Le vin est-il un bon investissement?
Investir dans de grands crus peut être intéressant si l’on prend garde à la valorisation du fonds, à sa liquidité et à son allocation d’actifs. Explications.
Le marché est opaque, peu liquide, peu volatil et peu efficient. Pourtant, investir dans le vin n’est pas inintéressant, notamment à moyen et long terme.
Cela permet, premièrement, de diversifier son portefeuille, d’autant plus que le marché du vin n’est que peu corrélé avec d’autres classes d’actifs. Alors que le rendement à très long terme se situe entre actions et obligations, à moyen-court terme les profits positifs dépendront des fluctuations de la demande. Cette situation a été visible dans les années 1980 avec l’arrivée marquée des Américains sur le marché du vin, puis dans les années 1990 avec les Asiatiques.
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En 2009, 2010 et 2011, le marché a connu une forte pression des Chinois mais également des spéculateurs et des investisseurs de la place londonienne qui ont fait grimper les prix des grands bordeaux. Il arrive également qu’un élément exceptionnel crée une bulle spéculative sur un vin ou un millésime. Ainsi, l’arrivée massive d’acheteurs chinois en 2009 sur les vins de Château Lafite Rothschild a fait exploser ses prix. A l’inverse, la crise de la corruption dans l’Empire du Milieu a fait baisser les prix des bordeaux. Remettre sur le marché une grosse quantité de vins rares peut encore provoquer l’effondrement des cours.
Il faut rappeler que la valorisation du marché des grands vins est soutenue par l’effet de rareté des terroirs nobles et des grands millésimes. Jean-Marie Godet, de la société de gestion Uzès Gestion, commente: «Nous avons constaté que la production s’est stabilisée depuis quelques années alors que la consommation augmente régulièrement dans le monde, ce qui rend ce marché attractif.» En effet, la consommation mondiale de vin aurait progressé d’environ 5% entre 2013 et 2017, une hausse inégalement répartie entre la Chine (+34%), les Etats-Unis (+9%), - et l’Europe (+0,14).
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Il est important de souligner que les plus grands vins forment un marché à part, qui répond plus aux critères des marchés du luxe ou de l’art. Seuls 200 domaines sont concernés, soit moins de 0,02% du volume mondial annuel, mais près de 4% en termes de valeur (environ 4 milliards d’euros annuels). La taille du marché des vins dépend du volume annuel produit et de la vitesse de consommation des millésimes précédents.
L’essentiel de ce marché est représenté par les vins français (notamment bordeaux et bourgognes), sur les 15 à 20 derniers millésimes produits (période dite liquide). A eux seuls, les bordeaux totalisent environ les deux tiers des échanges quotidiens. Les millésimes plus anciens sont peu «liquides» et plus sujets aux contrefaçons.
Due diligence sur le fonds - -
Il est possible d’investir de manière directe en achetant soi-même ou, comme pour la plupart des classes d’actifs, indirectement par le biais de fonds d’investissement spécialisés. Cette solution présente des avantages, notamment pour des investisseurs connaissant peu le marché des vins. Philippe Masset, professeur assistant en finance à l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL), venu tenir une conférence sur le sujet au GFAI (Geneva Forum for Alternative Investment), recommande cependant une certaine prudence dans le choix du fonds: «Chacun doit faire sa propre due diligence pour savoir comment celui-ci est géré. C’est important d’avoir un fonds transparent au niveau de sa valorisation, de sa liquidité et de son allocation stratégique.»
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En effet, beaucoup de véhicules d’investissement existant aujourd’hui sur ce marché utilisent encore des méthodes de valorisation assez opaques et difficilement vérifiables pour les investisseurs. La majorité des transactions (90% des ventes annuelles) transitent par les quatre voies suivantes: le marché de gré à gré entre professionnels (c’est la voie principale), le Liv-Ex, les courtiers en vin de la «place de Bordeaux» ou des autres régions et, enfin, les enchères.
L’expert insiste sur l’importance de comprendre comment les fonds sont valorisés et selon quelle méthodologie. «Le standard, aujourd’hui, est le Liv-Ex pour estimer la valeur des bouteilles. Il s’agit d’une bourse spécialisée pour le marché des grands vins créée à Londres en 1999 qui apporte de la transparence et une meilleure liquidité.»
Le deuxième critère à prendre en compte, selon Philippe Masset, est la gestion de la liquidité du fonds: «Je conseille aux investisseurs de privilégier les petites structures plutôt que les gros fonds.» Et puis, il faut connaître les conditions d’entrée et de sortie dans le fonds. «Sur une base trimestrielle, cela peut être intéressant pour l’investisseur, mais c’est aussi une source de risques considérables pour les autres personnes qui ont investi dans le fonds. Il faudrait ainsi éviter les spéculateurs qui voudraient sortir trop rapidement.»
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L’allocation d’actifs est le troisième point à observer: «Un fonds ne doit pas se contenter d’acheter en primeur des grands crus de bordeaux car tout le monde peut le faire. Il doit y avoir une vraie stratégie, une expertise, un savoir-faire sur ce marché. Il faut que l’équipe de gestion apporte une plus-value.» Rappelons que certains fonds s’adressent à des investisseurs passionnés ou à des collectionneurs qui pourront être rémunérés en caisses de vin. Idéalement, il faudrait pouvoir garder ses parts dans un fonds sur le vin au minimum entre huit et dix ans pour en tirer des bénéfices.
Stocker dans sa cave? - -
Importateur de bordeaux en Suisse et fondateur de B&S Wine, Bruno Gueuning est plus prudent. Il conseille plutôt d’investir dans un stock physique que l’on peut garder chez soi ou dans une cave louée à cet effet avec des conditions de garde optimales. «L’essentiel, c’est de s’assurer de la provenance des vins et de les conserver dans leur emballage original.» En effet, la traçabilité a une influence fondamentale en cas de revente, souligne le professionnel qui rappelle que les plus-values d’un fonds sont souvent annulées par les coûts de stockage et de logistique des bouteilles, des commissions des gestionnaires et des marges requises par les marchands (entre 10 et 20%).
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Bruno Gueuning souligne le fait que c’est souvent l’achat massif par un fonds qui provoque les plus-values sur les vins concernés mais que la revente de ces mêmes vins engendre une stagnation des prix, voire même une moins-value.
«En règle générale et dans les deux cas, (stocks physiques et fonds), l’histoire montre qu’il est très rare que l’ensemble des crus prenne de la valeur en même temps et que les mouvements de hausse interviennent par paliers. La fenêtre de revente est souvent très courte et le cours des grands millésimes plus volatil alors que les autres millésimes ont une croissance plus régulière.» Quoi qu’il en soit, l’avantage de stocker son vin chez soi est d’au moins pouvoir le déguster si l’envie vous en prend.
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