Les jeunes débarquent, changement de génération chez les chef
Les grands-pères s’en vont, vive les petits-enfants ! Sûre de soi, fraîche et dénuée d’allures de star, la nouvelle génération des chefs d’orchestre est en train de s’emparer des pupitres des meilleurs orchestres internationaux. Le plus jeune d’entre eux est le Français Lionel Bringuier, 28 ans, déjà demandé dans le monde entier. Il vient d’aborder son nouveau poste de chef d’orchestre du Tonhalle-Orchester de Zurich.
Les légendes comme Karajan, Solti, Kleiber et, depuis janvier, Claudio Abbado ne sont plus de ce monde. Et les maestros qui, aujourd’hui encore, incarnent des demi-dieux de noir vêtus parviennent certes encore à faire vivre des moments de musique intenses et à remplir les salles – et les caisses. Mais nombre d’entre eux ont déjà entre 80 et 90 ans. Avec eux, l’ère des dompteurs d’orchestre intouchables tire à sa fin.
Mais, pour tranquilliser les amateurs de musique classique, soulignons que les grands orchestres de la planète n’affrontent pas le vide. Une nouvelle génération de jeunes chefs est dans les starting-blocks ou a déjà investi le monde de la musique. Ils sont non seulement très doués mais aussi dynamiques et ouverts. Ils font souffler une brise fraîche dans les vénérables salles de concerts et suscitent un nouveau public.
Une deuxième jeunesse pour le classique via le web et les réseaux sociaux - -
Cela plaît aux orchestres et les directeurs marketing de la branche du classique, que l’on donnait déjà pour morte, se réjouissent. Pas uniquement pour les ventes de CD, mais aussi pour les lucratifs téléchargements sur internet et autres clics en ligne. Car les classieuses jeunes stars de la génération Facebook font bonne figure aussi sur Twitter et YouTube. A l’instar du Vénézuélien Gustavo Dudamel, 33 ans, actuel chef du Los Angeles Philharmonic (« l’Obama de la musique », titrait récemment la presse américaine).
Ou cette autre tignasse bouclée qu’est Robin Ticciati, un chef britannique né en 1983, dirigeant du Glyndebourne Festival Opera et plus jeune chef à avoir jamais dirigé à la Scala de Milan. Le Letton Andris Nelsons dirige le Boston Symphony et, au Lucerne Festival Orchestra, il sera accueilli en tant que successeur d’Abbado. L’Espagnol Pablo Heras-Casado, 36 ans, a fait en avril dernier un début triomphal avec l’Orchestre philharmonique de New York.
L’énumération se poursuit jusqu’à l’Israélien Lahav Shani, tout juste 25 ans, lauréat d’importants concours internationaux de direction d’orchestre, dont on entendra parler à coup sûr bientôt.
Les musiciens du Tonhalle-Orchester de Zurich ont à leur tour été enthousiasmés par un peu de fraîcheur et d’entrain juvénile en choisissant pour succéder à leur chef de longue date David Zinman, 78 ans, le Niçois Lionel Bringuier, de cinquante ans plus jeune. Déjà demandé un peu partout, il s’est lancé à l’âge de 23 ans aux fameuses BBC Proms, il est « resident conductor » du Los Angeles Philharmonic Orchestra, dirige tout autour de la planète d’excellents orchestres, de Cleveland à Berlin, Sydney, Paris, Londres, Atlanta et Munich.
Ce sera prochainement au tour de l’Israel Philharmonic, du Concertgebouw d’Amsterdam et des Wiener Symphoniker (dont le nouveau chef est le Suisse Philippe Jordan, 37 ans, par ailleurs directeur musical de l’Opéra national de Paris). Le fait que, dans les interviews, on ne cesse de lui parler de son jeune âge ne dérange pas Bringuier.
Ce n’est tout simplement pas un sujet, à mon avis, sourit-il. D’ailleurs, je ne suis pas si jeune: après tout, j’ai dirigé la moitié de ma vie, depuis que j’ai 14 ans !
Qu’est-ce que les jeunes stars font autrement que leurs réputés prédécesseurs ? - -
Je ne me sens pas une star mais simplement un musicien parmi des musiciens. Une ouverture réciproque, un respect réciproque conduisent à l’objectif, pas les principes hiérarchiques. Peut-être est-ce là le nouveau style de ma génération. J’ai face à moi des professionnels. Je ne suis pas là pour enseigner aux musiciens à jouer mais pour construire avec eux le son optimal.
Reste cependant que vous êtes le chef. - -
Cela n’a rien à voir avec être chef mais avec une profonde connaissance de la matière. Lorsque les musiciens sentent que le chef connaît l’œuvre et la partition à fond et qu’il se sent 100% sûr, il naît un climat de confiance. Ce n’est qu’ainsi que l’on réalise ensemble une performance. Je ne fais que créer les conditions pour que les musiciens se sentent à l’aise, qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Au fond, un style de direction moderne, comme le pratiquent aussi les managers. - -
Sauf que, pour nous, le but immédiat du concert est que des notes naisse une musique. Un moment magique qui, lorsque tout va bien, rend l’orchestre heureux. Et le public aussi.
Les jeunes chefs peuvent-ils également s’adresser à un nouveau public jeune ? - -
J’espère vivement convertir encore beaucoup de gens aux concerts classiques. A Zurich, j’adorerais impliquer toute la population. La fête d’ouverture de la nouvelle saison fut une entrée en matière sensationnelle: plus de 7500 personnes de tout âge ont fréquenté la journée portes ouvertes. J’ai vu de jeunes parents avec leur bébé, des grands-parents avec leurs petits-enfants. Un groupe de jeunes gens m’a abordé en me disant : « Hé, on était au concert hier. La première pièce nous a totalement emballés. »
J’étais soufflé, car il s’agissait de la première d’une œuvre d’Esa-Pekka Salonen, donc de la musique contemporaine. Entendre ce type de remarque de la part de jeunes gens qui n’avaient jamais assisté à un concert auparavant m’a complètement requinqué. C’est exactement ce public-là que je cherche.
Mais en même temps vous ne devez pas insécuriser le public traditionnel, au risque de le perdre. - -
Il faut bien sûr le juste équilibre. J’aime d’ailleurs personnellement le répertoire populaire. Mais j’entends aussi détruire des préjugés, je voudrais éveiller chez les gens de la curiosité avec des pièces qu’ils n’ont entendues que rarement ou jamais. Lors de cette nouvelle saison à Zurich, par exemple toutes les œuvres pour orchestre de Ravel. Après tout, il n’a pas composé que le « Boléro ».
Vous travaillez avec des musiciens et des solistes qui sont en général plus âgés que vous. N’y a-t-il pas de conflit de génération à propos du style ou de l’interprétation ? - -
Nous discutons bien sûr d’autres possibilités de jouer la musique. Mais ce n’est pas une affaire d’âge ou de génération. L’échange est très enrichissant pour tout le monde, peu importe qu’il s’agisse de musiciens jeunes ou moins jeunes.
Outre votre nouvelle fonction à Zurich, vous dirigez dans de nombreux pays. Reste-t-il du temps pour la vie privée, les amis, les loisirs ? - -
C’est une question d’organisation. Ou alors de choix spontanés: le premier jour de mon arrivée à Zurich, j’ai d’abord posé ma valise dans mon nouvel appartement, je me suis changé et suis allé courir au bord du lac. Je joue aussi au tennis, j’aime aller écouter les concerts des autres et, à Nice, ma ville natale, je vais parfois voir un match de football. Quand j’ai opté pour ce métier, je savais que j’allais voyager beaucoup et vivre à l’hôtel. C’est pourquoi je suis content d’avoir à Zurich une seconde patrie après Nice. Je suis immédiatement tombé amoureux de la ville.
Vous twittez, vous êtes sur Facebook : êtes-vous sans cesse en ligne avec votre téléphone ? - -
(Il rit.) Je suis très discipliné. Etre sans cesse en ligne n’est pas possible, notamment parce qu’en général soit je passe toute la journée avec l’orchestre, soit je discute avec les musiciens pendant les pauses. Ou alors je suis dans l’avion où je me concentre sur le concert du soir. Ce n’est qu’après tout ça que j’active mon téléphone. Alors, mon taux d’adrénaline est au sommet, on va manger, on rencontre des amis.
Mais c’est vrai, ensuite je communique avec mon public par le biais de Facebook. C’est beau de pouvoir partager son bonheur avec d’autres… C’est un peu une famille de remplacement à une heure tardive.
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