La Suisse pointée du doigt pour l'opacité bancaire
Conventions avec l'OCDE, accords fiscaux avec les États-Unis, la France ou d'autres pays: la Suisse ne cesse de donner des signes de bonne volonté en matière de coopération sur les dossiers bancaires et fiscaux. Pourtant, tous ne sont pas convaincus: l'ONG «Tax Justice Network» (TJN, Réseau mondial pour la justice fiscale) place notre pays en tête de son classement sur l'opacité financière publié jeudi 7 novembre.
Dans le quatrième Index annuel sur l’opacité financière, la Suisse devance le Luxembourg, Hong-Kong, les Iles Caïman, Singapour, les États-Unis, le Liban, l’Allemagne, Jersey et le Japon.
La convention avec l'OCDE pour améliorer la situation
«La Suisse conserve une première place bien méritée dans notre indice», estiment les auteurs du classement. Ils reconnaissent des concessions dans le domaine de la transparence financière, notamment vis-à-vis des États-Unis, mais les efforts restent très limités selon eux.
Pour étayer son argumentaire, Tax Justice Network dénonce les manœuvres de la Confédération pour faire échouer les projets d'accords internationaux en matière de transparence: «Bien qu'elle ait signé de nouveaux traités permettant l'échange d'informations à la demande, elle a souvent extorqué des concessions pénibles en échange».
La situation n'est toutefois pas figée pour la Suisse: la récente signature de la convention fiscale avec l'OCDE pourrait, sous réserve de ratification, améliorer le regard que porte l'ONG sur la situation dans notre pays.
La City et les paradis de l'offshore
Au niveau international non plus, les progrès réalisés ces derniers mois ne convainquent pas Tax Justice Network.
Et d'autres pays sont dans le collimateur de l'ONG. En première ligne figure le Royaume-Uni, taxé d'hypocrisie par les auteurs du rapport: David Cameron, le premier ministre britannique, est accusé d'avoir menti en septembre devant la Chambre des Communes: «Il n’est plus correct de citer l’un de nos Territoires d'outre-mer ou l’une de nos Dépendances de la Couronne parmi les paradis fiscaux, car ils ont pris des mesures pour rendre leurs systèmes fiscaux loyaux et transparents», avait-il affirmé.
Or, les auteurs du rapport écrivent le contraire: le Royaume-Uni (21e du classement) aurait vu se développer une «British Connection», entre Londres et dix états ou dépendances satellites: Jersey, Guernesey, l’Ile de Man, les Iles Vierges, les Bermudes, Gibraltar, Anguilla, les Iles Turks et Caicos, Grenade et Montserrat. La City aurait tissé un réseau opaque alimentant ses trusts via des montages juridiques peu transparents, et en utilisant le droit britannique en vigueur dans ces enclaves.
Une lettre à la reine
«Ce réseau permet à la City de garder le business financier douteux à portée de main, tout en évitant d’en avoir la responsabilité quand un scandale éclate», selon Tax Justice Network. La place du Royaume-Uni, éloignée du podium dominé par la Suisse, ne doit pas faire illusion: les dispositifs imaginés entre la City et ses satellites représenteraient entre le tiers et la moitié du marché mondial des services offshore, chiffré 32'000 milliards de dollars d’actifs en tous genres dans le monde.
Un volume qui a poussé John Christensen, directeur de TJN, à écrire à la reine le 5 novembre pour lui demander d'agir en faveur d'une transparence accrue dans le domaine.