Pourquoi le canton de Vaud veut interdire la publicité sexiste
La conseillère d’Etat Jacqueline de Quattro a présenté il y a quelques jours un projet visant à interdire les contenus portant atteinte à l’égalité ou à la dignité dans l’espace public, notamment les publicités à caractère sexiste. Quelles sont les modalités d'un tel projet et les effets attendus? Jacqueline de Quattro répond à nos questions.

Pourquoi le Conseil d'Etat souhaite-t-il interdire les publicités sexistes? N'y a-t-il pas d'autres priorités en matière d'égalité hommes-femmes?
Lutter contre le sexisme s’inscrit pleinement dans la Constitution vaudoise qui prévoit l’égalité entre les femmes et le respect de la dignité humaine. C’est une pierre de plus à l’édifice qui doit permettre de réduire, voire d’éliminer les préjugés. Ces deux dernières années, nous avons introduit de nouvelles dispositions légales, comme la loi d’organisation de la lutte la violence domestique et la loi sur l’égalité salariale qui prévoit des contrôles auprès des entités percevant des subventions cantonales ou bénéficiant de marchés publics. L’interdiction des publicités dégradantes ou humiliantes est un pas de plus que le Conseil d’Etat a choisi de franchir, pour le respect des femmes et des hommes, comme le respect des enfants d’ailleurs.
Le champ d'application de la loi est "le domaine public". Cela vise donc essentiellement la publicité par affichage à priori, est-ce exact?
Le projet du Gouvernement vise effectivement la publicité par affichage public. Les affiches s’imposent à nous et leurs messages ont un très fort impact sur la formation de nos préjugés et de notre vision de la société. L’être humain, et les enfants en particulier, apprennent par imitation, selon les modèles qu’ils voient. La publicité représente dès lors un risque de banalisation de certains stéréotypes qui vont à l’encontre des valeurs défendues par notre Constitution. C’est en changeant notre manière de concevoir et de voir le monde que nous serons capables de le changer.
Quid de la télévision, la radio, la presse écrite et surtout internet, qui représente désormais plus de la moitié des dépenses des publicités à lui seul?
L'Etat légifère en premier lieu dans le domaine qui relève de sa compétence directe, c'est à dire l'espace public. Dans notre canton, la gestion de cet espace relève de l’autorité communale. En ce qui concerne la publicité dans les medias et celle qui arrive dans nos boîtes à lettres, des modifications du droit fédéral seraient nécessaires si on voulait une application uniforme au niveau national. N’oublions pas non plus que nous pouvons à tout moment refuser une publicité en tournant une page ou en changeant de chaîne de télévision. Cette liberté, nous ne l’avons pas avec l’affichage, il s’impose à nous, nous ne pouvons pas y échapper.
La proposition de loi précise qu'une publicité est considérée comme sexiste "lorsque des hommes ou des femmes sont affublés de stéréotypes sexuels mettant en cause l’égalité entre les sexes", ou encore quand "il n’existe pas de lien naturel entre la personne représentant l’un des sexes et le produit objet de la promotion". Les publicités avec des femmes qui assurent les tâches ménagères seraient-elles alors interdites ? Sauf à considérer qu'il y a un lien naturel entre les femmes et la lessive?
Le contrôle des procédés de réclame repose sur l’autorégulation et la responsabilité des sociétés d’affichage. Ce système fonctionne bien, mais il est nécessaire de poser un cadre légal lorsqu’il convient de défendre des valeurs, comme cela a été le cas avec le racisme. Le travail d’analyse sera évidemment complexe, mais il s’agira d’émettre un avis négatif sur ce qui n’est pas ou plus admissible et d’encourager une représentation diversifiée en recommandant des alternatives. L’objectif est de se concentrer sur les aspects liés aux représentations dénigrantes, voire humiliantes. Une affiche présentant une femme ou un homme vantant un dentifrice ne pose aucun problème.
Comment sera effectué le contrôle des publicités? Ex ante ou ex post uniquement?
Le projet du Conseil d’Etat prévoit que tout un chacun puisse saisir la commission consultative sur les procédés de réclame, à laquelle collaborera le Bureau d’égalité entre les femmes et les hommes et une personne experte dans le champ de la sociologie ou de l’éthique. Elle pourra être saisie avant l’affichage, soit ex ante, par exemple lorsque la société d’affichage a un doute sur le contenu d’une publicité ou ex post par une commune ou un particulier. Cette commission rendra des avis qui ne sont pas contraignants. Il appartiendra à la commune compétente de choisir d’intervenir, par exemple en refusant ou en retirant une campagne prévue ou déjà présente sur son territoire.
Existe-t-il d'autres exemples de villes ou régions qui ont interdit les publicités sexistes à votre connaissance ? Si oui, avec quels effets ?
Le Canton de Bâle-Ville, ainsi que des grandes Villes comme Lausanne, Zürich et Berne ont introduit de telles mesures. Nous ne pouvons pas nous prononcer à la place de ces collectivités quant à leurs effets. A notre connaissance, aucune étude d’impact n’a été réalisée à ce jour. Ce que nous constatons toutefois est que de plus en plus d’entreprises renoncent à exploiter pour leurs campagnes de publicité des images de domination, de soumission ou de dénigrement.
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