Où est stocké l'or de la Suisse?
Où est le Fort Knox suisse? Les montagnes suisses abritent-elles un abri souterrain avec des galeries parsemées de portes blindées cachant des empilements de lingots d'or et de pièces? A quelques jours de la votation sur les réserves d'or de la Suisse, il est intéressant de se pencher sur les lieux où les autorités helvétiques entreposent leurs stocks de métal précieux.
Car, même si la votation de dimanche porte sur la détention de l'or au sens de la propriété du métal précieux, le rôle clef de cette valeur aux yeux des initiants de la votation pourrait à terme pousser ses partisans à prôner le rapatriement de ces stocks vers le territoire suisse. Dès que l'initiative a été lancée, en 2012, les responsables de la BNS ont tenu à préciser de nombreux éléments de la politique en matière d'or, dont les ventes au cours des années écoulées, mais pas le détail des endroits où l'or est stocké.
«Moi et deux de mes collègues savons où les dépôts se situent, mais la politique de la BNS est de de rien en dire», affirmait ainsi Philipp Hildebrand, patron de la BNS, en 2011. Un secret qui va jusqu'aux plus hauts niveaux politiques suisses: en 2003, Kaspar Villiger, alors conseiller fédéral, expliquait ainsi: «Je ne peux malheureusement pas vous dire où les lingots d'or sont stockés, parce que je ne le sais moi-même pas, que je ne dois pas le savoir et ne veux pas le savoir».
Un stock sans doute à New York
Face aux demandes de certains élus (notamment l'UDC Lukas Reimann), qui souhaite le rapatriement en Suisse des réserves de métal précieux, certains estimaient ainsi que la majeure partie des stocks (finalement 30% selon la BNS) étaient entreposés à l'étranger. Mais à ce souhait récurrent, les responsables de la BNS affirment régulièrement avoir une totale confiance dans les partenaires qui accueillent ces dépôts.
Au niveau mondial, les réserves d'or des banques centrales sont rarement stockées dans les coffres des institutions qui les détiennent. Certaines réserves nationales ou fédérales détiennent des stocks importants pour le compte d'autres états. Ainsi, si l'or américain est entreposé dans les sous-sols du United States Bullion Depository à Fort Knox, dans le Kentucky, le bâtiment de la réserve fédérale américaine à New York abrite des dépôts de plusieurs banques nationales étrangères.
Sur les 1040 tonnes d'or de la BNS, il est donc probable qu'une partie ait été stockée à New York, une autre sans doute à Francfort, une autre encore à Paris, voire à Londres. Cette répartition aurait rejoint celle de la Bundesbank allemande qui stocke son métal jaune dans ces différents endroits. Et correspondrait aux critères énoncés par le Conseil fédéral: «des pays présentant une grande stabilité politique et économique».
Voici quelques semaines, un communiqué de la BNS indiquait que 20% de l'or suisse est stocké au Royaume-Uni et 10% au Canada, et précisait que les Etats-Unis n'accueillent plus de métal précieux suisse. Ce qui n'a pas fait retomber la polémique sur la dissémination, ni les suppositions sur d'autres stocks mineurs dans d'autres pays, au gré des achats ou des ventes éventuels.
Mais pourquoi «disséminer» ainsi son or? Plusieurs raisons expliquent cette stratégie. La première est une mesure élémentaire de prudence géostratégique. En cas de conflit armé menant à une prise de contrôle du territoire suisse par une puissance étrangère, l'or suisse serait à l'abri dans les coffres des traditionnels alliés du pays, ou du moins une importante partie si l'envahisseur venait à s'emparer d'autres pays européens.
Les raisons du secret
Autre atout de cette répartition des stocks: la facilitation des échanges et achats/ventes d'or. Ainsi, si une banque nationale venait à vendre une partie de ses lingots à une autre banque nationale, l'importance des stocks dans certaines places centrales (New York, Londres, Francfort, Paris) faciliterait et sécuriserait ces transferts: il est plus simple de transporter quelques dizaines ou centaines de lingots d'une pièce à une autre dans les caves de la Fed à New York ou de Bank of England à Londres que d'organiser un transfert entre Berne et Londres, qui nécessiterait des mesures extrêmement coûteuses en matière de sécurité notamment.
Et le secret qui distingue la politique de la BNS de celles de plusieurs autres banques centrales majeures? Elle relève notamment d'une volonté de ne pas perturber le marché. Fin 2011, le conseiller national Lega Quadri Lorenzo questionnait les autorités sur un rapatriement des réserves en Suisse. Le Conseil fédéral répondait quelques jours plus tard que «premièrement, la mention des sites impliquerait une information constante sur les modifications liées à l'examen périodique de la situation par la BNS. Tout renseignement relatif à un retrait d'or dans un pays précis attirerait l'attention sur la scène internationale et pourrait déstabiliser les marchés financiers».
Tout juste avait-on alors la confirmation que, «actuellement la majeure partie des réserves d'or est conservée en Suisse». Sans préciser davantage. Alors, où dorment les lingots helvétiques? Dans les caves de la BNS de la Berne fédérale? Dans des coffres situés dans d'autres villes importantes comme Genève ou Zurich? Dans des galeries ultra-protégées et militarisées des vallées alpines les plus reculées? Le secret bancaire est en train de disparaître en Suisse mais le secret de l'or tient bon.
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