France: le maillon faible

Il est difficile de ne pas aimer Paris. Une des, probablement la plus belle ville du monde. En 1981, un président de gauche arrivait aussi au pouvoir. Et c’était aussi la crise. J’avais alors 20 ans. Indépendamment de ses actions politiques, François Mitterrand avait le sens du faste. Il fut le dernier à rassembler au-delà des idées, autour de projets. En 2012, l’enthousiasme du peuple de gauche n’aura même pas duré un été. Le nouveau président et son gouvernement ont vite découvert la solitude, les contraintes et les limites du pouvoir. Une élection obtenue sur des promesses idéalistes et intenables les coupe de leur électorat. Il n’y a qu’à constater l’écroulement de leur cote dans les sondages. Ce monde est tellement globalisé que la marge de manœuvre laissée est minime. L’Europe est vraiment devenue un ménage à plusieurs. Les décisions y commencent toujours par être fausses avant d’être corrigées et d’en perdre dans le processus une grande partie de leur impact. La situation pourrit en Grèce et en Espagne avec un grand risque de dérive populaire. Un retour à des régimes musclés y est-il à craindre? Les pays scandinaves commencent à désapprouver ouvertement la manière dont fonctionne l’Europe, que ce soit la Norvège ayant adhéré à l’Espace économique européen, la Suède, membre de l’UE mais pas de la zone euro, ou encore la Finlande, membre des deux. Quant à l’Allemagne, il faut distinguer entre les positions politiques influencées par une obligation morale remontant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le ras-le-bol de la population qui a l’impression d’entretenir des partenaires dépensiers et enfin l’orientation résolument vers l’Est des milieux économiques. L’élan d’expansion territoriale de la zone UE est stoppé net. Mais, en dépit des grandes déclarations, il est très difficile à ce stade d’imaginer sous quel format politique, économique et monétaire l’Europe va évoluer dans les prochaines décennies. De la vision de Jean Monnet, suivie par les actes concrets de rapprochement d’Adenauer et de Gaulle, il y a toujours eu des hommes visionnaires entraînant des populations. Aujourd’hui, ce sont des fonctionnaires bureaucrates qui essaient de se placer au-dessus des démocraties et des représentants démocratiquement élus. On ne rapproche plus des populations, on harmonise des normes et un cadre légal. Cette priorité-là ne créera jamais d’adhésion populaire. Que reste-t-il alors de l’élan initial franco-allemand, des ennemis réconciliés autour d’un destin commun? Une chancelière qui fait le grand écart entre les aspirations de ses électeurs et la responsabilité européenne du pays le plus solide. Un président français soucieux de préserver une particularité bien française: des politiques sociales favorisant grandement les déficits budgétaires. L’orientation sociale n’est pas en cause mais cela n’oblige pas à travailler moins d’heures et à prendre sa retraite avant tous les autres quand les moyens manquent. Dans un monde de concurrence ouverte, on sent bien avec un peu de bon sens que cela ne peut pas fonctionner. Le gouvernement actuel bénéficie d’une tolérance, pourtant, exceptionnelle: celle des marchés des taux qui permet à la France d’emprunter à des taux d’intérêt extrêmement bas. La comptabilité nationale indique une tendance invariable: depuis 1950, le ménage français n’a été en excédent que douze fois, la dernière année étant 1973! L’année prochaine sera la quarantième année de déficits publics. La situation mondiale est critique. La situation européenne ne se résoudra pas sans un grand plan d’envergure. La liste de pays en difficulté est connue, et la France n’en fait pas partie. Dans un monde en croissance faible, la récession va frapper durement une Europe même pas encore en convalescence. Risques de casse importants
Dans ce contexte, le prochain maillon faible est bien la France. Quand le marché réalisera qu’une position à découvert sur les emprunts d’Etat français est défensive, les taux prendront l’ascenseur et les risques de casse au niveau européen deviendront très grands. Si on a des velléités de position plus dynamiques, jouer les taux français à la hausse et engranger les taux italiens (notamment sur des grandes sociétés paraétatiques) est pragmatiquement défendable dans une stratégie de gestion de taux plus sophistiquée. Est-ce éthique? Dans le dictionnaire, éthique renvoie à la morale: «…une théorie de l’action humaine tant qu’elle est soumise au devoir et a pour but le bien…» N’est-ce pas un des devoirs pragmatiques de mettre en lumière ce qui est bien? En l’occurrence, certainement pas d’aligner dix ans de plus de déficits publics, de plus parfaitement incompatibles avec un maintien dans, voire de l’euro.
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