Le flacon et l’ivresse
Perrier-Jouët sort un coffret très spécial pour fêter son bicentenaire. Une vraie sculpture sur le passage du temps conçue par l’artiste americain Daniel Arsham.

Daniel Arsham n’est sans doute pas le plus connu des artistes contemporains. Un physique de danseur et une voix toute douce animent celui qu’a choisi la maison Perrier-Jouët pour emballer la cuvée prestige Belle Epoque 1998 dans un coffret spécial bicentenaire. Pas le plus connu des artistes contemporains, certes, mais celui dont le galeriste parisien qui l’a découvert, Emmanuel Perrotin, aligne une écurie d’artistes qui fait tilt chez les amateurs d’art contemporain (Takashi Murakami, Maurizio Cattelan, Xavier Veilhan). Né à Cleveland dans l’Ohio, mais élevé sous le soleil de Miami, Daniel Arsham développe une œuvre étrange qui emprunte à l’Art Nouveau et à la modernité, parle du rapport de l’homme à la nature, transforme l’espace pour aller voir derrière les murs et invente des architectures qui n’existent pas. Pour Perrier-Jouët, il a repris l’anémone historique de la bouteille dessinée par Emile Gallé pour la graver sur un monolithe de résine perforée. Une sculpture comme érodée par les siècles, tirée à 100 exemplaires exactement. Particularité de cet écrin qui est donc aussi un objet d’art ? Il a été pensé comme un dyptique, une partie partant chez son propriétaire, l’autre restant conservée dans les caves Perrier-Jouët d’Epernay à destination des générations futures. Une œuvre sur la transmission, le temps qui passe et l’héritage. Comme le champagne…
L’idée de collaborer avec une marque de champagne vous a tout de suite intéressé ? Je connaissais vaguement la marque, j’étais davantage familier avec le design de la bouteille et le fait que Perrier-Jouët entretenait une longue tradition de collaboration avec des artistes. Notamment avec Emile Gallé et l’Art Nouveau dont le travail à la fois sur la nature et l’architecture est quelque chose qui me parle. J’ai aussi visité la maison Perrier à Epernay et surtout la cave où vieillit le champagne. L'idée m’est alors venue de travailler sur le temps, sur l’héritage et de proposer une œuvre qui pourrait se séparer en deux, la première partie restant dans la cave, l’autre allant chez le collectionneur.
Vos dessins et vos scupltures sont très liées à l’architecture. Pourquoi avoir choisi de devenir artiste plutôt qu’architecte ? J’ai étudié l’architecture mais j’ai arrêté. Mon travail se situe dans une sorte d’entre-deux. Un espace un peu flottant entre l’art et l’architecture qui me permet de créer des choses, de mettre en forme des idées qu’un architecte ne pourrait pas faire. C’est l’avantage d’être artiste.
Alors qu’est-ce qui vous a poussé à être artiste ? Je ne sais pas. C’était quelque chose que je devais absolument faire. Je ne considère pas cela comme un métier. C’est quelque chose que je fais tous les jours, tout le temps. Comme une habitude qui est devenue le moyen de gagner ma vie.
Mais entre l’architecture et l’art, lequel des deux exerce la plus forte influence dans votre travail ? L’architecture bien sûr. Ceci dit, je me sens aussi très proche d’artistes comme Ed Ruscha ou John Baldessari. Pas seulement parce qu’ils sont tous les deux Californiens, mais parce qu’ils jouent avec des codes qui me sont familiers.
John Baldessari dont vous dites qu’il est aussi votre artiste favori. Ce qui peut paraître étrange vu votre travail qui fait référence à la modernité. J’aurais plutôt dit Max Ernst. Vous savez, les gens s’attendent parfois à ce que vous aimiez les oeuvres qui ressemblent à ce que vous faites. Mais ce n’est pas toujours le cas.
Daniel Arsham & SNARKITECTURE "Dig", Store Front for Art and Architecture, New York, 2011
Votre travail présente également cette particularité qu’il est toujours blanc. Une référence à la couleur de l’architecture moderne ? Disons… Il se trouve que je ne vois pas les couleurs.
Vraiment ! Aucune ? Ma vision est très limitée. Les gens normaux distinguent des millions de variétés de teintes. Alors que pour moi, vert ou rouge c’est exactement la même chose. Mais je gère ça très bien.
Vous êtes artiste mais vous avez également dirigé un espace d’exposition d’art contemporain à Miami. The House, mais c’était il y a très longtemps, environ dix ans. C’est là que j’ai rencontré Emmanuel Perrotin qui visitait alors Miami. Il a vu les travaux exposés. Il m’a ensuite invité ainsi que quelques autres artistes à monter une expo à Paris. Il a été mon premier galeriste.
Du coup, vous avez arrêté de montrer les travaux des autres ? Par la force des choses. Il y a eu un gigantesque boom immobilier à Miami. Le bâtiment où se trouvait The House a été acheté par des promoteurs qui l’ont détruit pour construire un building.
Et puis vous avez aussi travaillé pour la compagnie de danse de Merce Cunningham. C’est arrivé très simplement : Merce a vu mon travail à Miami et il a pensé que cela m’intéresserait de travailler avec lui. Cétait en effet passionnant parce que complètement différent de ce que j’avais l’habitude de faire. D’une certaine manière, une scénagrophie se situe à l’exact l’opposé de l’architecture en ce qu’elle est, par définition, un objet éphémère. J’ai travai-llé avec Merce jusqu’à sa mort, il y a deux ans. A partir de là, j’ai commencé à collaborer avec d’autres compagnies comme celle de Robert Wilson ainsi qu’avec un jeune chorégraphe, Jonah Bokaer, ancien danseur dans la compagnie de Merce.
Vous avez étudié l’art à la Cooper Union de New-York. Pourtant, vous êtes retourné à Miami qui ne possède pas, à proprement parler, une immense scène artistique. Miami est la ville où j’ai grandi même si je suis né à Cleveland dans l’Ohio. Bien sûr, j’aurais pu rester à New York mais la concurrence y est très forte. De la même manière que si j’étais Européen, je n’irai jamais vivre à Berlin. Miami est bon marché. Pas mal de personnes vous soutiennent et encouragent l’art contemporain, comme Magali de la Cruz qui possède une énorme collection.
Dyptique, 100 exemplaires, disponibles uniquement chez Perrier-Jouët à Epernay, prix et infos sur www.perrier-jouet.com
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