Absinthe, un parfum de bohème
Une boisson suisse au passé tumultueux dont les producteurs jouent résolument la carte de la discrétion. La fée verte est un alcool à l’arôme très frais et pourtant centenaire. Rencontre avec Pierre-André Delachaux qui nous en dévoile quelques facettes.

Tout le monde connaît son nom mais beaucoup ignorent sa longue et mystérieuse histoire. Fruit de la fierté helvétique, la « fée verte » naît dans la Val de Travers, précisément à Couvet, où l’on a retracé la première distillerie de Henri-Louis Pernod (1797), qui sera à l’origine de l’empire Pernod-Ricard. Le lien entre cette boisson et son berceau géographique est si étroit qu’elle prend aussi le nom de « lait du Jura ». Grandi au milieu de cette tradition et de ses légendes, Pierre-André Delachaux, professeur d’histoire ainsi que co-fondateur et président de l’exposition Môtiers art en plein air, est l’une des hautes autorités en matière d’absinthe. A travers une riche bibliographie, il a décortiqué la coïncidence des éléments qui ont créé le mythe de l’absinthe. Né comme médicament pour soigner le paludisme, il devient l’apéritif à la mode pendant tout le 19ème et reçoit ses lettres de noblesse grâce à Toulouse Lautrec, Degas, Van Gogh et Picasso qui la consomment tout autant qu’ils la représentent. Boisson des artistes ? Oui, mais Delachaux précise que « l’absinthe ne crée pas le génie, elle l’accompagne ».
Au début du XXe siècle, c’est la rançon du succès et l’absinthe sera considérée par certains comme la principale cause d’alcoolisme chez les ouvriers. Elle sera finalement interdite en Suisse, puis partout en Europe, mais sa distillation et sa consommation continueront en cachette. Il faudra attendre 2005 pour qu’elle retrouve sa légitimité. Cette période de prohibition sera le décor de nombreuses histoires rocambolesques qui se racontent, un éclat dans les yeux, autour d’un verre et rajoutent au mythe de cette boisson non-ordinaire. Un voyage dans le Val-de-Travers est le meilleur moyen de trouver l’absinthe qui vous convient en visitant quelques unes des nonante distilleries artisanales ou plus industrielles du pays. Avec un titrage en alcool qui varie entre 53° et 77°, il est évidemment conseillé d’être modéré. Voici quelques unes des productions à dénicher sur place : Celle à Guilloud, la Guilloutine, la Môtisanne, la Clandestine, la Valotte, la Petite Fée, la Nouvelle Fée Verte, la 2112, la Tradition… Mais en dehors de ces jolis noms que faut-il retenir de ce breuvage ? Gravée dans l’imaginaire collectif reste l’image du rituel qui d’antan en accompagnait la consommation. A l’aide d’une fontaine à absinthe, on faisait couler un mince filet d’eau au-dessus d’un morceau de sucre posé sur une cuillère percée. Le sucre cachait la forte amertume de certaines productions. « Aujourd’hui, utiliser cette cuillère relève presque de la démonstration pour touristes » nous confie Pierre-André Delachaux tout en précisant que la cérémonie se perpétue, mais sans artifices. Il faut tout simplement verser lentement l’eau sur l’absinthe et observer comment la « bleue » se trouble, puis humer le bouquet complet et harmonieux des dix plantes qui la composent et lui confèrent maintes propriétés : tonifiante et stimulante grâce à la grande et petite absinthe, digestive avec le fenouil et l’anis.
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