinture.
Plus près de nous, à Bâle,
l'Elisabethenkirche, vaste construction néo-gothique de la fin du
XIXe siècle, sert à toutes sortes de choses pas très catholiques,
ni même très protestantes. C'est surtout un lieu de rencontres pour
marginaux, immigrés, jeunes et tutti quanti. Animaux à bénir et
motards y ont leurs cultes. Il y a aussi un café, débordant sur le
parvis. Une autre forme de retour à des traditions médiévales.
Tout cela vaut mieux, et ce sera ma conclusion, que de laisser pourrir ses églises comme le fait par exemple Paris. Comme un être humain, un bâtiment doit parfois se chercher un nouveau destin.