Ces mentors qui ont changé nos vies
Certaines rencontres peuvent conduire à des changements déterminants dans notre parcours professionnel. Des entrepreneurs évoquent les personnes qui les ont fortement influencés.
Et vous, qui ont été vos mentors? La question peut paraître évidente. Très vite, des noms jaillissent, de mémoire plus ou moins lointaine. Mais de là à décortiquer la manière dont ceux-ci nous influencent dans notre fonctionnement de travail quotidien, l’exercice devient moins évident!
Le mentor idéal pourrait être celui de Rajna Gibson Brandon, professeure de finance à l’Université de Genève et directrice de la recherche du Swiss Finance Institute. Alors en post-doc aux Etats-Unis, elle fait de la recherche avec Eduardo Schwartz, un professeur qui s’est révélé «une personne très importante» dans sa vie. «J’ai d’ailleurs travaillé avec lui après ma thèse, et nous sommes toujours amis. Il m’a donné le goût pour la recherche en finance, et côté personnalité il était très à l’écoute.
A cette époque de ma vie, je me demandais encore si j’allais faire une carrière académique. Le fait de le côtoyer professionnellement a positivement influencé mes choix.» Aujourd’hui encore, au quotidien, Rajna Gibson Brandon pense à «l’attitude très relax, optimiste et confiante dans la vie» de son mentor.
Lorsqu’un réel échange se développe, il enrichit les deux personnes, affirme Eric Fassbind, directeur des Hôtels Fassbind. Lui-même entretient une relation de «partage» avec Christian Wanner, patron de l’entreprise Leshop.ch. «Avoir croisé son chemin a modifié ma carrière. C’est un modèle de ténacité, d’endurance, de rêve et d’enthousiasme. Passer une soirée avec lui clarifie de très nombreuses options et balaie tous mes doutes... On peut se conforter dans nos décisions. Il y a chaque fois une remise en question.»
Influents malgré eux - -
A l’opposé, il arrive parfois que certaines personnes jouent un rôle de mentor sans même s’en douter. Tout en donnant des impulsions extraordinaires, ou en provoquant des changements de fonctionnement très significatifs. «J’ai eu très peu de mentors, lâche Enzo Stretti, propriétaire notamment des sociétés EnzoLocation, et macave.ch. Dans le métier, l’un de ceux qui m’ont impressionné est Nicolas Hayek, que j’ai rencontré grâce à Juan Antonio Samaranch (ancien président du CIO, ndlr) lors du Giro en Italie.
Le fondateur de Swatch m’a fait comprendre que les gens avaient généralement du mal à bouger dans les moments de crise. Or, lui, il a dit: «Ok, c’est le bon moment pour démarrer.» C’est quelque chose que j’ai ensuite beaucoup pratiqué.»
Enzo Stretti cite également Giovanni Agnelli, qui lui a «donné un esprit différent». L’entrepreneur, qui travaillait à l’époque pour le club de la Juventus parallèlement à son travail d’hôtelier à Lausanne, a en effet côtoyé l’emblématique patron de Fiat. «C’était un monstre, moi j’étais un petit, mais il m’a tout de suite tapé sur l’épaule, il m’a dit de m’asseoir à côté de lui. J’ai cru rêver! De lui, j’ai appris la simplicité. Je me suis dit: le jour où je serai patron, je resterai simple.
Aujourd’hui, c’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire, et, quand des gens me le disent, je repense à Agnelli. Cette simplicité aide à ne pas vous éloigner du monde. Je pense que l’on réussit beaucoup avec ça.»
De son côté, Eric Fassbind évoque l’«électrochoc» ressenti lors d’une conférence de Stelios Haji-Ioannou, fondateur de la compagnie EasyJet. Son algorithme mathématique pour fixer ses tarifs a été pour lui une révélation.
Quant à André Hurter, directeur général des Services industriels genevois, il dit avoir été marqué par deux anciens patrons: Walter von Kaenel, directeur général de Longines – «mon premier chef, qui m’a vraiment impressionné par son côté pragmatique et décideur» –, et Tony Reis, à l’époque numéro un d’IBM Suisse, qui était resté «un gars normal, à l’écoute, qui admettait ses erreurs. En pensant à son fonctionnement, si un collaborateur vient me demander de l’aide, je me dis que je ne détiens pas forcément les solutions.
Je l’aide plutôt à trouver lui-même la solution.»
L’emprise familiale - -
Dans les entreprises familiales, ou lorsque les enfants travaillent dans le même domaine que leurs parents, la notion de mentorat est forcément très présente. Eric Fassbind, qui a repris les hôtels familiaux, mentionne un «formatage du cerveau et de la machine à prendre les décisions, qui prend forme dès la naissance. Je suis né à l’Hôtel Alpha-Palmiers, avec mes parents qui travaillaient autour de moi. Ce sont les premières personnes qui nous ont donné leur point de vue, dit-il en incluant son frère Marc.
Quand je rentre dans un hôtel, je pense que j’ai une façon de juger instantanée, que je vois par le regard de mes parents. Cela remplace des années d’école! Mais, au fil des ans, il y a un grand risque de rester coincé dans cette vision.»
«Bien sûr, il y a l’influence de la famille, complète le designer industriel Antoine Cahen. Dans mon cas, je ne peux pas la nier. La source est l’architecture. Cela donne une manière de voir les choses. Mais si j’avais eu un père charcutier et une mère chanteuse d’opéra? Peut-être que ça n’aurait rien changé.»
A travers les temps - -
Bien loin de l’influence familiale, André Hurter cite deux personnes qu’il n’a jamais rencontrées. L’une d’elles a même vécu au XIX e siècle: le compositeur hongrois Franz Liszt (1811-1886), qui a «eu le courage de casser les règles très rigides de la musique classique pour faire le virage vers la musique romantique, sans tenir compte des critiques et des menaces. Il a voulu exprimer un sentiment. Aujourd’hui, la terre entière reconnaît son talent.»
L’autre personne est l’alpiniste italien Reinhold Messner, premier homme à avoir gravi les quatorze sommets de plus de 8000 mètres (en 1986). «Il m’a impressionné. L’une de ses phrases clés est: «Tu dois trouver la force en toi et nulle part ailleurs.»
Lorsqu’il a fait sa première ascension de l’Everest, seul, il est tombé après huit heures de montée dans une crevasse, à 6700 mètres d’altitude. Il s’en est sorti sans aide, et il a continué jusqu’au sommet! N’importe quel type normal serait redescendu! J’essaie d’appliquer cette dimension à mon niveau nettement moins ambitieux. Mais quand vous êtes responsable d’un système complexe, vous êtes souvent seul pour prendre les décisions difficiles! C’est là qu’il faut trouver la force en soi pour trancher.»
Trop de mentors tuent-ils le mentor? - -
Les créatifs connaissent-ils davantage l’illumination suprême provoquée par un mentor? Il n’en est rien pour Antoine Cahen. S’il mentionne volontiers Braun ou Olivetti parmi les industries qui ont «ouvert des voies» à sa profession, le designer des machines Nespresso pense surtout que la manière de fonctionner d’une personne est comme une trame.
«Par superposition, on finit par trouver ses semblables. Chacun a sa propre trame, qui se façonne au gré du temps. Si une personne externe passe par cette trame, on le remarque par la suite. Nous nous construisons par comparaison ou par tâtonnements. Ce qui pourrait arriver, c’est que je me dise après plusieurs années: «Oui, ce type est bien, il aurait pu être mon mentor.» L’idée c’est, après coup, de réaliser que l’on est sur la même longueur d’onde que tel ou tel. Mais tout cela s’opère de manière continue…»
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