Bernard Frize peint "Sans repentir" au Centre Pompidou
L'artiste est un des rares Français à jouir d'une réputation internationale. Il travaille selon un protocole. Ses toiles donnent l'impression d'être vues derrière un verre dépoli. La faute à la résine!

Bernard Frize devant se ses oeuvres.
Crédits: Centre Pompidou, Paris 2019.Ce n'est pas une exposition populaire.
Il faut dire que Bernard Frize, l'homme célébré pour quelques
semaines encore par le Centre Pompidou, n'a rien de glamour. Le
peintre reste apparemment sec. Le personnage aussi, avec sa
silhouette noir longiligne et ses lunettes rondes. Un échalas. A 65
ans, le Français demeure pourtant un des rares artistes «Made in
France» à bénéficier d'une réputation internationale. Il ne
doit assurément pas la chose à son sens de la publicité, même si
son manager Emmanuel Perrotin est d'ordinaire un excellent galeriste.
Il suffit de consulter le site du monsieur. Une liste d'exposition et
de publications. Point final. Frize n'est pas du genre à poster sur Instagram des
photos de son chat chaque fois qu'il mange une croquette.
Beaubourg parle de «l'événement Frize». C'est sans doute là sur-vendre cet accrochage. Il ne se trouve du reste pas au sixième étage, lieu de prestige, mais sur la mezzanine, plus expérimentale. Ce bel espace se voit rarement occupé par de la peinture. C'est celui que ce lieu culturel offre en général aux designers et surtout aux architectes. Il suffit pourtant de l'aménager. Il y a aujourd'hui ici un corridor en «prologue» et six salles. Chacune d'elles propose une variante de la création de Frize. Il y a «avec déraison», «sans arrêt», «avec maîtrise», «sans système» et bien sûr «avec système». Le parcours se termine «sans effort». Du moins c'est que l'artiste et la commissaire Angela Lampe nous prétendent. Le public doit tout de même se poser des questions, même si la peinture abstraite de Frize possède tout de même quelque chose de séduisant. D'étrange aussi. Tout se voit vu comme derrière une vitre un peu dépolie. L'effet est dû à la résine mélangée à l'acrylique. A chacun sa "cuisine"!
Contraintes et séries
Bernard Frize aime les contraintes et
les séries. Il trouve une certaine liberté à l'intérieur d'elles.
Tout part ainsi d'un protocole qu'il se fixe. Il s'agit de
l'appliquer rapidement, et bien sûr en s'y conformant «Sans repentir», dit le
sous-titre de l'exposition. Autrement dit sans retouche. C'est, ou ce
n'est pas réussi. Il garde ou il jette. Une forme de paresse, prétend le
peintre. Mais l'amateur éprouve ici de la peine à le croire. Il
faut dire que l'homme n'a pas l'air comme ça d'un facétieux. Le personnage ne
dégage pas l'humour bonhomme qu'avait François Morellet
(1926-2016), le créateur dont j'aurais le plus envie de le
rapprocher. Et cela même si Frize n'utilise ni le néon, ni les formes
éclatées. Il produit tout simplement des tableaux. Plutôt grands.
Et, je dois le dire quitte à le vexer, assez décoratifs.

Frize s'est longuement entretenu avec sa commissaire Angela Lampe. Leur dialogue figure dans le catalogue. Voilà qui nous évite des textes oiseux ou vaseux. Il y parle d'un art «apparemment idiot». Tout cela ne semble avoir aucun sens. «Mais au lieu de décrire un monde sans raison, j'ai décrit un monde dont on cherche la raison.» Nuance! Le Français se sent plus proche de Lewis Carroll que d'Albert Camus. C'est pour tout dire un Sysiphe détendu. Un art immersif à la manière des Américains ne l'intéresse pas. Il préfère une peinture «loyale dans ses moyens et vis-à-vis du spectateur, qui ne doit pas se sentir dominé par mes toiles.» D'où l'effet de lointain, ou plutôt la barrière de la résine que j'évoquais plus haut. «Un aspect glacé, lisse, presque ciré», selon son interlocutrice. Au spectateur de se manifester. «Je respecte la personne en face qui a tous les outils et toutes les armes pour me contredire ou adhérer.»
Mode d'emploi
Pour en revenir à ma modeste personne, j'adhère assez souvent. Je me montre parfois même adhésif, à l'image de certains rubans. Mais je je n'ai pas besoin de ma boîte à outils. En fait, c'est l'instinct qui parle, comme toujours. J'aime ou je n'aime pas. Comme pour Morellet d'ailleurs. Tout le monde n'a pas envie de regarder de la peinture avec un mode d'emploi!
Pratique
«Bernard Frize, Sans repentir», Beaubourg, mezzanine, place Georges-Pompidou, Paris, jusqu'au 26 août. Tél. 00331 44 78 12 33, site www.centrepompidou.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 11h à 21h.
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