Cela s'appelle "Taking A Line For A Walk". Tout se dit mieux en anglais, lorsqu'il s'agit d'art contemporain. Ce printemps, le Zentrum Paul Klee a rajeuni les cadres. Si Klee fait bien sûr partie de l'exposition, c'est en "guest star". Il n'a droit qu'à une seule des six travées. Et encore! Il lui faut la partager avec Henri Michaux et Mark Tobey. C'est l'asile des vieillards, en quelque sorte.
Le propos de l'exposition, dont le commissaire n'est pas indiqué, est en effet de réunir des artistes actuels liés par l'écriture, réelle ou imaginaire. Autant dire qu'ils bardent leurs œuvres de signes semblables à un alphabet. C'est là ratisser large. Le Louvre avait été plus clair, quand son cabinet des arts graphiques occupait encore de Pavillon de Flore, en intitulant une présentation "Les mots dans le dessin". Il y a après tout des signes partout chez Klee!
Des choix très à la mode
La volonté manifestée dans cette exposition bouche-trou se situe donc ailleurs. Il s'agit plutôt de regrouper un certain nombre de plasticiens en vogue sous une étiquette valorisante. Car enfin, tout le monde, ou presque, apparaît très connu. Il y a là Christopher Wool, Cy Twombly et Brice Marden. Le Norvégien de Berlin Olaf Christopher Jenssen amène un peu d'exotisme. Quant aux toiles de l'Américain Jonathan Lasker, inévitablement énormes, elles pourraient servir ici de simple décoration. On imaginerait ces machins colorés au milieu de meubles Pfister ou Roche-Bobois, s'ils ne valaient pas aussi cher.
Bien sûr, les Twombly, qui remontent à la fin des années 1950, se révèlent parfaits dans leur genre. Les Tobey, cet abstrait américain qui a fini ces jours à Bâle en 1976, sont mystérieux à souhait. Ils n'empêchent pourtant pas cet accrochage opportuniste de sentir la cooptation. Tout reflète la mode. Le public se croirait dans un stand d'"Art/Basel" ou lisant un catalogue de Christie's. Il ne manque plus que la liste des prix.
Les collections qui comptent
Rien n'est bien sûr à vendre. Ou presque. Le galeriste de Saint-Moritz Karsten Greve a tout de même prêté des choses. Le visiteur attentif, celui qui lit jusqu'au bout les étiquettes, découvre qu'il y a là en fait, outre les envois logiques du Kunsthaus de Zurich et des Kunstmuseen de Bâle et de Winterthour, les représentants d'ensembles helvétiques tenant du spéculatif ou du statut social. Le Musée Migros voisine aux murs avec les collections UBS, Ringier et Daros.
Dans ces conditions, "Taking A Line For A Walk" officialise avant tout le goût actuel. Chacun se voit conforté dans ses choix par la présence des autres. Adoubé. Reconnu. Il fait partie du club. Le public est là pour applaudir. Dommage qu'il reste peu nombreux. Il faut dire que la présentation sur fond blanc n'offre rien de très encourageant. Surtout s'il s'agit ne montrer des toiles couleur ivoire, comme celles de Cy Twombly. Le chouchou des collections publiques bâloises et zurichoises.
Pratique
"Taking A Line For A Walk", Zentrum Paul Klee, 3, Monument im Fruchtland, Berne, jusqu'au 17 août. Tél. 031 359 01 01, site www.zpk.org Ouvert du mardi au dimanche de 10 à 17h. Photo (DR): L'un des Brice Marden proposés à Berne.
1914, quand Klee, Macke et Moilliet partaient pour la Tunisie
Cent ans déjà... En avril 1914, Paul Klee, Louis Moilliet et August Macke s'embarquaient pour la Tunisie. Un petit voyage qu'il leur avait été difficile de financer. Le trio restera moins de deux semaine sur place, aquarellant à tour de bras de Carthage à Kairouan, en passant par Hammamet. Il reviendra avec des cartables pleins d’œuvres audacieuses. L'Orient leur avait ouvert les yeux. Le "Voyage en Tunisie" prendra dans l'histoire de l'art la même importance que, quatre générations plus tôt, celui d'Eugène Delacroix au Maroc.
Le Zentrum Paul Klee, toujours lui, mais c'est là davantage son rôle, rappelle aujourd'hui cette expédition qui aura des échos tardifs, sauf pour Macke. En septembre, l'Allemand fera partie des premiers morts de la Guerre de 14. Restait à réunir les éléments, aujourd'hui dispersés, des albums et des carnets. Michael Baumgartner s'est attelé à la tâche. Il peut ainsi présenter dans une immense salle souterraine 140 œuvres illustrant toutes les étapes des trois compères. Le visiteur les voit littéralement travailler l'un à côté de l'autre.
De petite taille, les aquarelles et les dessins se répondent ainsi le long de cimaises serpentines. Elles sont venues de partout. Berlin, New York, Los Angeles, Bonn ou bien sûr Berne. On n'est pas prêt d'assister à de telles retrouvailles. Allez donc y faire un tour!
Pratique
"Die Tunisreise, Klee, Macke, Moilliet", jusqu'au 22 juin. Même adresse et horaire que ci-dessus.
Prochaine chronique le dimanche 4 mai. Expositions à Venise. L'art ancien, cette fois, avec Carlo Saraceni à l'Accademia.
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BERNE / Le Zentrum Paul Klee se lance dans le contemporain