On a l'impression qu'il se trouve toujours là. C'est vrai et c'est faux. Philippe Pache a organisé beaucoup de séances de portraits chez Krisal, à Carouge. Il a aussi dirigé des «workshops» pour Christine Ventouras à Santorin. Le photographe ne reste cependant pas accroché en permanence aux murs de la galerie. Je peux donc vous dire qu'il revient ici aujourd'hui avec une série d'images gentiment érotiques, «Intimement vrai». Un zeste de couleurs. Beaucoup de noir et blanc. Et énormément de flous. Le flou constitue en quelque sorte la carte de visite du Vaudois.
Philippe Pache, combien d'années de photographie au compteur? - Quarante. J'ai 55 ans. Tout a commencé avec un cours à option dans mon école en 1976. Un atelier très recherché. Il n'y avait plus de place disponible pour moi. L'une d'elles s'est libérée au dernier moment. Tout a tenu à très peu de chose. J'ai adoré.
Et après? - Il était clair pour moi que je ne ferais pas l'université. Il me fallait l'annoncer. Je me revois encore devant mon père pour lui dire que je ferais de la photo. Il n'a pas cillé. Il y a vingt ans, pour mes vingt ans de photo, j'ai d'ailleurs remercié mes parents de m'avoir fait confiance. Notez qu'il aurait aussi pu s'agir d'une autre voie artistique. J'adorais me retrouver dans la salle du dessin de collège. Il faut dire que j'avais Jean Otth, un des pionniers absolus de la vidéo, comme professeur.
Comment vous sentez-vous après quatre décennies derrière l'objectif? - Je suis toujours là! Je résiste. Et j'aime toujours autant la chose. La photo a changé. Cela ne m'a pas posé de problème. J'adorais (Philippe Pache «adore» beaucoup, NDLR) le laboratoire. Tirer moi-même, comme mon collègue lausannois Olivier Christinat. J'ai d'ailleurs conservé mon «labo», que je n'utilise plus. Le numérique m'a donné une nouvelle jeunesse. Il satisfait mes goûts boulimiques. Lors d'une séance de portraits, je prends plusieurs centaines d'images.
Pourquoi cette frénésie? - Parce que je n'ai jamais d'idée préconçue. Quand je vois, à Genève, quelqu'un comme Marc Ninghetto me dire «c'est fait», alors qu'il a appuyé trois fois sur le bouton, je reste abasourdi. Moi, j'ai toujours l'impression de ne pas être allé jusqu'au bout. Je reste toujours sûr qu'il y a du mieux à venir. Il faut dire que, depuis le début, je n'ai jamais aimé le studio et que je ne pratique pas la nature morte. J'ai besoin d'un instant fugitif, qui ne se reproduira plus jamais.
Vous travaillez énormément dans le flou. - Pourquoi le flou? C'est une bonne question. Au début, je pensais à un effet de mode. Ce n'était pas mon truc. Et puis, j'ai fait une séance avec un enfant. En regardant les contacts, puisqu'il fallait regarder des contacts il y a trente ans, j'ai trouvé l'expression voulue. Seulement voilà. L'image manquait de netteté. J'ai commencé par hurler. Mais l'expression restait superbe. J'ai donc fait un tirage. Je me suis rendu compte depuis que l'image donnait, ou suggérait des émotions. Il y avait un trouble, à tous les sens du terme. Je reconnais que c'est devenu ensuite un peu systématique.
Vos portraits de commande se révèlent en revanche très nets. Trop nets même, pour certains clients. - C'est un genre qui me semble assez classique. Je suis volontiers collectionneur de portraits anciens. Je me rends compte qu'on a voulu là y garder la trace de quelqu'un. Il faut que cette personne demeure reconnaissable.
Et la couleur? - C'est intéressant. Je n'aimais pas. Pendant des années, j'en aurais donné ma main à couper. Je ne ferais jamais de couleurs, du moins dans mon travail personnel. Elle me semblait liée à la publicité ou aux commandes pour la presse. En plus, j'aimais le cinéma en noir et blanc. Dans la couleur, il m'a fallu attendre «In the Mood for Love» de Hong Kar-wai en 2000 pour ressentir un choc. Je dirais même que ce film a suscité en moi un déclic. J'ai fait ma première exposition en couleurs l'année d'après. Je me suis en fait rendu compte qu'elles constituaient un outil. Elles ne reflètent pas forcément la réalité, comme je le pensais au départ.
Quand on dit Philippe Pache, on pense tout de suite érotisme. - Oui, mais un érotisme assez «soft» tout de même. Je ne fais pas de «bondage» comme Araki. Je ne vais pas loin dans le «trash» comme Saudek. Des artistes que j'estime et qui ont également été montrés chez Krisal. En fait, on ne sait jamais jusqu'où on peut aller. Les réseaux sociaux se veulent très prudes. Il m'est arrivé à ce propos quelque chose d'intéressant avec Morgane, le modèle de la série «Intimement vrai». J'ai reçu un prix à Morges. Pour la remise de cette distinction, il fallait un carton avec photo. J'en ai fait une, avec des jambes. Rien de plus. Morges a voulu la refuser. Pour apaiser le conflit, j'en ai imaginé une autre.
L'exposition actuelle s'intitule «Intimement votre». Est-ce l'intimité qui vous a amené à proposer des tirages plutôt modestes pour aujourd'hui? - Il m'est arrivé de créer des grands formats. Mais j'en ai marre de cette mode du gigantisme. Rien en dessous d'un mètre vingt. Pas de limites supérieures. Je vous ai déjà dit que je n'aimais pas les tendances. Et puis, effectivement, le mot intime suggère quelque chose de petit.
Pratique
«Intimement vrai, Philippe Pache», galerie Krisal, 25, rue du Pont-Neuf, Carouge, jusqu'au 6 juillet. Tél. 022 301 21 88, site www.krisal.com Ouvert du mardi au vendredi de 14h30 à 18h30, le samedi de 13h30 à 17h.
Photo (Philippe Pache): Une image de la suite "Intimement vrai".
Prochaine chronique le mardi 21 juin. Le top-ten des expositions suisses en cours.
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CAROUGE/Philippe Pache photographie l'intimité vraie à la galerie Krisal