Vie avec vue
Jean-Jacques Gauer

Lausanne est devenue ces dernières années la ville la plus hype de Suisse. Grâce sûrement au développement d’une offre culturelle et festive hors norme et à l’engagement de personnalités très impliquées dans leur cité. Jean-Jacques Gauer en fait partie. Son zèle vient d’être recompensé par la nomination d’«hôtelier suisse de l’année» par le Gault-Millau.
Je viens d’une famille d’hôteliers et, aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu faire ce job. Nous possédions le Schweizerhof à Berne et ma mère l’a tenu seule après la mort de mon père qui est décédé à 59 ans, mon âge aujourd’hui. Il y avait à ce moment deux hôtels en ville. Le Bellevue Palace, dont le nom disait tout, et nous qui n’avions ni la vue, ni le côté palace. Il fallait donc compenser et se distinguer alors que nous n’avions sûrement pas la plus belle moquette ou la plus spectaculaire des réceptions. Tout a tenu en un mot, l’accueil.
Ce que j’ai appris à Berne, je l’ai appliqué à Lausanne. Quand on gère un hôtel basé en centre urbain, il faut tisser des liens avec tous les gens qui comptent dans cet environnement. Plus la ville est petite, plus il faut s’ouvrir à elle. Cela veut dire aussi bien l’avocat en vue que le fleuriste ou la patronne de boutique de mode dans laquelle va potentiellement votre clientèle. Ils doivent se sentir bien chez nous. Chaque jour, et à chaque service, je passe saluer mes clients dans nos quatre restaurants. Ce n’est pas une coquetterie de ma part. Je reviens toujours avec une ou deux réservations à la fin d’une tournée. Un client pense peut-être organiser un séminaire, un repas avec son équipe ou un dîner en tête à tête avec son épouse. En me voyant il y pense et simplement en me disant de réserver pour lui il sait que ça sera fait et qu’il peut se décharger de cela. C’est ma valeur ajoutée. Mon rôle, c’est de m’entourer de gens à forte personnalité. Chacun de mes directeurs prend lui aussi à cœur de créer cette proximité non feinte avec un client. Je déteste le faux, le luxe pour moi c’est l’authenticité. Pourquoi ainsi mettre une bouteille de champagne dans la chambre d’une personne qui voyage seule ? On sait qu’elle ne va pas la boire et on l’embarrasse. Ici, pas de chiqué. On vient «chez» nous, pas « au » Lausanne Palace. Un exemple ? Prenez le bar de l’hôtel. Rien que le nom, « bar d’hôtel », cela sonne triste et ennuyeux à mourir, non ? On imagine un lieu quasi vide avec des gens de passage pour affaires, plutôt là par dépit qu’autre chose. Par contre, si vous venez ici pour le travail et que, en fin de journée alors que vous avez accumulé une certaine fatigue, vous pouvez simplement descendre au rez-de-chaussée de votre hôtel pour passer un bon moment, mon mandat d’hôtelier est rempli. Pour réussir cela, il faut simplement une animation rendue possible par l’attractivité que vous avez créée pour les gens du coin. Quand ces derniers plébiscitent l’atmosphère, alors le touriste ressent qu’il est bien au bon endroit dans la ville. Et si le barman vous reconnaît lors de votre deuxième ou troisième visite et qu’il se souvient de ce que vous prenez, alors là c’est bingo.
En Suisse, l’hôtellerie a fait un bond remarquable. La quarantaine d’établissements 5 étoiles du pays ont investi ensemble des centaines de millions dans des constructions et des rénovations, peut-être même des milliards. L’offre est énorme : il y a 17 établissements 5 étoiles à Genève, plus qu’à Zurich qui en compte une douzaine. Et des projets existent encore dans la région. Il faudra être vigilant à l’avenir car la rentabilité d’un palace est toujours beaucoup plus difficile à atteindre qu’un hôtel moyen de gamme.
Illustration: Nicolas Zentner
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.