Une marque de légende du nautisme américaine renaît à Genève
En 1965, Sean Connery incarne pour la quatrième fois l'agent secret 007 dans Thunderball (Opération Tonnerre, en français). Cette fois-ci, James Bond doit empêcher un certain Emilio Largo de mettre la main sur deux bombes atomiques. Au cours de ces aventures, il fait la connaissance de la jolie Domino, la jeune protégée de Largo. Pour séduire celle-ci, il la rejoint sous l'eau et remonte à la surface à l'abri de son canot à moteur. Un canot de marque Buehler Turbocraft, une marque à l'époque réputée et qui avait même vu le célèbre designer Virgil Exner (qui a dessiné les légendaires automobiles Studebaker) forger les lignes d'un bateau.
Mais au fil des ans, l'activité a diminué. Et la marque a cessé toute production dans les années 1980. Pendant près de trente ans, Buehler Turbocraft allait dormir paisiblement. Jusqu'à ce qu'en 2011, le Genevois d'origine française John Clapot visionne Thunderball. Lors de la scène où James Bond sort de l'eau avec Domino, il remarque le canot et lui vient l'envie de savoir si ces bateaux existent toujours.
Au terme de ses recherches, il découvre le funeste destin de la marque. Il contacte donc les ayant-droits et rachète la marque, puis effectue les démarches pour la déposer à nouveau. Son projet? Il est clair dès le départ: «J'ai depuis mon plus jeune âge été passionné par le nautisme et les beaux bateaux. En plus, mon frère est architecte naval. J'ai immédiatement voulu ressusciter ces bateaux de légende». Fort d'une expérience de plusieurs années comme brand manager chez Ralph Lauren pour dynamiser la marque sur un positionnement luxe, il constitue une équipe autour de lui et lance l'aventure.
«Comment ne pas avoir envie de naviguer à nouveau à bord de ces vedettes? En plus de James Bond, ce sont ces canots que la CIA et les services secrets utilisaient pour la protection de John Fitzgerald Kennedy quand il était en séjour au bord de la mer. Et surtout, techniquement, c'était des bateaux révolutionnaires: les premiers à utiliser des technologies jet issues du monde de l'aviation, car Buehler était à l'origine un fournisseur de pièces pour l'aéronautique», rappelle John Clapot.
Le nouveau modèle baptisé Thunderclap
Passion, envie, compétences... et finances: les associés investissent au fil des mois plus de 250'000 francs dans le rachat de la marque et son dépôt, la R&D, l'ingéniérie navale, les brevets, le marketing,... Au fil des mois, un premier chantier naval apte à produire les nouveaux modèles est trouvé en France, et un autre est cherché activement aux Etats-Unis, berceau de la marque. Reste désormais à trouver des investisseurs prêts à financer la production et la commercialisation. Mais sinon, tout est prêt: «On a un modèle, baptisé Thunderclap, en hommage au film de James Bond, qui est prêt à être mis en production dans les deux à trois mois, avec un design offrant un mix entre touches classiques évoquant les grands noms des canots à moteur du XXe siècle, et lignes résolument modernes».
Mais le futurisme ne se retrouve pas seulement dans les lignes épurées de l'embarcation: c'est aussi sous le capot que se cache l'innovation. Car si John Clapot prévoit un retour aux motorisations thermiques par jet de la grande époque, en réactivant notamment le partenairat avec la firme Hamilton qui travaillait déjà avec Buehler Turbocraft dans les années 1950, il a aussi dans les cartons un projet de bateau 100% électrique qu'il pourrait dégainer dans les mois à venir: «Ce serait extra que Buehler Turbocraft, réputé pour être une marque innovante dans les années 1950 et 1960, le redevienne aujourd'hui en étant le Tesla des mers et des lacs», glisse-t-il.
Grâce à la propulsion par jet, les nouveaux canots Buehler Turbocraft auront un faible tirant d'eau, ce qui permettra de belles performances de vitesse tout en limitant la consommation énergétique. Mais cette caractéristique va aussi permettre au canot de se positionner en annexe sur des super-yachts. Car la clientèle visée est celle du luxe et du haut de gamme. D'où des choix de matériaux nobles comme le bois moulé, le teck (pour le pont) et des selleries en cuir marin. Mais sans oublier les technologies les plus modernes: à l'image de Tesla, John Clapot et son équipe ont imaginé une ambiance de cockpit futuriste à l’image de Tesla. Seule touche traditionnelle dans ce secteur: une montre incrustée dans le tableau de bord, et John Clapot est en négociations avec plusieurs manufactures prestigieuses pour le choix de l'horloger fournisseur.
Les Etats-Unis et la Côte d'Azur en priorité
Prix de ce bijou de luxe et de technologie: entre 600 et 750'000 francs, selon d'éventuelles options. Mais le client pourra aussi customiser certains éléments pour avoir une vedette personnalisée et unique. Même la cabine avant, avec lit double et douche, sera disponible en deux versions: lounge cosy ou épurée contemporaine. A plus long terme, John Clapot et son équipe ont déjà dans les cartons une version hard top, mais aussi des modèles plus petits pour la navigation sur lac et plus grands et spacieux.
Mais dans un premier temps, la production devrait se concentrer sur le premier modèle. L'équipe genevoise espère pouvoir disposer de deux premiers modèles d'ici 18 mois afin de les présenter aux salons de Monaco et de Miami, les deux marchés prioritaires. Après les Etats-Unis et la Côte d'Azur viendra l'exploration du marché du Golfe et du Moyen Orient, avant le développement du marché asiatique.
D'ores et déjà, John Clapot assure avoir été contacté par de nombreux passionnés: «Il y a un intérêt certain de la part des milieux du luxe et de la plaisance. Et de nombreux aficionados de la marque aux USA nous demandent régulièrement quand Buehler Turbocraft sera relancé: on sent une véritable impatience». Pour satisfaire cette demande, reste juste à trouver un ou des partenaires pour les phases d'industrialisation et de commercialisation. Et l'une des légendes américaines du nautisme aura définitivement vécu sa résurrection sur les bords du Léman.