Arata Isozaki donne au Japon son septième Prix Pritzker d'architecture
A 87 ans, l'homme a beaucoup bâti de Los Angeles à Pékin. Sa carrière a commencé par le tout-béton "brutaliste". L'homme a ensuite donné dans le post-modernisme.

L'architecte devant sa tour milanaise en 2014.
Crédits: Giuseppe Cacacea, AFPEh bien oui! C'est à nouveau le Japon.
Arata Isozaki a remporté le mardi 5 mai le Prix Pritzker
d'architecture. A 87 ans, l'homme rejoint ainsi, au cercle des
architectes nippons récompensés, soit Kenzo Tange (1989), Fumihiku Maki
(1993), Tadao Ando (1995), le tandem Kazuyo Sojima-Ruyue Nishisawa
(2010), Tojo Ito (2013) et Shigeru Ban (2014). Seuls les Etats-Unis
peuvent se targuer d'avoir fait mieux, avec un lauréat de plus. La
Suisse a remporté la victoire (après tout nous sommes là dans une
discipline, comme le ski ou l'aviron) deux fois grâce aux Herzog et
DeMeuron et à Peter Zumthor. Il en faut pour tout le monde.
Isozaki n'est pas chez nous le plus connu du lot dans la mesure où il n'a rien bâti dans les pays francophones, avec le lot de polémiques que suscitent toujours les «archistars». L'homme est né en 1931 à Oito, une petite ville située sur l'île de Kyushu. Sa première vision raisonnée de l'architecture est le néant. En 1945, quand il a 14 ans, le Japon des cités est pratiquement détruit par les bombes. Il faut tout refaire. Notez que Tokyo avait déjà dû passer par cet exercice après le tremblement de terre de 1923. En 1954, Isozaki passe son diplôme. C'est un élève de Kenzo Tange. Fondé en 1979, le Pritzer en arrive fatalement à sa seconde génération.
Un citoyen du monde
L'homme, qui a fondé son bureau en 1963, se veut un citoyen du monde. Dans ce but, il a énormément voyagé. L'art qu'il pratique, comme l'a souligné Tom Pritzker, se veut international. Reste à savoir si c'est un bien ou si la chose participe de l'anonymat actuel de la Planète. Toujours est-il que parmi la centaine de bâtiments importants ponctuant sa carrière, il y a des choses partout. Elle vont de Pékin à Los Angeles, du Turin à Barcelone et de Milan à Berlin. Il s'agit en général de gros machins. Isozaki ne donne pas dans l'architecture modeste prônée par les deux dernières Biennales du genre organisées à Venise (2016 et 2018). Avec lui, on serait plutôt dans le spectaculaire, comme dans l'édifice conçu pour Disney World en Floride.

Au fil des décennies, Isokazi qui
(comme les Herzog et DeMeuron) revendique de ne pas avoir de style
propre, a changé son optique. Au départ, il a donné dans le
«brutalisme» du tout béton, à qui certains retrouvent aujourd'hui
un charme auquel je reste imperméable. Puis il a viré au
post-modernisme, qui en forme d'une certaine manière le contraire.
Difficile, dans ces conditions, de reconnaître la patte du maître
contrairement à celle d'un Richard Meier ou d'un Mario Botta.
Le Pritzker s'est souvent vu qualifié
de «Nobel de l'architecture». D'une certaine manière, c'est sans
doute vrai. Ses choix, collectifs, apparaissent tout aussi
discutables (1). Pensez qu'il y a là Jean Nouvel ou Otto Frei. Plus
Shigeru Ban, dont la toute récente boule ronde en verre de l'Ile
Seguin, à Paris, m'est apparue comme une sainte horreur... Géré par
la Fondation Hyatt, le prix n'en apparaît pas moins caractéristique
d'une époque qui a vu la spectaculaire remontée de l'architecture,
un temps déléguée aux simples ingénieurs. Il coïncide avec le
fameux «geste architectural», dont on nous bassine aujourd'hui les
oreilles.
Un bâtiment ancien célèbre accueille par principe la remise de la récompense. Pour Isozaki, ce serait (conditionnel) le château de Versailles, qui a déjà servi à la manifestation pour Tadao Ando. On pourrait du coup accorder un Pritzker posthume à Mansart!
(1) Une seule femme au palmarès. C'est bien sûr Zaha Hadid.