Soyons de mauvaises féministes
Soyons de mauvaises féministes
De nombreuses femmes rejettent avec véhémence l’étiquette de féministe. Parallèlement, elles soutiennent les progrès issus de ce courant politique et culturel. Elles sont heureuses de vivre à une époque où il est possible de voter, de travailler sans l’accord de leur mari, et d’ouvrir un compte bancaire à leur nom. D’où vient ce paradoxe?
Le mot «féminisme» a une histoire longue et compliquée. Longtemps, il a désigné un combat de femmes «virilisées», bourrées de complexes à l’égard des hommes et dont la valeur «sur le marché de la bonne meuf», comme le dit l’écrivaine Virginie Despentes, était proche de zéro.
Sans surprise, les femmes refusent ce portrait peu flatteur. D’autres craignent d’être taxées d’hypocrisie. Peut-on en effet exiger la parité et trouver grossier qu’un homme ne paie pas l’addition? Peut-on condamner le harcèlement sexuel et fredonner «Blurred Lines», tube qui évoque la limite entre le consentement et le refus d’un rapport sexuel?
Loin des leçons de morale
L’auteure et professeure américaine Roxane Gay a tranché ces questions. Lorsqu’il s’agit de féminisme, dit-elle, nous plaçons la barre trop haut. Ce mouvement est à l’image de celles et ceux qui le dirigent: imparfait. Celle qui revendique un «mauvais féminisme», soit un féminisme décomplexé, loin des leçons de morale, insiste: oui, on peut aimer le R’n’B sexiste et participer au mouvement Time’s Up.
Insensé? Plutôt libérateur. Comme le dit l’écrivain Aldous Huxley, la cohérence est contraire à la nature, contraire à la vie. Les seuls êtres complètement cohérents sont les morts. Les féministes n’échappent pas à cette règle.