L’hélico, l’évasion à grands frissons
«On va essayer de se poser là.» Entre la lisière d’une forêt, des lignes électriques voisines et la pente, l’alpage que choisit Jean-Christophe Zufferey pour faire atterrir le Robinson R44 dont il est copropriétaire semble minuscule. Devenu pilote d’hélicoptère il y a trois ans, l’entrepreneur, qui affiche 300 heures de vol, réussit parfaitement la manœuvre. Comme le plongeon en autorotation – autrement dit en planant, car oui un hélicoptère ne tombe pas en cas de coupure de moteur – qu’il effectue quelques minutes plus tard, de même que les rotations en vol stationnaire…
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Comme d’autres passionnés, le cofondateur du fabricant de drones senseFly a été séduit à la fois par les défis techniques et les performances que permet l’hélico. «On apprend toujours quelque chose», dit-il. En écho, Mathieu Fouvy, fondateur de l’agence de communication Creatives à Vevey et pilote depuis 1993, confirme: «Ca fait vingt-cinq ans et je ne me lasse jamais.»
Piloter, c’est évidemment éprouver un grand sentiment de liberté. Contrôler directement un appareil avec le sentiment du risque entretenu par les check-lists, la météo, la navigation, les instruments… fait appel aux meilleures qualités d’un individu. A son instinct comme à sa rationalité. Et comme avec le golf, ce sont des talents que l’on perfectionne vis-à-vis de soi-même. Cela dit, voler en ligne droite pendant des heures avec un avion a un charme qui finit par s’éteindre. Machine particulièrement complexe, l’hélicoptère n’a pas ce défaut. Il n’est pas très adapté aux longues distances et ne vole qu’à 200 km/h. Mais sa versatilité entretient durablement la passion de ses pilotes.
«Les gens qui viennent nous voir pour apprendre à piloter des hélicos veulent réaliser un rêve d’enfant», confie David Vincent, instructeur à Heli-Lausanne. Mathieu Fouvy confirme: «J’ai grandi à Cully. C’est peut-être d’avoir vu les hélicos qui sulfatent les vignes, mais dès mes 6 ans j’ai rêvé d’en piloter.»
De son côté, Jean-Christophe Zufferey s’y est d’abord essayé à l’armée (pour mémoire 2000 candidats pilotes pour moins d’une dizaine pris par an en Suisse). Ayant échoué à la dernière étape, il y est revenu quand il est apparu que la poursuite de la voltige, qu’il pratiquait après avoir démarré par le planeur à 17 ans, était peu compatible avec la vie de famille. Il faut dire aussi que celui qui donnait des cours de maths pour payer son brevet d’avion à l’époque à Sion a acquis d’autres moyens, une fois devenu entrepreneur.
30'000 francs pour le brevet
Même pour qui a une expérience aéronautique, le brevet de pilote d’hélicoptère demande un fort engagement personnel. D’abord, la facture est de 30'000 francs minimum. «Il faut au minimum 45 heures de vol», précise Axel de Preux, instructeur à Bex (VD). Les heures de pilotage sur avion peuvent compter, mais au maximum pour 6 heures. «A cela s’ajoute de réussir les examens théoriques dans 9 branches comme la météo, la navigation, les connaissances techniques…»
Est-ce à la portée de n’importe qui? Oui, affirment David Vincent et Axel de Preux. Le second précise: «Il faut une certaine qualité de coordination en plus du physique et de l’intellect. Mais le bon pilote est avant tout celui qui sait apprendre de ses erreurs, sinon il refait toujours les mêmes.»
«Il faut sentir la machine, prévoir des plans B… En vol basse altitude, il faut faire attention à tout. C’est le côté sportif du pilotage», poursuit, enthousiaste, Jean-Christophe Zufferey. Et parce que ce sont des appareils qui peuvent atterrir hors des aéroports, les hélicoptères sont plus facilement utilisables pour des voyages professionnels ou familiaux.
Après, c’est beaucoup de plaisir. «A commencer par celui de partager et de faire découvrir des endroits autrement inaccessibles», confie Jean-Christophe Zufferey. Lui atterrit parfois à côté du chalet de ses parents pour une visite en famille. Mathieu Fouvy emmène ses enfants camper dans les Alpes. C’est que contrairement à l’Allemagne où les hélicos privés n’ont droit qu’aux helipads, la Suisse est plus permissive.
«En dessous de 1100 mètres, on peut atterrir dans le terrain en suivant certaines règles: il faut que ce soit hors des zones protégées, à plus de 100 mètres des établissements publics, en dehors de la pause de midi et seulement les jours ouvrés», précise David Vincent. «En montagne – le graal des pilotes d’hélico –, c’est plus restrictif avec une quarantaine de places d’atterrissage en altitude», ajoute Jean-Christophe Zufferey.
Naturellement, chaque vol a un coût. A la location, l’heure de vol oscille entre 400 francs pour un petit biplace et 1200 francs pour un appareil à turbine. Mathieu Fouvy, qui est défrayé pour environ la moitié de ses vols, estime que sa passion lui revient à 1000 francs par mois pour deux ou trois vols indispensables pour maintenir son niveau.
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