Horlogerie : la fin de la lune de miel chinoise ?
Après un début d'année euphorique et des excellents chiffres en provenance d'Asie, les horlogers suisses sont devenus les cancres du secteur du luxe européen en cette fin d'année. Comment en est-on arrivé là?

En début d’année, la Chine était devenu le second marché d’exportation pour l’horlogerie suisse, juste après l’indétrônable Hong Kong. Avec ses 44,3% de progression (176,8 millions de francs), la Chine s’était hissée devant les Etats-Unis (163,1 millions, – 1,9%), d’après les chiffres communiqués par la Fédération horlogère (FH).
Ces résultats pour l’année 2017 étaient alors un véritable « ouf » de soulagement, synonyme de reprise après plusieurs années difficiles pour le secteur. On ne peut pas encore tirer de bilan de 2018 mais certaines tendances – et déconvenues – peuvent déjà être interprétées.
Très forte dominance de l’Asie
Tout d’abord, le premier semestre a confirmé la trajectoire positive de 2017. « Les bons résultats affichés tout au long des six premiers mois de l’année ont permis aux exportations horlogères suisses de franchir la barre des 10 milliards de francs à la fin du premier semestre, ce qui n’avait plus été le cas depuis 2015 », rappelait la FH au début de l’été. Là encore, Hong Kong et la Chine étaient les stars du compte rendu de la FH : «l’Asie a pratiquement monopolisé la croissance au cours du premier semestre, en générant près de 90% de la hausse des exportations horlogères suisses au niveau mondial».
Fort de cette embellie, certaines marques ont fait leur entrée sur le marché de la Chine continentale en grande pompe. A l’image de Breitling à la fin du mois de novembre , qui a ouvert une grande boutique à Beijing et même entamé un partenariat avec le géant de la distribution en ligne Alibaba.
Alerte au troisième trimestre
L’enthousiasme a toutefois été bien entamé au troisième trimestre. Si les exportations totales de la Suisse ont fléchit, la plus forte baisse a concerné les exportations horlogères (-5,2%), qui ont accusé leur premier revers depuis janvier 2017.
Certains observateurs et analystes ont commencé à se montrer de plus en plus critiques envers un secteur horloger pas si en forme qu’il n’y paraît. Dans un post de blog paru le 20 novembre, Xavier Comtesse estime que même si les statistiques de la FH montrent des résultats globaux optimistes en valeur, cela ne concerne pas les volumes, car le nombre de pièces exportées a diminué de 9,8% en une année (octobre 2017/18). Une tendance à la baisse persistante puisqu’en 2012 la Suisse produisait plus de 29 millions de montres pour moins de 24 millions aujourd’hui. Pour Xavier Comtesse : «les analystes sont formels : la montre suisse se vend moins bien».
UBS passe à la vente
Certains analystes justement ont commencé à émettre de sérieux bémols ces dernières semaines. Selon une analyse de la banque UBS parue fin novembre, « la détérioration des exportations horlogères suisses est vouée à continuer ». Symbole et victime de cette analyse : le groupe Swatch . D’une recommandation « neutre », le conseil sur l'action du groupe est passé à la « vente » et l'objectif de cours à 12 mois a dégringolé de 450 à 272 francs suisses, soit une baisse de 40%.
L'analyste Helen Brand disait alors s’attendre à un « ralentissement durable, sous-estimé par le marché ». UBS soulignait que les indicateurs de demande de montres « made in Switzlerland » ne cessent de se dégrader depuis le début du second semestre. En cause : la réduction des dépenses des Chinois en dehors de Chine continentale, résultat des tensions commerciales, mais aussi du ralentissement économique dans ce grand pays émergent et enfin de la baisse du yuan.
D’autres banques, comme Royal Bank of Canada (RBC) ont également revu à la baisse leurs attentes pour l'action du groupe Swatch. Pour René Weber, analyse chez Vontobel , le second semestre est clairement en retrait pour les horlogers suisses par rapport au reste du secteur du luxe en Chine et en Asie, d’après une interview de CNN Money Switzerland . Et même si les fêtes de fin d’années approchent, qui sont traditionnellement un bon trimestre pour ces entreprises, René Werber ne s’attendait pas à un renversement de tendance.
L’horlogerie, lanterne rouge du luxe en Chine
Les analystes de la banque Morgan Stanley ont également abaissé d’un cran leur recommandation sur Swatch au milieu de mois de décembre, mais aussi sur le groupe Richemont, sans pour autant passer à la vente. Les cours des actions de deux groupes de luxe sont en chute libre depuis l’été.
La banque américaine a publié dans le même temps un rapport sur les entreprises européennes du secteur du luxe face au défi chinois ( How to Play a China Soft Landing ). Pour les analystes, nous sommes en pleine « normalisation » des dépenses de consommation des Chinois, passant d’un rythme à deux chiffres en moyenne depuis le début des années 2010 à une croissance annuelle plutôt comprise entre 5% et 9% (« high-single digits »).
Pour les analystes, l’horlogerie est particulièrement mal positionnée. Alors que ces dernières années des groupes comme LVMH, Kering, Hermès ou Moncler ont connu des taux de croissance des ventes à deux chiffres, Swatch et Richemont étaient en dessous de 5%. Pour 2018, malgré une croissance attendue de l’ordre de 6-7% pour les deux groupes suisses, ce sera environ deux fois moins que la moyenne du secteur du luxe, qui est attendue à plus de 12%.
Millennials et féminisation
Plusieurs facteurs expliquent pour eux ce ralentissement de l’horlogerie, comme la montée en puissance des jeunes générations en Chine. Les millennials comptent pour une grande part dans les dépenses de consommation de luxe. « Le groupe Kering nous a indiqué que la croissance de la marque Gucci était clairement portée par les millennials, qui représentent 70% des ventes ». Du côté d’Hermès, seulement 3% des acheteurs en Chine continentale sont âgés de plus de 50 ans.
Autre phénomène : la féminisation des consommateurs chinois du luxe, alors que les dépenses dans ce secteur étaient traditionnellement dominées par les hommes. Ces deux tendances vont avoir influence croissante sur les grandes maisons du luxe et sont pour l’heure sous-estimés d’après les analystes de Morgan Stanley. Dans ce contexte changeant, la banque voit l’horlogerie comme le plus grand perdant du secteur du luxe. « Avec une exposition à une clientèle vieillissante, un faible niveau de communication sur la mode et peu de dynamisme, le segment de l'horlogerie semble le moins bien placé pour profiter du nouvel environnement de consommation du luxe chinois ».
L’avenir dira si les horlogers suisses parviennent à naviguer dans ce nouvel environnement. Il vaudrait mieux : Swtach est l’entreprise de luxe européenne la plus exposée avec 50 % de ses ventes réalisées auprès de Chinois.
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