Une fondation privée sauve la mémoire de la musique
La United Music Foundation veut créer un pôle d’excellence à Genève pour la sauvegarde du patrimoine musical enregistré.

« Notre but ultime est de faire de Genève un pôle d’excellence pour la sauvegarde du patrimoine musical enregistré », confie Yves de Matteis, à l’origine de la United Music Foundation.
Reconnue d’utilité publique rapidement après sa constitution en janvier 2013, elle a déjà été récompensée par deux prix nationaux: prix de l’Académie du jazz (Paris) 2014 pour la meilleure réédition et prix Memoriav – Commission suisse pour l’UNESCO pour la meilleure initiative suisse de sauvegarde ou de mise en valeur conduite dans le cadre de la Journée mondiale du patrimoine audiovisuel.
Ces prix viennent récompenser le « travail de fou » réalisé par le producteur et ingénieur du son genevois David Hadzis, chef de projets de la fondation. Ce dernier a consacré deux années de sa vie au coffret de 4 CD « Sidney Bechet en Suisse », lequel est aussi un livre d’art de 216 pages, format 30 x 30 cm, comportant une biographie détaillée, 250 photos et 140 documents sur les années suisses du créateur du saxophone soprano.
Pour financer son travail, la United Music Foundation s’est inspirée du mode de fonctionnement de la Fondation du Grand Théâtre, dans le conseil de laquelle a siégé Yves de Matteis. Soit un mix de sources de financement.
«Pour le projet Bechet, nous avons fait appel à des mécènes et à des fondations. Ces deux groupes de partenaires ont pris en charge plus de 90% des coûts et le reste a été couvert par la Ville et l’Etat de Genève», précise le président de la fondation. «La problématique de la sauvegarde du patrimoine musical enregistré est tellement méconnue que même le pourcentage culturel de Migros n’a rien prévu», regrette David Hadzis. «Pourtant, ces bandes audio, dont certaines datent d’un demi-siècle, se détériorent et si n’est fait pour les restaurer, leur contenu sera définitivement perdu d’ici une quinzaine d’années.»
L’ensemble des fonds récoltés sert au financement des projets, tous styles musicaux confondus, la United Music Foundation n’ayant pas de frais fixes. Le travail de David Hadzis est payé au mandat. Après le magnifique projet Bechet, la fondation genevoise s’est attelée à un projet concernant une icône de la chanson française.
Un double CD sortira cet automne avec des versions inédites, de quoi, là encore, déchaîner les passions. L’argent encaissé par la vente des coffrets Sidney Bechet (CHF 179) est réinvesti pour le second projet. «J’ai découvert dans la cave d’un ancien producteur français des bandes en train de moisir. Avec les techniques que j’utilise, nous avons déjà pu sauvegarder les enregistrements de dix albums et dix 45t qui remontent aux années 1973 à 1981», témoigne le chef de projets.
«Il m’est arrivé de trouver des bandes avec une couche d’un centimètre de moisissures. Au bout de 8 heures dans un four spécial à air chaud, j’ai pu passer la bande sur un magnétophone et, à ma grande surprise, j’avais l’impression que cela venait d’être enregistré.»
David Hadzis a jusqu’ici toujours réussi à ressusciter les bandes endommagées. Avec les fonds mis par Yves de Matteis lors du démarrage en 2013, le technicien est parvenu à sauvegarder en haute définition des dizaines d’enregistrements, pour la plupart inédits, à partir des bandes originales ou des meilleures copies disponibles : Count Basie, Gilbert Bécaud, Georges Brassens, Petula Clark, Dalida, Bill Evans, Jean Ferrat, Stan Getz, the Jimi Hendrix Experience, Marie Laforêt, Claude Nougaro, Michel Polnareff ou encore Charles Trenet.
« L’idéal serait de pouvoir disposer de plusieurs spécialistes comme David. A terme, si nous pouvons bénéficier de l’aide de sponsors ou de mécènes, notre idée serait de mettre sur pied des formations et d’ouvrir d’autres studios dédiés à cette tâche », espère Yves de Matteis. Rares sont les entités publiques en Suisse à avoir réalisé ce travail. La Radio Suisse Romande a commencé à le faire, mais c’est une exception.
L’aventure Sidney Bechet
Après des recherches approfondies dans les archives de la RTS, David Hadzis a fait une trouvaille inédite sur le réseau en ligne des bibliothèques romandes, le RERO. En fait, il y est fait mention d’un document audio relatif à un concert donné en 1958 à Sion. Or, aucune trace de ce concert n’existait jusqu’alors. Le biographe officiel de Sidney Bechet en France, Fabrice Zammarchi, tombe des nues.
David Hadzis mène son enquête et retrouve la trace de la famille valaisanne ayant effectué cette donation. C’était le sonorisateur de l’événement qui avait enregistré une partie du concert donné par le saxophoniste avec des musiciens avec lesquels il n’a jamais enregistré, notamment un tromboniste suisse. Par la suite, alors que le chef de projets de la United Music Foundation avait déjà passé mal de temps à améliorer la qualité de la cassette audio, son interlocuteur valaisan retrouve la bande originale.
«Il ne restait quasiment qu’à enlever les grésillements dans les aigus», observe David Hadzis. Ce dernier va pousser son investigation jusqu’à retrouver l’un des musiciens en question. Autre inédit contenu sur le coffret consacré aux années suisses de Bechet : le concert surprise donné en 1954 chez un privé domicilié à la rue Beauregard à Genève.
«Sidney Bechet avait accepté de se produire chez une personne ne pouvant plus se déplacer pour raison de santé.» Là encore, le chef de projets a remonté la filière et a réussi à récupérer les bandes. «Même lorsque les artistes ne possèdent plus les droits, nous essayons toujours de leur donner quelque chose, par souci éthique. Nous ne sommes pas dans le domaine commercial», insiste Yves de Matteis.
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