Andata Ritorno présente à Genève "L'hypothèse de l'île" de Jean-Pierre Brazs
A 72 ans, l'artiste expose pour la première fois dans la galerie. Il y présente un projet soutenu parallèlement par un livre. Il est question ici de dérèglement climatique

Le grand dessin mural, qui occupe le mur du fond.
Crédits: Photo fournie par Andata Ritorno.C'est une immersion, à tous les sens
du terme. Andata Ritorno propose à Genève un travail du Jean-Pierre
Brazs. Le Franco-Hongrois se retrouve pour la première fois dans une
galerie qui en arrive aujourd'hui à sa 313e exposition.
Record genevois. Son accrochage s'intitule «L'hypothèse de l'île».
Autant dire que celle-ci n'existe pas. L'atoll en question, vestige
d'une ville qui fut jadis continentale, est en butte à l'inexorable
montée des eaux. Le changement climatique transforme peu à peu la
cité basse en cloaque, tandis que la partie haute s'accroche, avec
ses jardins suspendus. La mer, jadis objet de convoitise et de
délices, est devenue l'ennemie. Comme chez Marguerite Duras, il faut
désormais des barrages contre le Pacifique...
Ce que je vous raconte là ne se trouve pas aux murs des deux salles d'Andata Ritorno. Quoique... Je tire le récit du livre d'accompagnement, paru en parallèle aux éditions Notari. Il se trouve dans le «prologue» aux deux séjours imaginaires que Jean-Pierre Brazs entend documenter. «Mercredi 23 décembre. Je suis arrivé dans l'île ce matin», dit le premier cartel d'Andata Ritorno. Cette fois, nous y sommes vraiment. L'artiste va à la fois peindre et dépeindre les lieux. Il entreprendra même d'expliquer les choses avec des figures géométriques complexes. Il prendra bien sûr des photos, elles aussi fictives. Bref. Il donnera un maximum de traces, supposées véridiques, de l'île mystérieuse. Tout cela au long de deux séjours passée en résidence d'artiste, le premier en 2015 et le second deux ans plus tard.
Un brasseur d'idées
On pourrait gloser à l'infini sur
l’œuvre totale et ses origines. «Jean-Pierre Brazs porte bien son
nom. Il brasse depuis plusieurs années», explique le galeriste
Joseph Farine. «Il est le brasseur qui fouille la terre et les eaux
d'un territoire.» A 72 ans, l'artiste agit en archéologue. En
cartographe. En routard aussi, même si l'îlot n'apparaît pas bien
vaste. Il en est encore l'écrivain voyageur qui reviendrait chargé
de ses croquis et ses notes, reconstruisant plus tard chez lui son
monde à l'aide des «reliques recueillies». Avec quelque chose de
secret et de souterrain en arrière-fond. «Hypo» donne bien l'idée
de la chose du dessous. Ce qu'il importe par conséquent de révéler.
Tout cela se traduit physiquement par un grand dessin mural. Des textes. Des photos. Des peintures sur du verre brisé. Des dessins. Il y a même les pages d'un ancien traité de géométrie que Jean-Pierre Brazs (pseudonyme de Jean-Pierre Lavigne) a revisité de son pinceau aquarellé. Normal. C'est après tout une histoire d'eau. Nous sommes ici en plein Déluge. Restera-t-il encore longtemps des îles, même imaginaires?
Pratique
«L'hypothèse de l'île», de Jean-Pierre Brazs, galerie Andata Ritorno, 37, rue du Stand, Genève, jusqu'au 6 avril. Tél. 078 882 84 39, site www.andataritornolab.ch Ouvert du mercredi au samedi de 14h à 18h. Le livre, qui contient 48 pages, a paru aux Editions Notari.