Ce que j'ai appris: Andy Rihs, entrepreneur, storyteller, cycliste.
Six personnalités romandes se prêtent pour Bilan à un exercice original : dévoiler ce qu’elles ont retenu de leur parcours exceptionnel tant sur le plan professionnel que personnel.

Ça commence par une enfance heureuse. Nous n’étions ni riches ni pauvres mais très intégrés socialement. Nous étions quatre enfants à la maison mais avec deux sœurs plus âgées et mon père souvent en voyage, mon frère et moi vivions surtout avec nos copains paysans. On faisait du cidre, le foin, les pommes de terre. J’ai pris le goût de la liberté.
J’ai refusé tous les conseils d’administration prestigieux. Le problème de l’administrateur c’est que quand ça ne marche pas, qu’est-ce que tu fais? Il faut s’engager et je n’ai jamais eu le temps. Historiquement, j’ai investi toute ma vie dans une seule chose: Phonak/Sonova, pour en faire le numéro un. Je n’ai pas vécu dans le milieu zurichois et je suis resté libre.
Une entreprise doit être pleine de vie. Dans les années 1970, il n’y avait aucun chômage en Suisse. La sécurité était normale et une petite boîte comme la nôtre n’arrivait pas à attirer les meilleurs. Tout ce que nous avions à offrir, c’était beaucoup de travail. Alors on a dû inventer le reste: l’absence de hiérarchie, de classe, le «project management», la vision, l’esprit campus. Bien sûr, c’est difficile de maintenir une telle culture dans une entreprise de 8000 personnes. Cela passe par des symboles: pas de places de parking réservées ou de cantines spéciales pour les directeurs. J’ai toujours dit à nos nouveaux: si tu es capable de distinguer mon pupitre des autres, je te donne 1000 francs.
Le numérique a changé le temps; ce n’est pas le temps qui a changé pour le numérique. La technologie transforme la société bien plus que la politique et a créé cette économie de l’innovation. Grâce à cela, Phonak est passé de prothèses auditives qui fonctionnaient mal à des appareils de communication personnelle. L’innovation, ce ne sont pas les étoiles qui s’alignent mais un produit de l’expérience. Il faut aller voir les problèmes à la base, chez les utilisateurs. On sait alors ce qu’on devrait avoir mais on n’a pas la solution. J’ai toujours retourné ces questions à la science en remontant jusqu’au fondamental. Ainsi, on obtient un catalogue de possibilités à partir duquel on peut agir.
Mon image est que je fais des choses émotionnelles et parce qu’elles sont émotionnelles je les fais. Mais derrière cela il y a toujours une grande logique, combinée avec une émotion, parce que sinon on n’a pas la motivation. Souvent, tu es convaincu parce que celui ou celle qui te fait une superproposition en a bien parlé. A ce moment-là, seules trois ou quatre régions du cerveau travaillent. Vingt heures plus tard, l’information est passée par vingt ou trente régions. Les meilleures décisions sont prises à partir de cette combinaison d’écoute spontanée et de réflexion.
J’ai découvert le pouvoir du vélo parce que je l’aimais. Quand j’avais 40 ans, un ami américain qui venait de faire un tour d’Europe a laissé son Mercier chez nous pour que je le lui expédie. Quand j’ai vu que cela coûtait 500 francs je lui ai dit: je t’achète ton vélo. Le lendemain, je roulais et j’ai immédiatement compris que c’était la liberté que je cherchais. C’est cependant aussi la logique qui a amené Phonak au cyclisme. Avec le numérique, nous avions une technologie de rupture mais il fallait la faire connaître. Les personnes qui perdent l’audition ne savent rien des prothèses et sont souvent équipées dix ou quinze ans trop tard. J’ai étudié les cas de Motorola, de Mapei, etc., avec le Tour de France et j’ai réalisé le pouvoir du cyclisme, même après l’affaire Festina en 1998. Sur le Tour, on n’est pas là comme Suisses mais comme Phonak ou BMC maintenant. C’est ce qui m’a persuadé. Fin 2006, quand nous avons eu l’affaire de dopage de Landis, nous avons mesuré notre notoriété à plus de 50% en Suisse et 25% en Allemagne et en France quand nos concurrents restaient à zéro virgule quelque chose.
Il y a des choses, rares, qui deviennent des classiques. C’est toujours parce qu’il y a une histoire derrière. Comme dans le cyclisme.
Avec les médias, ce n’est jamais la cause primaire qui cause les grosses difficultés mais ton comportement après. S’il y a un problème, il faut ouvrir tout de suite et surtout ne pas lâcher morceau par morceau. Je suis présent dans les médias dans le positif comme dans le négatif. Je ne disparais pas parce que c’est mauvais.
Tu peux être riche comme tu veux mais ce n’est pas cela qui te distingue des autres. Sans les autres, tu ne peux rien faire. Quand nous avons fait l’introduction en bourse en 1994, les banques m’ont dit: «Si on a une performance de 10% par an, ce sera super.» On a fait 300% l’année suivante. J’étais riche mais cela n’a pas changé ma vie. Nous l’avions fait pour préparer la succession. Après, nous avons fait un petit office de famille pour financer les choses qu’on aime. Les start-up qui vivent ce que j’ai déjà vécu. BMC, avec qui nous avons relocalisé la production des cadres en carbone d’Asie en Suisse.
1965. Entre chez AG für Elektroakustik, l’entreprise de son père, qu’il transformera avec l’aide de son frère et de l’ingénieur Beda Diethelm en Phonak puis en Sonova. 2011. Cadel Evans, le leader de son équipe cycliste BMC, emporte le Tour de France.
Céridt photo: Jérôme Rey/La provence/Maxppp
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.