Depuis son ouverture en 1996, le MuseumTinguely de Bâle (il en existe un autre à Fribourg) tente demaintenir bon le cap. Condamné comme toutes les institutions àproduire des expositions pour conserver l'attention du public, il luifaut chaque année trouver des artistes compatibles avec JeanTinguely (1925-1991). Autrement, ce serait le grand n'importe quoi.Notez qu'il lui est arrivé de déraper. Je me souviens notamment deprésentations sur les cinq sens. D'une manière générale, tout sepasse néanmoins bien. Wim Delvoye, Michael Landy, Stephen Cripps,Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger pouvaient dignement passer pourdes enfants un brin dévoyés du sculpteur suisse. Il en ira sansdoute de même en 2019 avec Lois Weinberger ou Rebecca Horn. Il fautau Museum des bidouilleurs, des iconoclastes et des récupérateursd'objets.
Pour le moment, le musée en reste àCyprien Gaillard. Une étoile montante. Né à Paris en 1980, grandidu côté de Silicon Valley à cause d'un papa informaticien, l'homme fait beaucoup parler de lui depuis qu'il est sorti de l'ECALlausannoise en 2005. On l'a vu plusieurs fois à Beaubourg, notammentpour un Prix Duchamp qu'il a remporté en 2010. Il a eu l'annéesuivante plusieurs pièces spectaculaires présentées chez FrançoisPinault à Venise. C'était dans le cadre de «Le monde nousappartient» au Palazzo Grassi. En 2015, le Français a participé àla Biennale. Celle de Lyon, tout de même. Il y a eu comme çad'autres apparitions très publiques, notamment à New York. Pas étonnant si le plasticiense voit aujourd'hui représenté par des galeries comme Sprüth &Magers de Berlin ou Gladstone de Bruxelles et New York, avec qui leMuseum Tinguely a du reste travaillé. Gaillard est entré dans lecircuit international, pourtant si fermé à ses compatriotes.
Vidéo en 3D
Que fait notre homme? Un peu de tout,comme nombre de créateurs actuels. D'une manière légère si j'encrois Wikipedia, qui constitue après tout une référence comme uneautre, «il interroge avec humour les traces que l'homme laisse surla nature». Vaste programme! Il se traduit aussi bien par dessculptures qu'avec de la vidéo ou des interventions in situ. AvecGaillard, cela peut vite devenir très gros. Nos contemporains aiment la monumentalité. Dans l'exposition actuelle intitulée en anglaisbien sûr «Roots Canal», il fallait ainsi inclure une suitemonumentale. Elle regroupe les têtes de neuf excavatricesabandonnées après avoir beaucoup servi. Cyprien Gaillard les traitecomme des monuments, au sens propre. Des œuvre par conséquentdestinées au souvenir. Les pelleteuses se voient posées à même lesol de la grande salle du rez-de-chaussée. Telles quelles, oupresque. Leurs anneaux de fer ont en effet permis d'inclure au sommetdes barres d'onyx et de calcite qui les font ressembler à des nezde Papous ou d'Indiens du Brésil transpercés d'un bijou en bois.Pour la commissaire Séverine Fromaigeat, il y a là une heureusealliance de modernise et d'archaïsme. De construction et dedestruction. Les antithèses ne sont pas incompatibles pour CyprienGaillard. Heureux homme!

Inutile de dire que la chose convientparfaitement au lieu. Tout près se trouvent les machines les plusmonumentales de Jean Tinguely. Ce sont les mêmes ferrailles. Les mêmesdétournements. Les mêmes reconversions. Manquent juste le bruit etla mobilité. Mais le visiteur fait ici vraiment face à des poidslourds. La transition se révèle donc rude avec «Koe» de 2015, quiconsiste en une vidéo. Gaillard nous y montre des oiseauxexotiques d'Asie ensauvagés en Allemagne après avoir échappé àleurs propriétaires. Leurs plumes vertes scintillent dans le ciel deDüsseldorf, où l'artiste les saisit dans leur vol à travers uneartère parsemée de boutiques de luxe. Ces volatiles complètent undécor pour lequel ils ne sont pourtant pas faits. Comme desperruches dans d'autres parties du monde, il s'agit d'une espèceenvahissante. Elle modifie le biotope, chassant ses congénères indigènes.Une modification d'origine cependant humaine, comme naguère leslapins proliférant de manière insensée en Australie.
Un peu trop d'idées
Le troisième plat de résistance del'exposition, comprenant par ailleurs deux pièces si discrètesque la plupart des visiteurs les remarque à peine, est un film en3D. Et donc avec lunettes! «Nightlife» constitue une sorte de «mix», avec un peu trop d'idées pour un film d'à peine un quart d'heure.Il y a des arbres, un feu d'artifice et le souvenir de Jessie Owens,le champion noir des jeux olympiques de Berlin en 1936. Ajoutez-yencore, pour faite bonne mesure, une statue de Rodin, placée àCleveland et endommagée lors d'émeutes de 1970, et vous aurez uneidée du tout. Une idée confuse, à la manière de l’œuvreréalisée sur deux ans. Il faut à Séverine Fromaigeat, qui défend bien évidemment son poulain, deux bonnes pages de texte pour que lelecteur retombe sur ses pattes au Museum Tinguely. A mon avis, c'est un peu beaucoup, deux pages. Cela sent le brouillard de mots. Iln'y a pas autant de littérature autour des excavatrices, au messagenettement plus clair.
Pratique
«Cyprien Gaillard, Roots Canal»,Museum Tinguely, 1, Paul-Sacher Anlage, Bâle, jusqu'au 5 mai. Tél.061 681 93 20, site www.tinguely.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h.
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Cyprien Gaillard investi le Museum Tinguely de Bâle avec ses excavatrices
A 39 ans, le Français se retrouve partout de Venise à New York en passant par Paris. Il expose en ce moment au Museum Tinguely, qui se cherche de jeunes affinités.