Lents progrès pour l'égalité femmes-hommes en Suisse en 2018
L'édition 2018 du Global Gender Gap Report par le World Economic Forum (WEF) montre de maigres et timides avancées dans la résolution des inégalités femmes-hommes dans le monde. La Suisse progresse à peine selon les indicateurs du WEF.

A l'automne 2017, le phénomène #MeToo se propage sur la planète entière. Dans la foulée des dénonciations de crimes, de délits ou d'actes irrespectueux envers les femmes, les causes liées à la place des femmes dans la société, et notamment les sphères économique ou politique figurent au coeur des annonces et des agendas des décideurs. Parmi les derniers exemples en date: la campagne menée (avec succès) pour l'élection de deux femmes au conseil fédéral suisse, afin de remplacer les deux conseillers fédéraux démissionnaires (un homme et une femme). Tout au long de l'année 2018, de nombreux faits saillants ont mis en lumière tantôt des avancées, tantôt des freins qui subsistent encore à la pleine égalité femmes-hommes.
Cependant, à l'heure où le World Economic Forum (WEF) livre son édition 2018 du Global Gender Gap Report , les inégalités n'ont que légèrement diminué au cours des douze derniers mois. «La stagnation de la proportion de femmes sur le lieu de travail et la baisse de leur représentation en politique, associées à des inégalités grandissantes en matière d'accès à la santé et à l'éducation contrebalancent les améliorations en matière d'égalité salariale et un nombre plus élevé de femmes exerçant une profession libérale», constatent les auteurs.
Le secteur AI très majoritairement masculin
«Il reste beaucoup à faire: seules l’éducation et la santé sont proches de la résolution du gap avec un taux d'égalité femmes-hommes de 96 et 95% respectivement. Mais dans les domaines de l'économie (59%) et de la politique (22%), il reste un gap très important. A ce rythme-là, nous estimons le nombre d’années pour combler ce différentiel à 108 ans globalement, à 202 ans sur le plan économique, à 107 ans sur le plan politique. Tout ceci en analysant l’évolution sur les 10 dernières années», observe Robert Crotti, économiste et co-auteur du rapport. Au niveau géographique, «l’Europe occidentale reste la région du monde où le différentiel à résorber est le moins important (76%), devant l’Amérique du Nord (73%) et l’Europe orientale et l’Asie centrale (71%) avec l'Amérique latine et les Caraïbes (71%). La zone Moyen-Orient et Afrique du Nord ferme la marche à 60%», ajoute l'économiste.

La maigre amélioration de la situation en 2018 vient cependant corriger une anomalie constatée en 2017: l'an passé, pour la première fois depuis que le WEF publie ce rapport annuel (en 2006), les chiffres avaient révélé un recul de la condition des femmes dans le monde par rapport aux hommes. Le Gender Gap serait-il à nouveau en train de se réduire (lentement)? Rien n'est moins sûr, selon Saadia Zahidi, directrice exécutive et responsable des agendas économiques et sociaux au WEF: «Un des défis majeurs réside dans l’évolution du marché du travail pour les années à venir. Or, un grand nombre de jobs amenés à décliner dans un futur proche sont des postes majoritairement occupés par des femmes. Et ceux amenés à voir la demande augmenter sont majoritairement masculins aujourd'hui».

A titre d'exemple, elle analyse le secteur de l'intelligence artificielle (AI): «Il y a trois fois plus d’hommes disposant de connaissances en IA que de femmes. Les femmes dans secteur IA sont positionnées à des jobs moins seniors que les hommes. Le gap n’est pas près de se résoudre. Les risques? Un impact majeur sur l'innovation car la diversité mène vers plus d’innovation, mais aussi moins d’opportunités économiques pour les femmes», avertit Saadia Zahidi.
«Les économies qui réussiront à aller au bout de la quatrième révolution industrielle seront celles qui seront le mieux à même d'exploiter tous les talents disponibles. Il est essentiel pour la santé de l'économie mondiale et pour le bien de notre société d’instaurer des mesures proactives qui soutiennent la parité hommes-femmes et l'inclusion sociale et corrigent les déséquilibres historiques», note également en forme de mise en garde Klaus Schwab, fondateur et président du Forum économique mondial.
Sans oublier les coûts générés par ces inégalités. Selon des estimations faites par un panel d'économistes interrogés voici un an par le WEF, la facture se chiffrerait à 160'000 milliards de dollars pour l'économie planétaire.
La Suisse stable, mais mauvais élève dans l'économie
Quid de la Suisse dans ce rapport? «La performance de la Suisse (20e, 75,5 %) reste stable depuis l'année dernière, des progrès sur l'émancipation politique sont compensés par un écart croissant entre les genres dans la participation professionnelle et les opportunités économiques», notent Saadia Zahidi et Robert Crotti.
Les élections de Viola Amherd et Karin Keller-Sutter le 5 décembre dernier ne peuvent masquer des lacunes toujours criantes dans le domaine économique surtout. Car si la Suisse se hisse sur la première place mondiale pour l'égalité femmes-hommes dans certains domaines de la santé (ratio de naissances) ou de l'éducation (taux d'alphabétisation, taux de parcours en études universitaires), elle est largement distancée dans le secteur économique, comme le révèlent de nombreux indicateurs (égalité salariale, pourcentage de managers, décideurs et législateurs.
Depuis 2006, notre pays a gagné six places (de la 26e à la 20e) et amélioré son score global (de 0,700 à 0,755, avec l'égalité femmes-hommes à 1000). Mais dans le domaine de l'économie, la hausse du score est modeste (de 0,709 à 0,739) et la Suisse est passée de la 18e place à la 34e place. Le WEF constate notamment d'importants écarts par secteurs, avec une surreprésentation des femmes dans les domaines de la santé et du social (22% des femmes actives exercent dans ce secteur, contre 7,3% des hommes actifs), de l'éducation (respectivement 14% des femmes actives, contre 5,9% des hommes), ainsi que des sciences sociales, du journalisme et de l'information (9,9% des femmes actives, contre 4,3% des hommes). Quant aux postes de management, le WEF attribue à la Suisse la note peu flatteuse de 0,75 (l'égalité serait atteinte à 1).

Au final, cette photographie de la situation des femmes place notre pays dans le top 20, mais cependant loin des pays nordiques (Islande et Norvège devant la Suède et la Finlande au sommet du classement mondial), et même à bonne distance de pays plus inattendus comme le Nicaragua (5e), le Rwanda (6e) ou la Namibie (10e).
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