Daniel Salzmann, l'homme-orchestre de Crans-Montana
Médecin d’origine, Daniel Salzmann s’intéresse à tous les domaines: art, théâtre, internet, cliniques, remontées mécaniques... Rencontre avec un homme d’affaires devenu incontournable.
D ès le dimanche 22 décembre, l’offre touristique valaisanne sera enrichie d’un nouveau musée, privé, niché à deux pas de la station de Crans-Montana: la Fondation Pierre-Arnaud, du nom de feu le beau-père de Daniel Salzmann.
Devenu progressivement l’unique patron du Caprices Festival, Daniel Salzmann, 55 ans, détient très exactement 10,8% des actions de CMA (la société des Remontées mécaniques de Crans-Montana-Aminona), qui emploie 260 personnes durant la saison de ski.
A côté de cela, il soutient le concours hippique, mais surtout il préside l’Association des propriétaires d’appartements et de chalets (Apach) de Crans-Montana, un lobby grandissant qui entend faire entendre sa voix auprès des communes du Haut-Plateau à l’heure où l’on parle de nouvelles taxes.
Avec l’ouverture de ce centre d’art à Lens, l’homme ajoute une corde à son arc. Et pas n’importe laquelle. Construit sur deux niveaux, ce musée aux lignes contemporaines proposera sur 900 m2 deux expositions par année. «Je vise 70 000 visiteurs», nous confie Daniel Salzmann, vêtu tout en noir, comme à son habitude, lorsque nous l’avons rencontré au bar du Beau-Rivage à Lausanne. Un objectif certes ambitieux mais relativement modeste en comparaison avec la Fondation Pierre-Gianadda à Martigny, qui elle en accueille environ 250 000 par année, également avec deux expositions.
«Quand nous avons racheté cette ancienne halle de menuiserie à Lens, nous avions des ambitions plus modestes. Nous voulions certes un bâtiment contemporain, qui ne ressemble pas à un faux chalet, mais le musée devait être axé sur les peintres valaisans.»
Au final, le centre d’art aura vu son coût passer de quelque 7 à 8 millions de francs à plus de 15 millions, comme le reconnaît le mécène qui, selon nos estimations, y aura consacré une dizaine de millions. La commune de Lens, la Loterie Romande, la Fondation du Casino de Crans-Montana et divers donateurs (dont feu Monique Nordmann) ont versé le reste.
«Mon beau-père avait une collection de pièces grecques et romaines. Avec ma femme, nous avons organisé une vente aux enchères de l’ensemble de cette collection. Le montant récolté, de l’ordre de 3 millions de francs, a été attribué à la construction du centre», ajoute Daniel Salzmann.
Paradoxalement, Daniel Salzmann ne s’estime pas lui-même un vrai collectionneur. Passionné par la peinture, la danse, la sculpture et la musique, il avoue s’être laissé prendre par le projet. Son parcours est plutôt atypique. Médecin de formation, ce natif du signe du bélier a vu le jour en 1958 à Genève, où son père était revenu du Maroc pour étudier la chimie. Alors que son grand-père représentait la maison Ciba au Maroc (avant la fusion avec Geigy en 1970), son père dirigera par la suite la division colorants.
De l’âge de 3 à 18 ans, le jeune Daniel vit à Casablanca. Son beau-père, Pierre Arnaud, était quant à lui dans la vente de bateaux, également au Maroc. Il aurait démarré sa carrière en réussissant à fournir un remorqueur aux autorités portuaires de Tanger. Il a aussi contribué à la construction du port de Mohammédia, le principal port pétrolier du pays.
Une fois installé en Suisse, il réalisera notamment une excellente opération avec la success story de Fotolabo, qui sera revendue à Valora en 1999 pour plusieurs centaines de millions de francs. Pierre Arnaud y est associé avec son beau-fils d’alors, Dominique Frémont, lequel a ensuite réinvesti ses gains dans Mauboussin.
Organisateur de spectacles -
Une fois son bac en poche, Daniel est venu étudier la médecine à l’Université de Lausanne. «Au départ, j’avais la chirurgie en tête, mais ce monde ne m’a pas passionné.» Finalement, il devient médecin assistant en psychiatrie de 1985 à 1989 et œuvre durant quatre années à la Clinique Bel-Air, et en polyclinique. «J’avais un intérêt intellectuel et humain certain pour cette profession, mais j’ai pris conscience que je n’avais pas envie de me cantonner à un rôle de soignant. De plus, une vie de psychiatre ne vous laisse pas totalement indemne.»
Il se rend compte également qu’il aspire à être plus créatif et se sent la fibre entrepreneuriale. C’est alors qu’il codirige le Café-Théâtre des Faux-Nez à Lausanne (qui fermera ses portes en 1994). Il produit aussi quelques pièces de théâtre au Festival d’Avignon avec, entre autres, le jeune comédien et metteur en scène Eric Lacascade, une tournée en Suisse de la chanteuse Carla Bley avec des musiciens suisses ou encore une exposition de peinture.
En 1990, il se lance dans la bijouterie sous le nom de Daniel De Guy (rue Centrale 5, à Lausanne). «Je travaillais à l’atelier pour créer des bijoux, avec un intérêt particulier pour les bagues. A ce titre, il collabore notamment avec un organisme de réinsertion et forme deux bijoutiers.
Cet intérêt le pousse à se lancer en 1997 dans une marque horlogère, Delaneau, avec ses habituels associés genevois Philippe Thévenaz et Jacques Delafontaine. Divers actifs sont alors repris pour environ 6,8 millions de francs d’une société biennoise.
Cette jeune marque se positionne sur la technique de l’émail. Il décidera finalement d’en sortir en 2005, après avoir beaucoup investi à perte, avant qu’un Russe, Vladimir Scherbakov, vienne prendre le relais.
En matière culturelle, Daniel Salzmann a aussi beaucoup écrit, y compris des scénographies, pour des spectacles de danse, que cela soit sur Mozart, sur les contes et danses orientaux, sur le flamenco, ou encore, plus récemment (en 2011), sur la vie et l’œuvre d’Egon Schiele présenté au Théâtre Sévelin à Lausanne, avec une musique composée pour le spectacle.
Sauveur de LeShop.ch -
Mais le principal fait d’armes de Daniel Salzmann, qui lui vaut de solides amitiés, c’est son rôle déterminant dans le sauvetage du site marchand LeShop.ch en décembre 2002.
Cofondateur avec entre autres Alain Nicod, Christian Wanner revient sur cet épisode: «Après le rachat à 100% par le groupe Bon Appétit, ce dernier annonce la fermeture à fin décembre du Shop. Nous nous retrouvons le 10 décembre avec la consigne de tout liquider, mais avec mes collaborateurs nous décidons d’entrer en résistance. Malgré le licenciement collectif, tout le monde retourne travailler. Une course contre la montre s’amorce. Mais après l’éclatement de la bulle internet, les investisseurs ne sont pas très chauds. Par chance, notre clientèle joue le jeu et nos ventes grimpent de 80%. De même, Peter Brabeck, de Nestlé, et Ulrich Gygi, de La Poste, décident de nous soutenir. Migros et Coop ne peuvent se positionner dans un laps de temps aussi court. Seule la mafia bulgare est prête à mettre les 10 millions de francs indispensables au développement», raconte Christian Wanner.
«C’est alors que Daniel Salzmann souhaite me rencontrer. Nous nous voyons une première fois au Mövenpick du Relais du Saint-Bernard en Valais avec son épouse. Il m’écoute lui exposer la situation pendant deux heures puis il s’éclipse pour aller skier en famille. Le soir, il me rappelle et propose de nous revoir le lendemain au même endroit. C’est ainsi que le lendemain, après trois heures de discussions, il me tend la main pour ce deal à 10 millions.»
Par la suite, Migros leur cède ses activités online, ce qui va doper les ventes de LeShop.ch. Trois ans plus tard, exerçant son option d’achat, Migros décide de racheter le site désormais dans les chiffres noirs.
Au passage, Daniel Salzmann et ses deux associés empochent en 2006 un joli pactole leur permettant de quadrupler leur mise. «Je lui tire mon chapeau. Sa capacité à prendre une décision rapidement, à l’instinct, a permis de sauver le job de 70 familles», relève Christian Wanner.
A cette même époque on retrouve l’ex-psychiatre aux côtés d’Ariane Dayer et du futur président du Conseil d’Etat genevois François Longchamp pour la création de l’hebdomadaire Saturne (mars 2004 à juin 2006). «Malheureusement, le lectorat en Suisse romande est trop petit pour qu’un tel projet soit viable. Mais cela reste une belle aventure», commente le mécène.
Ce fidèle de Crans-Montana, où il a résidé pendant sept ans avant de venir s’installer à Saint-Prex, est entré en octobre 2003 au Capital des remontées mécaniques (CMA) à l’occasion d’une augmentation de capital. Il avait accepté de suivre Philippe Magistretti suite à un deuxième assainissement de CMA par intérêt pour l’avenir de la station alpine.
«Nous avons fait du très bon travail. D’environ 70 millions de dettes avant mon arrivée nous sommes passés à environ 20 millions à l’heure actuelle. Nous avons investi 25 millions de francs pour l’enneigement artificiel et 30 millions dans les installations. Des investissements réalisés en autofinancement par CMA, avec seulement environ 50% de prêts bancaires. De leurs côtés, les communes actionnaires ont financé les aménagements des pistes destinées aux compétitions internationales. Il reste encore une trentaine de millions à verser pour achever l’assainissement de CMA.»
Son intérêt pour les cliniques est méconnu. Pourtant, en 2005, il rachète la Clinique Valère à Sion. Avant de mettre la main sur une seconde clinique à Loèche-les-Bains. Là aussi il semble qu’il a réussi une jolie opération, puisqu’en mars dernier il s’est défait des 86,88% qu’il détenait dans Valère au profit de Swiss Healthcare Properties. Désormais, il entend réorienter dès ce printemps sa clinique de Loèche vers la médecine de bien-être (anti-âge, détoxification, etc.), laquelle emploie quelque 70 collaborateurs.
Enfin, citons un autre investissement significatif de sa part: la chaîne de boulangeries vaudoises Fleur de Pain où il finance la création d’un laboratoire à Crissier. Il est toujours actionnaire de cette société, qui possède 17 points de vente réalisant environ 18 millions de chiffre d’affaires avec quelque 180 collaborateurs.
Enfin, pour revenir à Crans-Montana, il faut rappeler qu’il dirige également la fondation du Caprices Festival. Lorsque les fondateurs souhaitaient convier la chanteuse Noa à participer lors de la première édition, ils avaient contacté Daniel Salzmann, sachant que c’était une de ses amies. Augmentant progressivement son rôle dans la fondation qu’il préside maintenant, il a permis à ce festival de survivre avant de s’en emparer et d’imposer sa vision.
Parmi les cinq membres fondateurs, seul Maxime Léonard est encore à ses côtés en tant que directeur de la manifestation. «Il est difficile de faire tourner un festival à la montagne. Un groupe qui attire 10 000 personnes en plaine n’en fera venir que 3000 à la montagne.»
Après avoir fait grimper le budget à 9 millions de francs pour sa 10e édition et son étalement sur plusieurs semaines, Daniel Salzmann a revu la formule avec un budget de 6 millions pour 2014 et davantage de concerts au cœur de la station.
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