Le Web joue au logo
Google devient plat, Yahoo perd du poids et Pay Pal a un blanc. Pourquoi les géants du Net changent leur image de marque?
Un logo, c'est comme un ADN, un élément génétique hautement sensible. Le manipuler coûte des millions et peut saboter une réputation. En 2013, quelques gros acteurs du Web ont malgré tout décidé d'y toucher. Pas de manière radicalement bouleversante, mais suffisamment pour que l'on s'interroge sur ce tir groupé de mutation visuelle. Avec l'aide de Johanna Schaffter et de Vincent Sahli, les graphistes du bureau Schaffter Sahli basé à Genève (www.schafftersahli.com), posons un regard critique sur ces mutations parfois infimes. Et sur le fait que graphiquement parlant la Neteconomie manque souvent de sex-appeal.
Acheté 6 dollars sur la banque d'image iStockphoto à Simon Oxley, illustrateur anglais installé au Japon, Ollie, le piaf qui tweete n'a pas rapporté un rond à son créateur. Jusqu'en 2013, le site de micro-blogging essaya plusieurs pinsons, jusqu'à cette version définitive hyper stylisée, basée sur le nombre d'or.
J ohanna Schaffter: "De tous les logos de cette série, Twitter est celui qui correspond le mieux à la fonction qu'il représente. C'est aussi le seul dont le symbole soit une image. Son évolution dans le temps est également symptomatique de ce qui se passe avec les identités visuelles des acteurs du Web. Au début le dessin, naïf, se stylise et se simplifie davantage avec le temps. Au point de sacrifier à cette mode du "flat design" qui vient de frapper la dernière mise à jour du système de l'iPhone."
eBay
Quatre tailles de polices et autant de couleurs, des lettres qui twistent: franchement, on jurerait que c'est le petit-cousin du boss d'eBay qui s'est amusée à bricoler le logo de la boîte sur Paint. Il y a deux ans, le site de ventes aux enchère mettait enfin de l'ordre dans sa typographie. Ceci dit son logo est toujours aussi moche.
Vincent Sahli: "Voilà un logo typique du syndrôme "home made" qui a marqué l'arrivée de l'ordinateur personnel et du MacIntosh en particulier dans les foyers. Les gens se disaient: pourquoi s'encombrer d'un graphiste alors qu'on peut taper son logo en piochant parmi les cinquante polices de caractère disponible sur n'importe quel traitement de texte. On voit le résultat."
Cas particulier. Google, c'est le logo qui ne change jamais mais qui change tout le temps (rapport aux fameux Doodles qui célèbrent la moindre occasion: fête du 4 juillet, 151e anniversaire de Claude Debussy, journée internationale de la limace). Dessiné par Sergeï Brin lui-même - cofondateur de Google avec Larry Page - le logo original adopte son look définitif en 1999. L'identité subira peut de modifications en 15 ans. Pour fêter son anniversaire, Google a abandonné le lettrage en relief pour des caractères plats.
Johanna Schaffter: "Le logo multicolore fait tout de suite très enfantin et pas très maîtrisé. Que le fondateur de Google ait créé son logo m'étonne à peine. A l'époque, Brin et Page ne pensaient pas en terme de stratégie marketing. L'aspect visuel de leur marque n'était vraiment pas leur priorité. Ils inventaient des nouvelles idées technologiques sans savoir si elles dureraient dans le temps. Comme dans le cas de eBay, ils bricolaient vite fait une marque de fabrique sur un programme de dessin. Je me souviens des campagnes IBM dessinée par Paul Rand. Et du logo de l'ordinateur Next que Steve Jobs, alors débarqué d'Apple, lui avait commandé. Il y avait une force, une intelligence dans ces images que je ne retrouve pas dans le logo Google, et dans aucun des logos de cette série d'ailleurs. Il y a aussi le fait qu'à la longue, un rapport affectif lie le logo à celui qui l'a dessiné. Il peut être raté et laid, pas question d'en changer. Tout au plus, on pourra l'épousseter avec quelques légères améliorations cosmétiques. Mais son auteur refusera de s'en séparer."
Yahoo!
Trente jour de suspens pour ça. Le nouveau logo Yahoo c'est le même en moins funky, en moins biscornu. L'ancienne version tenait bon depuis 18 ans. Marisa Mayer, la nouvelle patronne du géant du Web marque ainsi son règne.
Johanna Schaffter: "Ils ont essayé de garder le côté cartoon du logo original mais en lui donnant un côté sérieux. Désormais Yahoo rentre dans le rang. Ce qui est, dans le fond, le cas de tout les logos du web. Comme si après quinze ans de récréation, Internet devenu une industrie qui fabrique des milliardaires avaient décidé de gagner en respectabilité. Pour moi l'engouement général du "flat design" c'est ça. Tout le monde vise la même "neutralité" graphique comme une manière de signifier que le Web sort de l'adolescence et entre dans l'âge de la maturité."
Hotel.com
Hotel.com prend la tendance à contre-courant. Alors que le web craque pour le "flat design", le loueur de chambre par internet passe du style sans relief à un logo en 3D vraiment très kitsch. Sans parler de la typo qui mélange caractères script et sans sérif. Une complète aberration.
Vincent Sahli: "On dirait un logo trouvé dans une banque d'illustration comme il en existe beaucoup sur le Net. C'est sans âme, sans punch. Pour moi c'est un logo qui accuse cinq ans de retard."
Paypal
Le même mais en blanc à bord bleu.
Vincent Sahli: "Ici, le changement est pratique. Les utilisateurs de Paypal devaient obligatoirement incrusté le logo sur un fond blanc, au risque de faire disparaître une partie de la marque. Mettez-le sur une page bleue et vous ne lirez que "Pay" ou "Pal". "
Bing
Le moteur de recherche de Microsoft n'arrivera jamais à s'imposer face à Google. Du coup, Bing change radicalement d'identité, histoire de répondre à la charte graphique de l'entreprise de Redmond. Fini la typo rondouillarde qui collait plutôt bien avec son futur ex-CEO. Place à une version de la police Segoe utilisée par Microsoft dans toute sa communication et au jaune corporate que l'on retrouve dans le logo Windows.
Johanna Schaffter: "Pour moi, c'est une manière de se démarquer de la concurrence. Le premier logo Bing ressemblait trop, du moins dans l'esprit, à celui de Google. Le second prend l'exact contrepied: la typo, carrée, s'adjoint un symbole graphique. On passe du technogeek au technocrate"
Le Web est bleu
Le point commun entre tumblr, Facebook, Twitter, Dropbox et Paypal? Ils sont tous bleu. L'histoire voudrait que pour Mark Zuckeberg, frappé de daltonisme, c'est la seule couleur que le boss de Facebook distingue parfaitement.
Vincent Sahli: "le bleu c'est la couleur des assurances, des banques et des organismes institutionnels. Elle évoque le sérieux et la sécurité et quelque chose d'assez masculin. Et puis le bleu fonctionne bien sur le fond blanc d'un navigateur web. Il offre le meilleur contraste, la meilleure lisibilité."
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