La blockchain s'ouvre à l'actionnariat
L'émission d'actions proposée ce mardi par la fintech genevoise Mont Pelerin fait du détenteur de jetons blockchain un actionnaire de plein droit. Une sécurité juridique qui vise à rendre l'investissement plus accessible et liquide.
A première vue, il pourrait s’agir d’une ICO de plus, ces émissions de jetons sur la blockchain comme il en fleurit plusieurs par semaine dans le monde. Entièrement «tokenisée», la société genevoise Mt Pelerin , inscrite au registre du commerce genevois et en discussion avec la FINMA pour l’obtention d’une licence bancaire, va proposer ce mardi 500 000 jetons à 5 francs à la vente.
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Ici pourtant, une particularité notable: le détenteur de jetons sera à proprement dit actionnaire, une première mondiale selon Arnaud Salomon, cofondateur: «Jusqu’à présent, il existait des tokens dits «securities», qui pouvaient donner une partie du droit de l’actionnaire, comme le versement de dividendes, mais qui n’étaient que des contrats de droit privé avec une très faible protection, et pas de détention du capital. Pour la première fois au monde, nous proposons un token qui est égal à une action.»
Le détenteur peut dès lors, selon Arnaud Salomon, faire valoir tous ses droits d’actionnaire, définis par le code des obligations suisse, et disposer en cas de litige des recours usuel auprès des autorités compétentes du pays.
Actionnaire de plein droit
L’objectif est ici de rassurer l’investisseur en sortant du cadre juridique flou qui entoure l’écosystème blockchain. Pour ce faire, les propriétaires de jetons doivent s’inscrire à un registre des actionnaires pour bénéficier de l’entièreté de leurs droits. Notamment, en plus du versement des dividendes, les droits de gouvernance associés à l’actionnariat, dont la possibilité de siéger aux assemblées générales de la holding.
Si la démarche n’avait jamais totalement abouti auparavant, c’est qu’elle soulève un certain nombre de complexités juridiques et techniques, que détaille Vincent Mignon, avocat au cabinet neuchâtelois Leax, spécialisé dans la blockchain: «La question se pose notamment en termes de transférabilité. Quelle forme prend le transfert de l’action respectivement du token? Pour transférer une action, il faut normalement une signature «physique». Si le token est une action, cela veut dire que l’on reconnaît le transfert cryptographique à valeur de signature.»
Pour répondre à cette question, Mt Pelerin s’appuie notamment sur un avis du docteur von der Crone, professeur de droit privé et des affaires de l’université de Zurich, que détaille son assistante Corina Moschen: «Selon l’art. 973c CO l’émission d’actions ne doit pas se faire nécessairement sous forme de papier. Si les statuts prévoient l’émission d’actions normatives en tokens et que la société y a consenti au préalable, il est possible que par exemple le transfert de tokens dans la blockchain puisse être considéré comme un transfert d’actions. Selon la jurisprudence, le transfert d’un contrat, incluant toutes les parties, peut se faire sans devoir respecter les exigences de forme de la cession.»
Toutefois, les statuts de Mt Pelerin prévoient qu'en cas de transfert de tokens, le nouveau détenteur doit s'inscrire au registre des actionnaires et fournir toutes les données personnelles obligatoires requises, le KYC .
Vers une refonte de l’equity?
En permettant de générer des «tokens-actions» en compliance avec la règlementation en vigueur, l’innovation technologique de Mt Pelerin vise à ouvrir de nouvelles perspectives à l’investissement. En effet, le système pourrait s’appliquer plus largement à l’économie, en permettant de tokeniser une large part d’actifs non liquides, des prêts participatifs aux œuvres d’arts.
Dans un premier temps, des entreprises, même très jeunes, pourraient comme Mt Pelerin se financer en émettant des actions valorisables, contrairement à de l’equity classique qui pose certaines contraintes selon Arnaud Salomon: «Investir dans une société non cotée passe par un ticket d’entrée minimal, souvent plusieurs dizaines de milliers de francs, pour l’acquisition d’actions en réalité non liquides.
En effet, réaliser un exit prend souvent plusieurs années. Désormais, on pourra obtenir une valorisation très tôt dans la vie de l’entreprise, les investisseurs pourront rentrer à partir d’une toute petite somme et voir leurs actions cotées sur des plateformes, et donc revendables à tout moment.»
Ce système est d’ailleurs le cœur de l’activité de Mt Pelerin, qui travaille actuellement pour devenir la première banque 100% blockchain agréée par le régulateur FINMA. L ‘organisme sera «full réserve», c’est à dire que la totalité des dépôts de ses clients sera conservée et non prêtée.
En lieu et place du crédit, le business model s’articulera autour de places de marchés qui mettront en lien notamment des porteurs de projets avec des prêteurs ou investisseurs, par le biais de l’émission de tokens. Mt Pelerin prélèvera une commission sur ces transactions. Reste pour la fintech genevoise à obtenir la licence bancaire, objectif qu’aucune entreprise blockchain n’a pour l’instant réussi à mener à bien.
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