Hauser & Wirth, le couple le plus puissant du marché de l’art
De petit galeriste d’Oberuzwil (SG) à la deuxième plus importante galerie d’art internationale : l’incroyable ascension de Manuela et d’Iwan Wirth. Par Mark van Huisseling
Un soir de 1986, le rêve d’un adolescent de 16 ans devint réalité : la galerie b & w ouvrait ses portes au public dans un immeuble locatif de la petite bourgade saint-galloise d’Ober-uzwil. Située dans un sous-sol de 100 mètres carrés, elle affichait des heures d’ouvertures bizarres – mercredi après-midi et samedi, quand il n’y avait pas école – et abritait la première exposition des œuvres du peintre Bruno Gasser.
Le nom de cet espace provenait d’une alliance que le jeune Iwan Wirth (w) avait conclue avec un promoteur immobilier (b). Il réalise rapidement que cette association n’est pas forcément une aubaine. Ce qu’il faudrait plutôt, c’est collaborer avec des artistes et des collectionneurs. Mais où cet adolescent allait-il les dénicher ? C’est l’histoire du succès d’une entreprise qui se nomme
désormais Hauser & Wirth.
La rencontre avec Ursula Hauser

Hauser, c’est Ursula, héritière, avec son frère Walter, de la chaîne d’électroménager Fust. Lorsqu’Iwan Wirth fait sa connaissance, celle-ci exploite une galerie à Flawil (SG) après avoir vendu l’entreprise familiale. Elle lui demande de lui constituer une collection d’art. Ils s’associent.
Iwan Wirth enchaîne alors les conseils et curations. Il accompagne notamment le collectionneur Christian Friedrich Flick (« Mick » pour les intimes), héritier de l’empire allemand du même nom, actif dans l’armement durant la Seconde Guerre mondiale. Vers la fin des années 1990, ce dernier aurait régulièrement acquis des œuvres d’art chez Wirth, parfois à des prix dépassant le million de francs. En ce temps-là, la galerie d’Iwan Wirth avait déménagé d’Oberuzwil à Zurich.
En 1996, Iwan Wirth épouse Manuela Hauser, la fille d’Ursula. Le couple, aujourd’hui associé, aura quatre enfants. La galerie s’internationalise, l’entreprise devient commerciale mais aussi familiale. Dans leurs différents projets, les marchands suisses associent l’art à l’architecture, à l’éducation et à la nature. Philanthropes dans l’âme, ils tiennent également à offrir un support aux jeunes artistes.

De Pipilotti Rist à Jean Arp
Depuis une vingtaine d’années, la galerie représente un grand nombre d’artistes tels que Louise Bourgeois, Annie Leibovitz, Jean Arp ou encore Pipilotti Rist. En juin dernier, elle a exposé 87 artistes vivants (dont Rita Ackermann et Jakub Julian Ziolkowski) ou décédés (Jean Arp, Jack Whitten), dont les ayants-droit sont gérés par les « estates » comme disent les Américains.
Hauser & Wirth détient aujourd’hui 11 galeries réparties entre les Etats-Unis, Londres, Hongkong, Minorque et la Suisse (Saint-Moritz, Zurich et Gstaad). Le couple suisse, qu’« Art Review » a placé en 2016 parmi les personnalités les plus influentes du monde de l’art, a également ouvert en 2014 un centre artistique à Somerset, en Angleterre, afin d’accueillir des artistes en résidence et de soutenir les écoles locales. Une maison d’hôtes et un restaurant locavore complètent les superbes espaces d’exposition qui ont même attiré la reine Elizabeth II l’an dernier. Hauser & Wirth entend encore se développer, la crise du Covid-19 ayant repoussé une prochaine ouverture à l’an prochain. A ce rythme, Iwan Wirth pourrait bien, un jour, voler la vedette au galeriste et marchand d’art qui reste le plus vendeur du monde, l’Américain Larry Gagosian, 75 ans.
