Les jeunes leaders préfèrent réseauter entre eux
Pour leur carrière, les valeurs montantes privilégient le partage d’expériences dans la confidentialité de nouveaux cercles. Adieu au simple networking.

"Je n’ai jamais fait partie du Rotary Club. Ce type d’association requiert beaucoup d’assiduité et ne correspond plus à ce que les jeunes dirigeants attendent d’un réseau." Dominique Freymond, consultant chez Management & Advisory Services à Zurich et fondateur de plusieurs clubs, a choisi de rejoindre la Young Presidents’ Organization (YPO), un réseau mondial qui regroupe plus de 18 000 jeunes patrons de moins de 50 ans. Les forums ponctuels sont composés de 8 à 10 membres qui font part de leurs expériences professionnelles, mais aussi personnelles. Mot d’ordre: la confidentialité. «Lors de ces rencontres, j’ai pu partager mes questions et mes doutes avec d’autres chefs d’entreprise, explique le consultant qui, une fois passé la cinquantaine, a dû quitter le club selon le règlement. On ne donne pas de conseils. On raconte nos solutions et nos échecs.» Philippe Corti, CEO de l’entreprise de construction du même nom, ou encore Milan Prenosil, président des confiseries Sprüngli, participent à ces séances, qualifiées par certains membres de «thérapies de groupe».
Le simple networking via l’éternelle carte de visite est en perte de terrain. Ce qui intéresse les jeunes leaders, c’est de se nourrir des expériences de leurs homologues, confrères et concurrents, pour gagner en influence. Comment? A travers des réseaux d’anciens alumnis de grandes écoles de business, des clubs professionnels spécialisés ou encore des communautés à grande échelle comme le forum des Young Global Leaders (lire encadré). En plus de mentors, ils recherchent des interlocuteurs confrontés à des enjeux semblables, même si le secteur n’est pas le même. Car leur entourage professionnel – employés et actionnaires en premier lieu – ne partage souvent pas leurs intérêts. YPO collabore activement avec Entrepreneurs’ Organization (EO) dont les forums se déroulent de manière similaire. Cette plate-forme, plus petite, réunit les chefs d’entreprise qui se profilent comme les leaders de demain. Les deux jeunes patrons, Sébastien Tondeur du groupe MCI, et Arnaud Grobet de Label Group, figurent parmi les participants. Financé par les cotisations de ses 7500 membres partout dans le monde, EO organise aussi des formations dans des universités telles que le MIT à Boston.
Gérard Paratte, fondateur d’Immostreet, un groupe vaudois actif dans l’immobilier, fréquentait les forums d’EO en Suisse. Il est affilié aujourd’hui à l’antenne d’Australie, pays où il habite depuis trois ans. «Au sein d’EO, la priorité n’est pas donnée au networking et aux relations d’affaires, mais au partage d’expériences.» Toutefois, un coup de pouce demeure toujours appréciable. «Nous cherchions un nouveau centre d’hébergement de serveurs, raconte-t-il. Un membre de mon forum m’a conseillé une entreprise, de manière tout à fait désintéressée.» Une vingtaine de membres EO appartiennent à l’antenne genevoise, dispersés dans trois forums distincts. «Ce sont toujours les mêmes personnes, de profession différente, qui partagent ensemble leurs expériences, explique le porte-parole de l’antenne Genève Jean-Luc Freymond, directeur de SAGE, une société lausannoise spécialisée dans les logiciels bancaires. Nous évitons également que, durant les séances, les membres soient confrontés à un concurrent, un parent ou encore un client.»
Le substitut LinkedIn
Mais ces organisations ne profitent pas forcément à tous leurs adhérents. «Je suis membre de YPO depuis longtemps. Mais l’organisation reste peu active dans notre univers, déclare Edouard Lambelet, cofondateur de la plate-forme Paper.li, un outil qui permet de gérer les flux d’informations des médias sociaux comme Twitter. Nous avons la chance d’entretenir nos propres réseaux à travers des investisseurs ou des partenaires média, par exemple.» Son associé Iskander Pols et lui-même privilégient les associations du Parc scientifique de l’EPFL, qu’ils dénomment leurs «tribus». Ou encore ces nombreux groupes qui se constituent de manière informelle, au gré des événements professionnels organisés.
Les réseaux sociaux en ligne, et notamment ceux qui ont trait à la sphère professionnelle type LinkedIn, s’imposent dans les processus de networking. Jusqu’à devenir un substitut du club traditionnel? «Dans le cadre d’EO, les réseaux sociaux ne remplacent pas les forums que nous proposons. Il nous arrive d’aborder des sujets graves liés à la faillite d’une entreprise, un conflit avec les associés, et même à des problèmes familiaux, se défend le porte-parole d’EO Genève Jean-Luc Freymond. Ces démarches sont peu envisageables sur une plate-forme Web à l’heure actuelle. D’ailleurs nos membres peuvent se réunir très rapidement en cas d’urgence.» Un avis que partage le chef d’entreprise Gérard Paratte: «LinkedIn est très efficace en termes de networking. Mais les rapports qui s’y développent demeurent superficiels, surtout lorsque des entrepreneurs ont besoin de se mettre en lien pour des raisons qui concernent la santé de leur firme.»
Pour Dominique Freymond, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Le consultant a fondé plusieurs associations dont le Club des Quatre-Saisons à Zurich. «Les réseaux virtuels peuvent être utiles pour créer son propre club. Mais ils ne remplaceront jamais le contact humain. Ce ne sont pas des commentaires sur Facebook ou LinkedIn qui vont me fournir des solutions pour mon entreprise», conclut-il. Young Global Leaders Chaque année au WEF, 200 jeunes sont désignés comme dirigeants de demain. World Economic Forum YGL, la communauté qui voit grand Dans le cadre du World Economic Forum de Davos, jusqu’à 200 jeunes dirigeants du monde entier sont désignés chaque année pour leur parcours professionnel d’excellence, mais aussi pour leur contribution concrète à la société. Ce sont les Young Global Leaders (YGL), qui comptent aujourd’hui plus de 600 membres. La politicienne Christa Markwalder est la seule Suissesse élue pour la volée 2011. «Chacun d’entre eux possède son propre réseau lié à ses intérêts personnels et professionnels, précise David Aikman, directeur du Forum des YGL. Notre programme leur ouvre des perspectives et leur donne accès à des secteurs qui ne leur sont pas forcément familiers.» Banques, médias, organisations non gouvernementales, entreprises… Ces jeunes leaders présentent des profils de tout horizon. Lors de manifestations organisées par le WEF, ils se penchent en groupes de travail sur des thématiques et des enjeux à l’échelle mondiale. Les régions émergentes sont représentées en force, tandis que la proportion de femmes au sein de la communauté atteint les 37% cette année. Le Forum des YGL, créé en 2004, est aussi l’occasion pour eux de faire évoluer leur carrière. Mais pas seulement. «Il y a trois ans, deux politiciens parmi les YGL, respectivement du Canada et de la Colombie, ont fait ressusciter un partenariat de libre-échange entre les deux pays, raconte David Aikman. Ils ont travaillé ensemble et fait en sorte que leurs gouvernements se rencontrent.»
Crédit photo: Thierry Parel, Moritz Hager/swiss-image.ch
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