Vous devez licencier? Evitez les erreurs
Quiconque accède à un poste à haute responsabilité peut se retrouver, un jour, contraint de se séparer de collaborateurs. Dur, très dur. Existe-t-il une bonne méthode? Conseils.
Vous voilà arrivé tout en haut de l’échelle. Mais en grimpant les échelons, même si vous saviez pertinemment que vous devriez vous y coller un jour, personne ne vous a appris comment licencier.
Certains s’en sortent au feeling, d’autres apprennent de leurs erreurs au fil du temps et des mauvaises expériences, d’autres encore délèguent cette responsabilité. Mais personne ne ressort indemne de ce passage difficile et humainement dramatique. Bilan a récolté les conseils de deux patrons et d’un expert, qui témoignent de leur expérience.
Licenciez en tandem - -
C’est impératif! Vous devez être accompagné lors de l’entretien de licenciement. Par un représentant des ressources humaines ou un adjoint, par exemple. «En cas de litige, il doit y avoir un témoin, pour que deux personnes puissent corroborer la même version devant un tribunal», prévient Shantidas Annen, dont la société SAN Recrutement propose un service personnalisé d’organisation de licenciements.
Mais, comme dit le proverbe, deux c’est assez, trois c’est trop. Si l’employé licencié se retrouve face à trois personnes, l’entretien aura des airs de procès.
Ne tournez pas autour du pot - -
Selon Shantidas Annen, un entretien ne doit pas durer plus de quinze minutes. «Mieux vaut être cash», confirme Patrik Chabbey, ex-directeur adjoint au sein d’un grand groupe de presse qui avoue avoir licencié plus de collaborateurs qu’il n’en a engagés.
«Ça ne sert à rien de tourner autour du pot durant quarante minutes avant d’annoncer que la personne est virée. Sinon, vous laissez croire qu’il y a des possibilités de discussion. Et si vous enrobez votre discours, l’employé a l’impression que vous manquez de courage. Dans la totalité des cas que j’ai suivis – et certains déployaient des trésors d’imagination pour ça! – les tentatives d’adoucir les choses ont aggravé la situation. C’est triste, mais c’est la réalité», témoigne celui qui est aujourd’hui passé «de l’autre côté de la table» en occupant le poste de secrétaire général des SCIV (Syndicats chrétiens interprofessionnels du Valais).
Evitez de partir dans l’émotion - -
«L’entretien doit être formel, factuel, sans émotionnel, explique Shantidas Annen. Il faut bien sûr faire preuve d’un peu d’empathie, mais un supérieur qui pleure en virant son collaborateur, c’est une faute professionnelle! Et vous n’aidez pas la personne.»
Patrik Chabbey relève cette difficulté de démarrer le processus avec «une charge émotionnelle située dans la zone rouge. Alors que, dans la première phase, on doit être dans le concret, il faut sortir de l’émotion et discuter de façon pragmatique. Mais je n’ai jamais été capable de ne pas faire preuve d’empathie.»
Yann Vaucher, ex-fondateur des boulangeries Yann Vaucher (110 collaborateurs) et directeur d’Intercom, a dû licencier à plusieurs reprises. Et parfois des collaborateurs avec qui il travaillait depuis dix ans. «J’ai eu la boule au ventre. Je l’ai fait instinctivement. Je me suis dit: «Comment est-ce que moi j’aimerais entendre ça?» Après un licenciement, il y a un processus d’acceptation, proche du deuil, qui passe par la colère.»
Il le dit clairement: son virage professionnel – il aide aujourd’hui des équipes à identifier leurs forces et leurs faiblesses – n’est pas étranger à ce traumatisme d’avoir dû mettre du monde à la porte. Il souligne également cette nécessité absolue de retrouver un équilibre avec les «survivants». «Lorsque 6 personnes sur 10 sont virées, c’est très difficile aussi pour ceux qui restent. Pire d’ailleurs que 100 sur 300», précise Shantidas Annen.
Attention aux périodes de protection - -
Dans plusieurs situations précises, il n’est pas possible de licencier. Une période de protection s’applique lorsque la personne est en vacances, à l’armée, en congé maternité, ou malade. Il est donc obligatoire d’attendre que l’employé soit de retour à son poste. Yann Vaucher s’est laissé surprendre au moment où il annonçait à l’un de ses collaborateurs, après plusieurs avertissements, qu’il le licenciait.
Ce dernier lui a répondu que c’était impossible car il partait à l’armée. «J’ai aussi eu beaucoup d’exemples d’arrêts maladie.»
De son côté, Shantidas Annen prévient ceux qui auraient la mauvaise idée de convoquer la personne en interne par téléphone pour lui annoncer qu’elle va recevoir son congé. «Entre-temps, elle peut courir chez le médecin, demander un arrêt maladie et ne pas revenir! Ce sont des erreurs qui peuvent coûter cher.»
Préparez bien les aspects juridiques - -
Patrik Chabbey, qui a dû exécuter des licenciements collectifs et individuels, rend attentif à une bonne préparation des réponses aux questions très concrètes. «Si vous n’avez pas les bonnes réponses, vous manquez de respect à la personne une deuxième fois!» Il se souvient d’un cas où il a dû courir ventre à terre au Service de l’emploi, car «on avait préparé la communication, mais pas la gestion de la crise. Par la suite, on a dû faire une sacrée mise à jour pour répondre aux questions juridiques! La fois suivante, je peux vous garantir que l’on était équipés en documentation.»
D’autant plus que, dans les négociations d’un plan social par exemple, l’importance des éléments discutés n’est pas toujours liée à leur coût. «Avec certaines propositions, on peut gagner la paix pour un coût raisonnable. Ou braquer un employé alors que les répercussions financières sont dérisoires.»
A ce propos, Shantidas Annen tient à souligner qu’il n’est «pas un pompier. Si un patron a décidé d’opérer les licenciements lui-même et qu’il se plante, je ne viens pas le rattraper. Les employés ont besoin d’un cadre clair.» En Suisse, selon l’expert, un licenciement mal emmanché part facilement au tribunal – Yann Vaucher avoue «avoir dû régler un bon nombre de cas aux prud’hommes» – et une procédure civile peut vite coûter 30 000 francs.
Une solution: faire appel à un tiers - -
Par peur de trop s’impliquer émotionnellement, de commettre une erreur, ou pour éviter les représailles, certains patrons préfèrent déléguer. «Savoir licencier n’est pas donné à tout le monde», et pour trouver le bon équilibre, il faut avoir pratiqué un «sacré paquet» de licenciements, affirme Shantidas Annen.
Le «serial licencieur», avec sa petite société de consulting en ressources humaines SAN Recrutement, leur apporte un soutien dans le cadre de licenciements sur mesure, restructuration, relocalisation ou fermeture de site. Et autant dire qu’il ne manque pas de travail…
«Un intervenant extérieur démarre avec l’avantage de ne pas incarner l’entreprise, contrairement au supérieur hiérarchique, ce qui diminue la charge émotionnelle, estime Patrik Chabbey. Mais un outsourcing complet ne me semble pas pour autant souhaitable, car l’entreprise ne peut pas se défausser complètement de l’opération, au risque que son attitude soit considérée comme du manque de respect pour son personnel. Un conseil est sans doute utile, une implication avec la direction est possible, mais pas une sous-traitance complète.»
Mandat complet ou partiel: évidemment, tout a un prix. Shantidas Annen n’articule pas de tarif précis, car chaque mandat est taillé sur mesure. Tout dépend du nombre de personnes à congédier et de la procédure adoptée. «Soit je reste en coulisses et je prépare une stratégie adéquate pour éviter la case prud’hommes, soit j’exécute moi-même les licenciements et la société me présente comme consultant RH.»
Dans tous les cas, il se munit de cabinets d’avocats et prépare le plan de licenciement avec le département des ressources humaines. Pour 10 à 20 personnes à «remercier», il lui faudra une semaine pour préparer la stratégie.
«C’est évidemment le patron qui décide de ceux qu’il va licencier, et avec qui je dois faire les entretiens. J’ai une enveloppe financière de la société pour gérer les compensations, la partie légale avec les avocats, et je tiens à proposer également un service de soutien pour faire en sorte que les survivants restent au sein de l’entreprise et retrouvent un équilibre professionnel.»
Congédier ou se faire congédier est un événement traumatisant, et les maladresses peuvent facilement être cumulées. Que se passe-t-il lorsqu’on se retrouve dans la peau du licencieur licencié? Patrik Chabbey en témoigne: «Une des expériences les plus enrichissantes que j’ai eues sur ce qu’il faut faire – ou ne surtout pas faire! – en matière d’entretien de licenciement, c’est celle que j’ai connue quand je me suis retrouvé face à deux membres du conseil d’administration du Nouvelliste pour recevoir par surprise mon congé. C’est fou ce qu’on apprend en se retrouvant de l’autre côté de la table!»
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