La Lex Weber ne touche pas l'immobilier de prestige
La grande peur dans la montagne a accouché d’une souris. Les défis à relever dans le secteur de la construction de chalets sont bien plus diffus.
La Lex Weber pourrait signifier la fin de la construction dans les Alpes suisses. Schématisé à l’extrême, c’est tout l’enjeu économique qui entourait l’initiative lancée par Franz Weber et acceptée par le peuple le 12 mars 2012 . Le texte, perçu comme une menace par les milieux de la construction et du tourisme, exige en effet que le nombre de résidences secondaires ne dépasse pas 20% des logements totaux d’une commune.
Dans des cantons touristiques comme le Valais, cette proportion de 20% est souvent largement dépassée. L’obligation de vendre les nouveaux biens comme des résidences principales paraissait donc devoir plomber le marché. «C’est sans doute le cas des biens compris entre 1 et 1,5 million qui ont dû réviser leurs prix», commente François Clausen, propriétaire de Tradition Chalet et actif sur le Haut-Plateau.
«Mais avec le recul il faut bien se rendre à l’évidence que la construction de prestige n’a quant à elle pas été durablement touchée par la Lex Weber, souligne-t-il. Nos clients sont en priorité des Européens, principalement des Français, qui viennent s’établir au forfait en Suisse. Ils sont donc à la recherche d’une résidence principale avant tout.»
Par ailleurs, selon Michel Martin, associé du bureau Architecture & Engineering Martin et Michellod , à Verbier, «la loi d’application sera sans nul doute souple, de peur de voir surgir une initiative allant dans le sens opposé. Au final, l’impact sera plus faible que ce que nous avons craint au départ.»
Ce constat est partagé par Georges Kiener, directeur de la filiale suisse de Barnes International , un courtier très actif dans les biens de haut standing: «Le marché est certes un peu plus mou depuis quelques années, mais nous sommes moins limités par la loi que nous le pensions.» Affichée à près de 6 millions, la dernière réalisation de Barnes à Crans-Montana a pris le relais d’un chalet comparable acquis «par un Français au bénéfice d’un forfait fiscal. Nos constructions sont désormais taillées sur mesure pour ce genre de clientèle.»
Le marché est toutefois moins large qu’avant 2012. «Un Genevois ou un Fribourgeois ne peuvent plus acquérir ce genre de bien pour en faire une destination de vacances, précise Georges Kiener. Cela limite les possibilités, la montagne étant par essence moins propice à établir la résidence principale d’un Suisse. Mais il n’y a pas de raison d’être pessimiste, même si le marché n’est pas au beau fixe.»
Multiples menaces
«Il y a quatre ans, la demande était effectivement plus forte, confirme François Clausen. Pour un bien affiché à 10 millions de francs, nous avions deux visites par mois environ. Aujourd’hui, c’est plutôt deux visites par an.» Pour l’administrateur de Tradition Chalet, l’explication n’est toutefois pas à chercher dans la Lex Weber: «Les acheteurs potentiels ont été refroidis par les votations sur l’abolition du forfait fiscal et l’impôt sur les successions. Même si les deux objets ont été rejetés, ça a jeté le doute sur la pérennité de la stabilité juridique suisse.»
Si elle a été acceptée par le peuple, l’initiative Contre l’immigration de masse «n’a pas aidé à dynamiser le marché, c’est le moins que l’on puisse dire», ajoute Michel Martin. Pour le Verbiérain, dont un projet de chalet valorisé à 10 millions de francs est en attente d’autorisation, «la baisse de la livre sterling de 4 francs à 1 fr. 50 pèse fortement sur le marché».
En outre, la clientèle anglaise, fidèle parmi les fidèles de Verbier, a vu ses moyens se réduire. «Nombre d’entre eux sont traders à la Bourse de Londres. Quand ils n’ont pas vu leur emploi disparaître, c’est leur bonus de 2 millions à la fin de l’année qui s’est évaporé. Ceux-là souffrent et essaient plutôt de vendre que d’acheter un nouveau bien.»
Résumant la situation dans la station bagnarde, Michel Martin jette: «Avant, il n’y avait pas de prix. Si un imbécile achetait 10 millions un chalet qui n’en valait que 5, il faisait monter la valeur de tous les chalets alentour. Aujourd’hui, si vous n’êtes pas au prix du marché, vous ne vendez pas.» Actif depuis trente-cinq ans, le Verbiérain est toutefois loin d’être pessimiste: «Il s’agit d’une courbe sinusoïdale, les plus hauts et les plus bas se succèdent, il suffit d’être patient.»
Enfin, pour tous les acteurs du marché, le durcissement de l’exit tax par le Gouvernement français ces deux dernières années a joué un rôle dans la crispation des ventes. Ce mécanisme destiné à freiner les délocalisations fiscales est en effet défavorable à l’établissement en Suisse plutôt que dans un pays membre de l’Union européenne.
L’enjeu de la LAT
Mais pour François Clausen, la plus grande menace qui plane sur les réalisations immobilières de prestige en montagne est la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT). Adopté pour lutter contre le mitage du territoire, le texte réduit l’étendue des zones à bâtir. «A Crans-Montana, l’application de la LAT supprimera jusqu’à 85% des terrains encore constructibles», juge ainsi François Clausen.
C’est que le Haut-Plateau bénéficie de larges réserves de terrains constructibles. A Verbier, en revanche, estime Michel Martin, «nous ne serons que peu touchés car il ne reste que quelques possibilités au fond de la vallée». Selon les calculs de la Confédération, le canton du Valais dispose d’environ 19% de zones à bâtir excédentaires en regard des besoins pour les quinze prochaines années. Mais la situation varie beaucoup d’une commune à l’autre. Les réserves se trouvent toutefois plus particulièrement dans les communes rurales et à caractère touristique.
A l’Etat du Valais, on estime à 3330 ha les réserves constructibles du canton, dont un tiers répondent aux besoins de ces quinze prochaines années. Les chiffres commune par commune ne seront connus qu’au printemps prochain mais «les stations, comme Verbier ou Zermatt, qui se sont largement développées ces dernières années sont atypiques et n’ont quasiment plus de réserves», affirme Damian Jerjen, chef du Service du développement territorial.
Toutefois, surplus ne veut pas forcément dire dézonage. «Avec notre approche, les parcelles situées à l’intérieur du périmètre d’urbanisation mais ne répondant pas directement aux besoins de ces quinze prochaines années resteront à terme constructibles», modère Damian Jerjen.
Un marché redéfini
Au final, personne ne voit les prix baisser à moyen terme dans le secteur. Pour l’ensemble de la profession, les taux d’intérêt comme l’immobilisation du capital n’ont que peu de poids dans le très haut de gamme. «Seul un changement fort de taxation des biens pourrait constituer un danger pour ce type de propriétaires», craint Michel Martin.
En revanche, au vu de la raréfaction organisée des terrains à bâtir, la construction de nouveaux chalets de très haut de gamme appartiendra bientôt au passé dans les Alpes suisses. Le marché se déplacera alors rapidement vers les rénovations de prestige et les démolitions-reconstructions. Le prix des biens existants de qualité ou de grande surface pourrait dès lors prendre l’ascenseur.
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