Les médias se paient des start-up avec de la pub
Très développé en Allemagne, le modèle «media for equity» permet d’échanger un volume d’annonces contre des parts dans une société. Il commence à séduire en Suisse.
Créée en juillet 2013 à Genève, wiine.me a développé un service de vin par abonnement sur internet qui mise sur les envies de découverte de la génération Y. Trois bouteilles sélectionnées par les six sommeliers de l’entreprise sont livrées aux abonnés chaque mois. Des cours en ligne et des événements forment à la dégustation.
Sympa? Oui, mais pour être rentable, un tel service ne peut pas se contenter du petit marché romand. Wiine.me s’est développée dans neuf autres pays. Mais cela ne suffit pas pour se détacher d’une pléthore de concurrents. Pour atteindre la grande masse des consommateurs, la publicité classique reste un moyen privilégié. Sauf qu’elle est chère pour les start-up du commerce en ligne européen qui n’ont pas les milliards de leurs concurrentes américaines.
Face à cette situation, Timothée Bardet, le cofondateur et CEO de wiine.me, pense avoir trouvé une solution. Il négocie les termes d’un contrat dit de media for equity avec un groupe de télévision allemand. En substance, ce dernier apporte une valeur de quelques centaines de milliers à plusieurs millions d’euros en diffusion de spots TV pour faire connaître wiine.me en Allemagne et en Autriche. En échange, il ne présente pas de facture mais prend une participation au capital de l’entreprise suisse. L’opération comporte aussi potentiellement un volet «media for revenue» qui verra wiine.me ristourner une partie du chiffre d’affaires supplémentaire généré par la campagne de pub à son partenaire.
Timothée Bardet est tellement convaincu que ce modèle est le bon pour accélérer la croissance de wiine.me qu’il en négocie un semblable avec des groupes médias romands. Ce serait une première ici, alors que le media for equity s’est fortement développé en Allemagne ces quatre dernières années.
A l’origine, cette idée de contre-affaire est partie de Suède en 2003 avec la création d’un fonds spécialisé: Aggregate Media. Toutefois, la Suède, comme la Suisse, n’offre pas le même potentiel que le grand marché allemand où les spots pour l’e-commerce représentent près de 15% du marché des pubs TV.
Des médias capital-risqueurs - -
Dès que l’on se penche sur l’historique de ce modèle de financement, une success story émerge vite: Zalando. Le site marchand allemand s’est taillé une place de choix grâce à de tels accords, en particulier avec le groupe de télévision allemand Prosieben. En Suisse, le groupe média helvétique Ringier Digital a créé, début 2015, son propre fonds. Baptisé Ringier Digital Ventures, il vient de procéder à sa première opération avec la start-up berlinoise Campada et passe en revue diverses start-up suisses.
Chez GMPVC, Aljoscha Kaplan est un témoin privilégié de cette évolution. Le capital-risqueur a fondé en 2011 German Media Pool VC. Ce fonds mutualise les offres d’espaces publicitaires d’un groupe de TV régionales, des radios de RTL II et de la filiale affichage Wall, de JCDecaux. «Cela permet de multiplier les supports pour les start-up et de répartir les risques ainsi que les bénéfices pour les médias investisseurs», explique-t-il, fort de 13 investissements dans des start-up comme 9flats.com ou Twago.
Solution pour des start-up européennes en mal de financement pour leur marketing, le «media for equity» a un intérêt évident pour les groupes médias alors que le filon publicitaire se réduit. Il ne faut cependant pas oublier qu’une telle prise de participation fait l’objet de négociations. Selon Aljoscha Kaplan, il y a un certain nombre de règles à respecter pour que cela fonctionne.
«Il faut que le choix des supports et la forme des pubs restent entre les mains du media planner de la start-up. Et il est préférable que le média investisseur ait un objectif financier plutôt que stratégique.» Une démarche qu’a intégrée Ringier Digital Ventures qui n’écoule pas ses espaces vides, comme certains concurrents, mais met toute son offre publicitaire à disposition des start-up, quitte à consentir des rabais.
La réalité du marché voit, en effet, les médias accorder d’importantes remises sur la diffusion des pubs de ce qui devient «leur» start-up. Pour la télévision, cela peut aller jusqu’à 80% et être de l’ordre de 20 à 75% pour les autres supports. «Mon expérience est que ce rabais est rattrapé par le supplément de revenus ou le gain en capital avant même la fin des campagnes de pub», assure Aljoscha Kaplan. Pour autant que la campagne soit massive, elle génère non seulement de la notoriété à long terme pour la marque mais un fort momentum ponctuel.
C’est la raison pour laquelle wiine.me cherche en parallèle à lever du cash pour financer son opérationnel. «Nous faisons le pari que les investisseurs comprendront l’intérêt qu’il y a d’entrer au capital avant la campagne publicitaire et la valeur que celle-ci va générer», explique Timothée Bardet. Chez lieferando.de, Jörg Gerbig tempère: «Ce type d’opération fait faire un bond aux ventes mais rend le due diligence plus complexe pour d’autres investisseurs.» Il ne cache cependant pas qu’une telle opération a facilité le rachat de Lieferando par Takeaway.
Si la petite taille du marché suisse et l’alternative marketing des réseaux sociaux limitent le potentiel du «media for equity», la création de fonds susceptibles de mutualiser l’offre des espaces de pub (et de leur éviter de se retrouver soupçonnés de conflit d’intérêts comme cela a été le cas en Inde) reste largement un marché à prendre sur le modèle allemand ici.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.