Le prince Charles, contribuable pas comme les autres
Et les parlementaires ont eu droit à quelques surprises. S'il a en effet évolué, surtout depuis deux décennies, au gré des crises de la monarchie britannique et des difficultés financières du gouvernement anglais, le statut fiscal des membres de la famille royale recèle quelques pépites.
La source des revenus du prince héritier est déjà particulière: depuis 1337 et le règne d'Edouard III, le fils aîné du monarque vit grâce aux rentes générées par le duché de Cornouailles, un vaste empire immobilier valorisé 874 millions de livres (1,25 milliard de francs). Ce capital lui a permis de toucher 19 millions en 2012.
Un impôt sur le revenu «sur une base volontaire»
Contrairement à la situation qui prévalait jusqu'à la fin des années 1980, la famille royale n'est plus exemptée d'impôts. Charles Windsor paie un impôt sur le revenu «sur une base volontaire». Mais pas sur les revenus du duché de Cornouailles, exemptés de l'impôt sur les sociétés.
Sur cette exemption justement, l'étonnement des membres de la commission parlementaire s'est vu apporter une réponse étonnante: William Nye, secrétaire personnel du prince Charles, a expliqué que le duché de Cornouailles n'était pas une société mais un domaine privé et que ce que payait le prince en impôt sur le revenu correspondait à un potentiel impôt sur les sociétés.
Un statut d'entreprise, sauf dans le domaine fiscal
Le duché serait donc considéré comme une entreprise pour toutes les démarches administratives... sauf la fiscalité. «Je ne crois authentiquement pas qu'il y ait une quelconque injustice», a argumenté William Nye.
Plus étonnant encore pour les élus: Keith Willis, directeur financier du duché, a appuyé les propos de William Nye en expliquant que de nombreuses grandes sociétés foncières ne paient pas non plus d'impôts sur les sociétés.
Enfin, quelques coutumes médiévales subsistent, comme le fait qu'un défunt du duché sans héritier voit son capital revenir intégralement à ce domaine aristocratique.
Pas question toutefois de se départir de leur flegme britannique: à part quelques échanges musclés, notamment avec des élus travaillistes («Lorsqu'il s'agit de fiscalité, ce duché n'est pas une entreprise, lorsqu'il s'agit de tout le reste, ça l'est», a tonné le député travailliste Austin Mitchell), les débats sont restés très courtois.
Austérité pour la reine aussi
Peut-être les députés ont-ils tenu compte des efforts déjà consentis par l'héritier de la couronne: Charles a vu sa dotation d'argent public baisser de 47%, à 1,1 million de livres (1,6 million de francs) en 2012-2013. En plus des revenus du duché de Cornouailles, le fils de la reine est un acteur essentiel des filières de l'agriculture biologique en Angleterre et commercialise de nombreux produits issus de cette branche.
Le parlement ne devrait pas demander au prince de modifier sa situation dans l'immédiat, la commission ayant surtout un but d'information. Mais sa mission et les découvertes des élus font rire jusque sur le continent, comme dans cette revue de presse vidéo de la station de radio française Europe1.
Du côté de la reine aussi, l'austérité est de mise pour l'argent public: la reine Elizabeth a renoncé en 2010, lorsque les conservateurs de David Cameron sont arrivés aux affaires, à sa traditionnelle dotation publique.
Elle peut toutefois se consoler avec une partie des revenus du Crown Estate (le «Domaine royal»): cette société immobilière dont les actifs sont estimés à 8,6 milliards de livres (12,3 milliards de francs) détient notamment les sols marins et la lucrative artère commerciale de Regent Street à Londres. Sa dotation va d'ailleurs augmenter à 38 millions de livres (54 millions de francs) en avril 2014.