Boudoir: Bernhard Gademann
Une certaine idée de l’éducation

Dans le monde très sélect des écoles privées internationales, le nom de Gademann est indissociable de l’Institut auf dem Rosenberg, perché au sommet de la colline qui surplombe Saint-Gall. Fondée en 1889, l’école a été acquise en 1930 par Otto Gademann, l’arrière-grand-père de Bernhard Gademann qui préside l’institution depuis 2009. Membre du conseil d’administration dès 2004, il a repris la présidence de l’établissement renommé suite au décès inattendu et prématuré de son père. A 32 ans, ce diplômé de l’European Business School de Londres n’a rien du patron austère que l’on imaginerait à la tête d’un internat. C’est au contraire un personnage ouvert et souriant, qui a accumulé les expériences professionnelles à Genève, Londres et New York, avant de reprendre l’entreprise familiale. En parcourant l’Institut auf dem Rosenberg, le visiteur ne s’étonnerait guère de croiser Harry Potter et ses acolytes dans les allées des jardins. Les garçons arborent cravates et complets. Les filles portent le blazer marqué de l’écusson de l’école. Les élèves ont le choix entre des cursus de six nationalités différentes. Dans les bâtiments cossus, certains meubles ont la patine de plus d’un siècle d’histoire. Les quelque 260 pensionnaires prennent les repas dans un réfectoire lumineux du plus pur Jungendstil viennois. Pas de self-service. Nous sommes dans l’un des derniers internats où les élèves sont toujours servis à table par le personnel.
D’où viennent les élèves de l’Institut auf dem Rosenberg ? Nos pensionnaires sont d’une quarantaine de nationalités. Les Suisses, Allemands, Italiens et autres Européens représentent un tiers des pensionnaires. Quarante pour-cent, soit le plus grand groupe, sont formés par les Russes et les ressortissants de l’ex-Union et bloc soviétiques. Les 30% restants proviennent des pays arabes et du Moyen-Orient, ainsi que de l’Asie et du Japon.
Pourquoi ces élèves grandissent-ils dans un internat en Suisse ? Une raison des raisons primordiales est la sécurité. Nombre de ces enfants proviennent de familles célèbres. Ils sont issus de milieux aisés, où l’on redoute les enlèvements. Les parents vivent sous la protection de gardes du corps. Leurs enfants feraient l’objet des mêmes précautions s’ils vivaient avec eux alors qu’ils évoluent ici dans le plus parfait anonymat. Il y a aussi les raisons pratiques. Nos jeunes sont fils et filles de businessmen qui voyagent tout le temps. L’institut leur offre un cadre de vie discret et stable. L’Institut auf dem Rosenberg a dû accueillir beaucoup de personnages illustres… Certes, mais nous ne divulguons aucun nom, excepté celui du Prix Nobel de chimie 1995, Mario Molina, qui nous a expressément autorisé à le faire. Notre école est connue pour sa politique de discrétion absolue. Un critère très important pour notre clientèle.
A combien s’élève le prix d’une année scolaire ? L’écolage annuel est de 75 000 francs. Avec les extras, comme le sport et les excursions, la somme monte à 100 000 francs.
La devise de l’établissement est : «Le but de toute éducation est d’apprendre à vivre». Qu’entendez-vous par là ? Pour nous, les compétences sociales de nos étudiants sont aussi importantes que le parcours académique. Nous voulons inculquer à nos élèves le sens des responsabilités et de la discipline. Des valeurs comme la ponctualité, la politesse et le savoir-vivre en communauté. Nous voulons leur faire développer un caractère d’entrepreneur car c’est la voie qui attend la plupart de nos pensionnaires.
Une des règles de l’institut est que garçons et filles doivent se tenir à une distance d’un mètre au minimum, afin d’éviter les démonstrations affectives entre jeunes amoureux. Le règlement est-il très strict ? L’alcool est interdit aux moins de 18 ans. Les plus jeunes ne quittent l’établissement qu’avec un accompagnant. Les plus âgés s’annoncent avant de sortir et doivent se déplacer en groupe. Les internes ne sont pas autorisés à sortir le soir. L’institut organise de nombreuses activités, pour occuper leur temps libre. Le personnel d’encadrement connaît l’emploi du temps des élèves et s’aperçoit immédiatement d’une absence. Le soir, l’extinction des feux est fixée à 21h45.
Même pour des jeunes de 16 ans et plus ? Oui. Bien sûr, ils sont à un âge où on a envie de sortir et de s’amuser. Des activités auxquelles ils peuvent se livrer comme bon leur semble lorsqu’ils sont en vacances ou avec leur famille. Mais ils n’en ont pas la possibilité chez nous. C’est une des conditions de la confiance que nous octroient leurs parents. En outre, comme ils se couchent à des heures raisonnables, ils sont en forme dès le matin pour les excursions du week-end (rires).
Un des piliers de la tradition de l’institut est le Rosenberg Ball. De quoi s’agit-il ? C’est une soirée de gala exclusive pour les parents et les anciens élèves. L’événement a lieu à la fin novembre. Les élèves donnent un spectacle avec costumes et acrobaties après avoir été entraînés par des professionnels dans une ambiance très mondaine.
Vous étiez récemment en Chine pour faire la promotion de votre institut. Quels sont les arguments qui parlent aux Chinois ? En Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, vous avez 70% d’élèves qui proviennent du pays hôte, tandis que nous veillons à avoir un mélange équilibré de nationalités. Les Chinois sont sensibles à cela. Souvent – et c’est valable pour la plupart des pays émergents – la clientèle potentielle ignore que nous préparons à des diplômes internationaux et pas seulement à la maturité suisse. Le nombre de nos élèves chinois doit augmenter ces prochaines années en fonction de l’élargissement de la population accédant à des revenus supérieurs.
Avez-vous étudié au sein de l’institut familial ? Oui. L’établissement avait comme principe que le fils du président était traité comme n’importe quel autre élève, sans aucun égard particulier. J’ai été dénoncé une fois en compagnie de deux camarades par le professeur de biologie. Sa sanction pour nous trois a certainement été plus lourde qu’elle ne l’aurait été pour d’autres.
Votre femme est Polonaise. Comment l’avez-vous rencontrée ? Elle a étudié à l’Institut Rosenberg ! (Rires.) J’étais au départ un ami de son frère qui était dans la même classe que moi.
Vous êtes un représentant de la quatrième génération de la famille Gademann. Vos enfants doivent-ils reprendre le flambeau ? (Rires.) Mon fils a un peu plus d’une année. C’est un peu tôt pour y penser. Je pars de l’idée de laisser toute latitude à mes enfants pour le choix d’une carrière.
De votre poste d’observation, comment avez-vous vu évoluer la société sur ces vingt dernières années ? Les enfants d’aujourd’hui sont plus choyés qu’il y a vingt ans. Les gens deviennent aujourd’hui parents plus tard. Et ils ont moins d’enfants. En conséquence, ils leur portent une plus grande attention et les gâtent davantage. Leurs attentes se révèlent aussi beaucoup plus élevées. Pour les jeunes, cela représente une grande pression. Dans de grandes familles, il n’est pas facile de se construire une personnalité en tant que « fils ou fille de… ». Lorsqu’ils vivent ici incognito, les jeunes sont reconnus pour eux-mêmes, face à des camarades de même condition sociale. Une expérience très formatrice au seuil de l’adolescence.
Aujourd’hui, quel est le plus gros défi en termes d’éducation ? Sans aucune hésitation, la communication et les médias électroniques. Les élèves sont autorisés à utiliser leur téléphone portable et à envoyer des mails seulement en fin de journée. Faire respecter cette règle nous demande des efforts constants. Nous voulons leur faire comprendre la différence entre les relations directes et les échanges sur Internet. Ils doivent réaliser que ce qu’ils voient sur Facebook n’est pas la réalité.
Crédit photo: Dr
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