Cédric Vionnet expose ses pièces en néon à Lausanne
Le Genevois d'adoption crée une douzaine d'oeuvres par an en dehors de son travail. Il s'agit d'un art tenant de la sculpture et de l'alchimie. Il faut jongler avec les gaz rares. A découvrir jusqu'au 21 mars.

Un hommage aux papiers découpés de Matisse. A voir de nuit!
Crédits: Cédric Vionnet, Photo DRC'était un jeudi soir, lors de vernissages
communs aux Bains genevois. Je sortais d'une galerie présentant de
manière un peu prétentieuse des sculptures pourvues de néons. Je
me suis engagé dans la rue des Vieux-Grenadiers. Et qu'est-ce que je
vois là, dans l'artère abritant Skopia ou Joy de Rouvre? D'autres
œuvres en néon dans le bel immeuble 1900 en pierres de taille et
briques offrant encore les inscription «Salle de gymnastique» et
«Fanfare municipale de Plainpalais»? Plus pimpants ceux-ci,
avec leurs lettrages inattendus! Cédric Vionnet avait encore fait
des siennes. J'avais déjà vu de ses pièces multicolores lors d'une
édition précédente.
Cédric expose aujourd'hui à Lausanne.
Oh, ce n'est pas en ville même! Il se retrouve au campus de
l'Université, à Dorigny. UNIL. Un concours de circonstances.
Etudiante en études muséales, Chloé Cordonier (eh oui, avec un
seul «n»!) met un point final à son mémoire sur le néon dans
l'art. Il existe dans le bâtiment labyrinthique d'Anthropole une
association nommée Le Cabanon. Celle ici propose trois ou quatre
expositions par an, dans un espace qui lui est dévolu près de la
cafétéria. Pourquoi ne pas laisser de la place à Cédric, dont les
réalisations préfèrent la nuit précoce de l'hiver aux longues
journées de l'été? Le Genevois d'adoption s'y retrouve donc
jusqu'au 21 mars. Une occasion de faire plus ample connaissance.
D'abord un peu de biographie.
Je suis né en 1978. A Montreux. Mon
père peignait des publicités. Ma mère restait à la maison. Je me
situais en famille entre un frère et une sœur. Je venais au milieu.
J'ai toujours été fasciné par les manifestations artistiques. Pas
question pour autant d'en faire un sujet d'études. Il fallait me
trouver un apprentissage. J'ai pensé que je pouvais devenir
souffleur néoniste. Quatre ans à Lausanne, puis un CAP, passé à
Paris.

Quelle est la différence entre
souffleur néoniste et souffleur tout court?
Fondamentalement aucune. La technique
de base reste identique. Il y a des variantes, la version noble
restant pour moi le travail des gens travaillant à Murano. Il existe
ainsi également ceux qui se spécialisent dans les instruments de
laboratoire. Ils travaillent pour l'EPFL ou les pharmaceutiques. Les
choses se révèlent un peu interchangeables. Il arrive que l'on se
transmette les petits boulots en cas de demandes urgentes. Cela dit,
c'est un métier en péril.
Et le néon?
Il s'agit d'une invention française
remontant à 1910. Tout se base sur l'usage de gaz rares. Il en
existe cinq ou six. Chacun d'eux donne une couleur précise. Le néon
lui-même propose le rouge. Le xénon le bleu. L'hélium un
blanc-rose. Le vert n'existe pas tel quel. Il faut le créer. Les gaz
circulent dans des tubes de verre, qu'il est possible de teinter. La
matière utilisée demeure en gros la même qu'à Murano. Il y a
cependant aussi les phosphates, qui vont réagir à la tension
électrique. Pour ce qui est de mes œuvres, je fabrique tout. Une
sorte d'alchimie. Il me faut créer les formes, puis installer les
fameux gaz.
Il s'agit pour vous d'un moyen
d'expression.
Pour moi-même ou pour les autres.
J'aime bien travailler en collaboration, à condition naturellement
de me sentir des affinités avec l'autre personne. J'ai ainsi réalisé
les quatre premières enseignes apposées sur le toit des immeubles
de la plaine de Plainpalais, dont celle de Sylvie Fleury. Il y aurait
beaucoup à faire avec le néon dans l'art contemporain.
Curieusement, les artistes pop n'y ont pas eu recours, alors qu'ils
reprenaient les icônes de la vie quotidienne. Le néon reste plutôt
associé au minimal. Pensez à Dan Flavin! Je me sens très tenté
par le néon tag. Il reprend et complète un motif créé par un
tagueur. Celui que vous pouvez voir ici a été conçu avec Jimox.
D'une manière générale, j'ai envie de faire des choses qui n'ont
pas encore été tentées. Le but, c'est tout de même d'innover.

Vivez-vous de votre art?
Bien sûr que non! Je suis chef de
secteur au Service des Ecoles. Les bâtiment où vous m'avez vu à
Genève dépend de lui. L'avantage, c'est qu'il se trouve juste en
face du Mamco, où il m'est arrivé de restaurer certaines pièces de
Maurizio Nannucci. Je produis environ douze œuvres par an, mais il
s'agit là d'un à-côté. J'en vends environ la moitié. Ce n'est
pas vraiment le but, même s'il me semble gratifiant de trouver un
acquéreur. Le problème du néon, qui fait hésiter les amateurs,
c'est le prix exorbitant de l'installation sur place. A Genève, il
faut se situer dans les normes. Cela dit, j'ai aujourd'hui la
commande de deux cèdres géants pour éclairer le hall d'un bâtiment
classé.
Une telle œuvre est-elle durable?
Oui. Je garantis ma production à vie.
Du moins durant la mienne. Mais il faut que tout ait été réalisé
avec soins. Selon les règles.
Des projets?
Toujours! J'aimerais travailler avec
d'autres graffeurs. Selon mes idées aussi. Le tout dans un temps qui
demeure compté. N'oubliez pas qu'il s'agit là d'un hobby! La chose
n'offre pas que des désavantages, du reste. J'ai la sécurité et je ne suis
pas obligé d'accepter n'importe quoi. Cela dit j'aimerais bien
bénéficier d'autres expositions comme celle-ci.
Pratique
«Cédric Vionnet, Néon Pop», Le Cabanon, Anthropole. UNIL, Lausanne, jusqu'au 21 mars. Site www.lecabanon-unil.ch Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 19h, le samedi de 10h à 17h.