La Banque nationale a-t-elle assez d’or?
Le métal précieux est passé de «valeur refuge» à «source de volatilité» dans le langage de la Banque nationale suisse, moins favorable à l’or depuis sa correction. Jusqu’à la prochaine crise?
Les réserves d’or de la Banque nationale suisse (BNS), qui font depuis avril 2013 l’objet d’une initiative de l’UDC visant 20% d’or inaliénable au bilan, sont un sujet de préoccupation majeur des Helvètes. Y en a-t-il assez? Pourquoi la BNS a-t-elle massivement vendu son or entre 2005 et 2009?
Les réserves d’or, à seulement 8% aujourd’hui, sont-elles suffisantes, ou est-ce un archaïsme de conserver trop d’or? Tant de questions que ravivent, entre autres, les derniers résultats de l’institut d’émission.
Rappelons qu’en raison de la chute de 25% du métal jaune en 2013, la BNS a enregistré une moins-value (non réalisée, donc comptable) de 15 milliards de francs sur son stock, privant de recettes les cantons et la Confédération, qui avaient reçu 1 milliard de francs en 2011 et 2012 grâce à la hausse de l’or.
Pour Jan Poser, chef économiste de la Banque Sarasin, cette baisse est l’occasion de rappeler que l’or, comme l’a expliqué la Banque nationale, peut s’avérer plus volatil que les grandes devises de réserve. «Il est donc justifié que la BNS conserve moins de 10% d’or au bilan, au titre de diversification, et n’en fasse pas l’actif de référence.»
Depuis que la BNS a aboli la parité-or du franc en 1999, elle a vendu 1300 tonnes d’or entre 2000 et 2005, puis 250 tonnes entre 2007 et 2009, pour n’en conserver que 1040 tonnes aujourd’hui. Les ventes massives, qui ont eu lieu alors que l’or s’envolait de 250 à 900 dollars l’once, ont valu à la Banque nationale de nombreuses critiques, ravivées par la crise de 2008. En tout, la BNS a perdu 70 milliards de francs suite à ces ventes, comme l’ont rappelé les initiants de «Sauvez l’or de la Suisse».
Toutefois, les critiques se sont calmées ces dernières années, alors que l’indice des actions américaines S&P 500 explosait de 190% depuis son creux de 2009, et que l’or corrigeait à l’inverse de 35% depuis ses sommets d’août 2011. A noter que l’once vaut encore aujourd’hui le triple de son prix d’il y a dix ans.
Un placement volatil - -
Avec l’éloignement de la crise, les investisseurs sont donc portés à adopter la vue des banques centrales et à considérer l’or comme un simple «placement», qui plus est volatil, plutôt qu’un étalon ou un gage de stabilité financière. Il est vrai que son plongeon de 2013, de près de 47 000 à 36 000 francs le kilo, a pris de court les petits investisseurs autant que les responsables budgétaires des cantons.
Mais pour Dominique Morisod, consultant financier et auteur d’une analyse récente sur le bilan de la BNS, l’or est au contraire plus sûr que les réserves de devises. «Le poste devises, qui atteint 428 milliards de francs, représente 86% du bilan de la BNS et constitue un risque bien plus élevé que l’or, en raison de l’impact de la volatilité de l’euro et du dollar, dû à leurs positions conséquentes.» Selon l’expert, une variation des devises de plus de 5% peut provoquer déjà des pertes plus importantes que l’or.
Les 1040 tonnes qui restent à la BNS sont valorisées à 50 milliards de francs dans son rapport de 2013, soit quatre fois le prix auquel l’ensemble des 1300 tonnes a été vendu. Si l’institut avait encore les 2600 tonnes qu’il avait jusqu’en 1999, elles vaudraient aujourd’hui 130 milliards.
Les réserves d’or suisses étaient parmi les plus élevées au monde. Mais à l’aube du nouveau millénaire, l’étalon-or, en vigueur depuis un quart de siècle et sous lequel le franc n’était qu’un substitut de l’or échangeable contre de l’or en tout temps, est apparu de plus en plus désuet avec la domination des monnaies fiduciaires dans les échanges commerciaux. En juillet 2008, la BNS expliquait ainsi que «le rattachement du franc à l’or était devenu fictif depuis longtemps: le métal jaune était devenu un bien ordinaire et le franc le moyen de paiement ayant cours légal en Suisse».
La BNS et le Conseil fédéral, attachés à cette vue, ont rejeté l’initiative de l’UDC, soulignant qu’une part de 20% d’or inaliénable réduirait la flexibilité dans les interventions de la BNS sur le marché des changes, notamment s’il faut fixer des taux plancher comme celui décidé en 2011 sur l’euro.
Ratio «extrêmement bas» - -
«Avec 8% d’or au bilan, on est en dessous de l’Afrique du Sud et de nombre de pays en développement, observe Dominique Casaï, fondateur d’URAM, société de gestion de fonds spécialisée dans l’or et les matières premières. A part le Japon et le Canada, on ne trouve aucun grand pays avec un pourcentage aussi faible.»
La Banque centrale européenne a 27% d’or, les banques centrales des pays de la zone euro affichant des pourcentages très élevés d’or sur leur bilan, à l’instar de l’Allemagne (67%), de la France (65%), ou de l’Italie (66%). La BNS aurait donc une marge si elle devait suivre les allocations de ses voisines. «S’il est vrai que la forte concentration d’or qu’avait la BNS il y a vingt ans n’était pas judicieuse, il faut constater que les 8% actuels sont extrêmement bas», conclut Dominique Casaï.
Il suggère que le panier de monnaies qui compose les réserves de la BNS, qui comprend environ deux fois plus d’euros que de dollars, pourrait se limiter à 80% du bilan, laissant facilement 20% à l’or. «Même dans ce cas, la prépondérance des monnaies papier serait déjà largement assurée.»
Si une prochaine crise, plus grave que celle de 2008, devait déstabiliser les cours de l’euro et/ou du dollar, la BNS verrait-elle l’or de la même façon? Parions que les investisseurs, eux, reviendraient en force sur ce qu’ils ont toujours, dans les temps incertains, perçu comme l’unique valeur refuge.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.